Critiques Cinéma

UNE AFFAIRE DE DÉTAILS (Critique)

2,5 STARS MOYEN

SYNOPSIS: Deke, shérif adjoint du comté de Kern, victime récemment d’un burn-out, doit faire équipe avec le détective du LASD, Baxter, afin de retrouver un tueur en série. Deke est aussi intuitif que rebelle à l’autorité, l’inverse de Baxter. Parallèlement à l’enquête, le shérif adjoint voit resurgir un sombre secret de son passé…

John Lee Hancock  a commencé sa carrière comme scénariste, il se fait remarquer par Clint Eastwood qui met en image son script A Perfect World et fera de nouveau appel à lui pour son Minuit dans le jardin du bien et du mal. Il passe à la mise en scène pour un remake d’Alamo pour Disney puis se fait un nom dans le drame sportif avec the Rookie (autour du base-ball) mais surtout The Blind Side (autour du football américain) qui apporte son premier Oscar à Sandra Bullock. Il poursuit sa carrière en revisitant des icônes de la culture américaine avec un film sur les coulisses du tournage de  Mary Poppins Dans l’ombre de Mary à une biographie acerbe du fondateur de McDonald’s Le Fondateur avec Michael Keaton. On le voit, sa filmographie est éclectique mais possède un classicisme un peu conservateur sans doute hérité de son mentor Eastwood. Avec Une affaire de détails il met en scène ici un de ses premiers scripts qui date de 1993 et attira un temps l’attention de Eastwood mais aussi de Steven Spielberg, qui relate la traque d’un serial-killer par un jeune policier ambitieux et un vétéran persuadé d’avoir affaire au même tueur qui lui a échappé vingt ans plus tôt. Le projet se monte finalement aujourd’hui autour d’un trio d’acteurs en vue,  le grand Denzel Washington  entouré de  Rami Malek qui a éclaté dans la série Mr Robot, dans son premier rôle après avoir reçu un Oscar pour son interprétation de Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody et avant d’incarner le futur méchant de Mourir peut attendre  (si le film sort un jour)  et de Jared Leto dans le rôle du suspect principal.

On devine la volonté d’Hanckock d’essayer d’apporter une patine classique et épurée aux récits de serial-killers qui ont souvent bénéficié d’une mise ne scène très stylisée mais cette approche s’applique sur une intrigue et des personnages qui démarquent de manière trop visible, si ce n’est intentionnelle, les classiques du genre et n’aboutit  qu’à une version édulcorée de ceux-ci. Le spectre des œuvres de David Fincher plane sur Une affaire de détails  qui tente ostensiblement de mêler la traque d’un tueur insaisissable par un vétéran désabusé et  solitaire et un jeune enquêteur idéaliste impatient de faire ses preuves, un duo qui fait écho aux détectives Sommerset et Mills de Se7en (sentiment renforcé par le fait que le policier noir soit interprété par un des comédiens américains les plus  respectés et son jeune collègue par une jeune star montante) avec la thématique de Zodiac sur le  cout émotionnel et psychologique qu’un travail de la police au long court a pour les enquêteurs. Si on ajoute à cela  un suspect potentiel joué par un comédien oscarisé surgissant  dans un  troisième acte impliquant la recherche d’un cadavre, le spectateur fini par penser que la ressemblance  avec le classique de 1995 dont ont aurait poncé toute la spécificité pour n’en garder que le squelette pourrait ne pas être fortuite. Washington incarne Joe «Deke» Deacon, un shérif adjoint qui travaille et vit dans le comté rural de Kern, en Californie. Deke est un divorcé solitaire qui n’a pas vu ses enfants depuis longtemps et passe ses journées à s’occuper de petits délits. Tout cela change lorsqu’il est envoyé pour récupérer un élément de preuve à Los Angeles, qui s’avère être son ancien terrain de jeu. Par petites touches, Une affaire de détails  révèle que Deke était un détective d’homicide réputé qui s’est retiré dans des circonstances célèbres (bien qu’énigmatique pour le spectateur). De retour en ville, il est accueilli avec un mélange de suspicion et d’hostilité. Son apparition pique la curiosité du nouveau détective « star » Jim «Jimmy» Baxter (Rami Malek), qui tente de résoudre une série de meurtres commis par un déséquilibré qui aime chasser les femmes célibataires, les lier, les bâillonner et les exécuter, puis faire prendre à leurs dépouilles des poses suggestives. Il ne faut pas longtemps avant que Jimmy demande à Deke de l’accompagner sur sa dernière scène de crime pour lui donner un coup de main, mettant ainsi en place la dynamique si familière du jeune ambitieux blanc et du  vétéran noir plus âgé héritée de Se7en dont il reprend brièvement l’esthétique lorsque le duo arrive sur une scène de crime, constatant que le courant a été coupé, les forçant à naviguer à l’intérieur avec une lampe de poche. Hanckock semble être conscient qu’il suit les traces de Fincher mais les efforts faits pour s’en distinguer n’apportent pas de nouveaux ingrédients à un genre labouré par le cinéma et la télévision depuis 20 ans.

S’ouvrant sur une scène de tension assez bien menée le scénariste/réalisateur Hancock tente moins d’effrayer le  public avec les agissements du maniaque que sur la dramatisation de l’état intérieur de Deke, un homme que les erreurs passées ont laissé en ruine. Il a travaillé si dur dans une affaire similaire antérieure aux cotés d’un supérieur très religieux Carl Farris et d’une médecin légiste coroner compatissante Flo Dunigan (Michael Hyatt) qu’il y a perdu sa femme et sa santé. C’est désormais un homme hanté – une condition que Hancock matérialise de façon littérale en convoquant les esprits des victimes pour lui  rendre visite tard dans la nuit. Le manque de subtilité d’Une affaire de détails s’étend à sa représentation trop rapide des similitudes entre Deke et Jimmy, dont l’engagement dans leur travail frôle l’autodestruction. Malek incarne Jimmy avec sévérité et ténacité, mais alors qu’il parvient très bien à l’exprimer dans Mr Robot par exemple il manque de la nervosité qu’aurait sans doute nécessité  le personnage. Pour une interprétation sous tension  il faut se tourner vers Jared Leto dans le rôle d’un réparateur nommé Albert Sparma, qui devient le principal suspect de Deke et Jimmy. Solitaire avec des cheveux filandreux, une barbe assortie et de grands yeux sombres et taquins enfoncés dans son visage décharné, Sparma a plus que le look du tueur en série. Mais il est aussi  un aficionado de ce genre de  monstres – et semble prendre plaisir à jouer avec les enquêteurs en se faisant passer pour un fou – Deke et Jimmy prennent son appât et se fixent sur lui comme leur gars. Commence alors un jeu du chat et de la souris dans lequel Sparma  semble tirer toutes les ficelles. Pourtant en abandonnant l’enquête pour se concentrer sur le mystérieux  Sparma, Hancock neutralise son  intrigue en laissant place à un jeu de devinettes autour de la culpabilité de Leto.

Le jeu moqueur de Jared Leto donne à Une affaire de détails ses rares moments de trouble faisant planer le doute sur la vraie nature de Sparma, cerveau criminel responsable non seulement des meurtres  actuels mais aussi du carnage qui tourmente la conscience de Deke depuis des années ou cosplayer fanboy de serial-killer ? Washington apporte sa gravité et sa nuance habituelles au rôle de Deke, sa posture voûtée et son physique lourd suggèrent à la fois le fardeau émotionnel et psychologique qu’il endosse et la rage frustrée qu’il tente de contenir. Il y a une grande tristesse et un désespoir dans la façon dont Washington se déplace, y compris dans ces moments où il se précipite dans l’action ou  laisse sa fureur réprimée prendre le dessus. Il est aussi charismatique que jamais et aussi émouvant que possible même si  le tourment intérieur du personnage est trop ostentatoire  pour être vraiment authentique. La meilleure scène du film réunit d’ailleurs les deux comédiens dans une  séquence dans laquelle Deke suit Sparma sur une scène de crime aboutissant à un face à face entre les deux hommes. Si Une affaire de détails offre des personnages suffisamment animés par d’excellents comédiens et des développements de l’intrigue qui peuvent être qualifiés de « rebondissements », son final repose sur une prise de décision invraisemblable de la part d’un personnage totalement en contradiction avec son comportement jusqu’alors qu’il devient impossible d’adhérer au dénouement de l’intrigue. Déconnexion renforcée par un climax qui fait tout pour rappeler à nouveau Se7en en termes de cadre, de situation et de menaces potentielles. En conclusion malgré d’excellents comédiens, une belle atmosphère grâce à la photographie vibrante signée John Schwartzman (Armageddon, Jurassic World) Une affaire de détails qui aurait été jadis un  thriller de studio prestigieux apparait comme  une copie en DTV du classique de Fincher.

Titre Original: THE LITTLE THINGS

Réalisé par: John Lee Hancock

Casting: Denzel Washington, Rami Malek, Jared Leto

Genre: Thriller, Drame

Sortie en VOD le 24 mars 2021 – Disponible en DVD et Blu-Ray le 5 mai 2021

Distribué par: Warner Bros. France

2,5 STARS MOYENMOYEN

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