Critiques Cinéma

ERIN BROCKOVICH, SEULE CONTRE TOUS (Critique)

SYNOPSIS: Mère élevant seule ses trois enfants, Erin Brockovich n’avait vraiment pas besoin d’un accident de voiture. D’autant que le responsable sort du tribunal financièrement indemne. Obligée de trouver rapidement un travail pour couvrir tous ses frais médicaux et de justice, Erin obtient de son avocat, Ed Masry, de l’employer comme archiviste dans son cabinet. Son allure et son franc-parler ne lui valent pas des débuts faciles mais elle apprend vite. En classant des documents, Erin déterre une affaire louche d’empoisonnement et décide de se jeter dans la bataille.

Erin Brockovich fait partie de ces femmes dont on n’aurait peut-être jamais entendu parler si la fée pas chier ne s’était pas penchée au-dessus de leur berceau. Une femme à poigne, résolument moderne, le genre de self-made woman qui s’est taillé une place dans la jungle urbaine à coups de serpe, de ténacité, et d’une formidable dose de culot. Basé sur son histoire, Erin Brockovich, seule contre tous fait partie de ces films qui se font une place naturelle, évidente, dans notre petit panthéon personnel. Un film absolument incontournable, qui a su saisir, en même temps que la personnalité incandescente de son héroïne en avance sur la mouvance actuelle, l’essence profonde d’un drame humain promis à l’ignorance publique. La réussite de Steven Soderbergh et de Susannah Grant, la scénariste, c’est d’avoir conjugué avec brio le portrait haut en couleurs d’une femme exceptionnelle à un procédural haletant, aussi révoltant que passionnant. A la vérité, qu’y a-t-il de plus captivant que la démonstration des magouilles atterrantes auxquelles s’adonnent les gros bonnets de ce monde pour satisfaire à leur appétit gargantuesque de dividendes toujours plus indécents dans une course au profit jamais satisfaite ? Et quoi de plus jouissif que le mythe, sans cesse renouvelé, de David contre Goliath, du petit qui triomphe du géant, de la justice qui envoie un bon coup de fronde dans la tronche des vilains ? Ici, nous avons la réponse : Erin Brockovich qui met à genoux la PGE.


On est happés par l’enquête menée en free-lance par Erin, qui a décidément de la suite dans les idées, en plus de voir bien plus loin que le bout de son nez. Car c’est peut-être la réflexion la plus glaçante du film : le hasard total qui a voulu qu’Erin s’interroge sur le contenu d’un dossier mineur alors qu’elle classait des papiers. De documents incriminants en rapports accablants, Erin sillonne tout le comté d’Hinkley et accumule finalement de quoi monter un dossier monstre contre la compagnie, et dénoncer un scandale environnemental et sanitaire sans précédent. Un travail de fourmi et de titan, mené au détriment, et ironiquement pour ses enfants. Engluée dans un quotidien ponctué par les relances pour factures impayées et les cafards qui slaloment entre les jouets de ses enfants, cette croisade contre la PGE a des allures de planche de salut… et de revanche sur la vie. Pour elle, mais aussi pour les 634 plaignants que comptera finalement le dossier dans sa phase finale.

 » Pour la première fois de ma vie, on me respecte. « 

D’emblée, on prend fait et cause pour Erin, cette mère célibattante qui profite de ne pas avoir  » un cul de vache «  pour se glisser dans quantités de tenues aussi affriolantes que professionnellement déplacées, ne mâche pas ses mots autant que ses chewing-gums et fait montre, entre deux coups de gueule incendiaires et trois regards noirs, d’un cœur en or massif. A l’opposé des clichés véhiculés par la société américaine, elle dérange ses homologues féminins, et semble prendre un malin plaisir à les provoquer toujours plus. Dans le rôle-titre, Julia Roberts est confondante. Sublime. Magistrale. Une impératrice en blouson en jean. Ce rôle est peut-être le plus iconique de sa carrière, plus marquant encore que celui de Vivian Ward dans Pretty Woman, résolument plus fort que celui de Darby Shaw dans L’Affaire Pélican. Elle monopolise l’écran, l’attention, avec une aisance et un naturel qui contredisent l’exercice même de la comédie. Elle a su faire sienne l’histoire de cette femme à poigne, épousé la cause des victimes qu’Erin a défendu bec et ongles, envers et contre tous. Julia Roberts incarne à la perfection toutes les facettes de cette femme complexe, pleine de contradictions et résolument en marge de ce que la société bien-pensante américaine attend d’une femme comme elle. Entre pep’s, sourires XXL, coups de blues et volonté de fer, on ne se lasse pas de contempler ce portrait de femme à fleur de peau dans les moindres détails, conquis, admiratifs. Indéniablement, quand on évoquera Julia Roberts devant nous, c’est Erin Brockovich qui se matérialisera instantanément sous nos yeux.

« Sexy hein ? Vous voulez un autre numéro ? 6, c’est l’âge de mon autre fille, 8 c’est l’âge de mon fils, 2 c’est le nombre de fois où je me suis mariée et divorcée, 16 c’est le nombre de dollars sur mon compte en banque, 850.39.43 ça c’est mon numéro de téléphone et avec tous les numéros que je viens de vous filer, 0 c’est le nombre de fois que vous téléphonerez ! »

Face à Julia/Erin, des hommes évidemment. Autant d’adversaires potentiels qui se révèleront, pour la plupart, de formidables alliés… quand ils ne seront pas tout bonnement balayés par l’ouragan Erin. Autour d’elle, géante rouge aussi incandescente qu’intimidante, Albert Finney et Aaron Eckhart gravitent tels deux fidèles satellites. L’un comme l’autre assurent ses arrières avec une patience qui confine à la dévotion. Albert Finney est forcément impeccable, juste de bout en bout, à la fois las et encore roublard, entraîné par Erin dans un baroud d’honneur dont il se serait bien passé. Mais l’on s’arrêtera surtout sur la prestation de Aaron Eckhart, qui campe un motard rangé des voitures : George. Le biker se trouve remisé au garage par amour dans un savoureux jeu de miroir : dans le reflet, qui pronostique l’issue d’un bras de fer encore en cours aujourd’hui, on assiste à une savoureuse inversion des rôles. Pour le meilleur ? Nous, on dirait que oui. En tout cas, le personnage de George va dans le sens d’Erin : marginal, audacieux, à contre-courant. Erin Brockovich est le genre de film qui brille tant sur le fond que sur la forme. Formellement, c’est une réussite cinématographique et scénaristique sans fausse note. Un bel objet de cinéma que l’on se plaît à voir encore et encore, parce que tout y fonctionne comme dans un mécanisme d’horloge suisse, auréolé de cet éclat californien si particulier (la photographie est signée Edward Lachman qui a, entre autre, bossé sur Virgin Suicides et Loin du Paradis), et enveloppé du score de Thomas Newman. Sur le plan émotionnel, il est le genre de film qui prend aux tripes sans effets de manche, sans procédés artificiels. Et à chaque visionnage. Pas besoin d’en faire des tonnes quand on maîtrise son sujet aussi bien qu’Erin son dossier. C’est la force de Soderbergh : une réalisation sobre, qui repose sur un socle solide, avec une narration efficace, concise, poignante… et quelque chose de profondément humain, proche de nous. On pourrait vous en parler pendant des heures mais, en définitive, le mieux que l’on puisse faire, c’est de vous renvoyer à la copie du réalisateur d’Ocean’s Eleven. Alors seulement comprendrez-vous peut-être pourquoi, avec ce film, Erin Brockovich est passée du statut de femme, mère et militante, à celui de personnage de cinéma indétrônable, solaire, à jamais bouleversant. Culte.

Titre original: ERIN BROCKOVICH

Réalisé par: Steven Soderbergh

Casting: Julia Roberts, Albert Finney, Aaron Eckhart…

Genre : Comédie dramatique, Biopic

Sortie le: 26 avril 2000

Distribué par : –

CHEF-D’ŒUVRE

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