SYNOPSIS: Alors qu’ils passent leurs vacances dans un chalet isolé en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un choix impossible afin d’éviter l’imminence de l’apocalypse. Alors qu’ils n’ont pratiquement aucun moyen de communication avec le reste du monde, ils vont devoir seuls prendre et assumer leur décision.
Wen (Kristen Cui), sept ans, et ses parents, Eric (Jonathan Groff) et Andrew (Ben Aldridge) sont en vacances dans une cabane isolée au bord d’un lac paisible du New Hampshire. Un après-midi, alors que Wen attrape des sauterelles , un étranger apparaît de manière inattendue, un colosse baptisé Leonard (Dave Bautista). Amical il sympathise et joue avec elle jusqu’à ce qu’il s’excuse brusquement et dise à Wen : « Rien de ce qui va se passer n’est de ta faute. » Trois autres étrangers arrivent portant des objets non identifiables et menaçants. Bientôt ils séquestrent la famille pour l’amener à faire un choix qui d’après eux conditionnera l’avenir de l’espèce humaine. Ainsi commence le nouveau film de M.Night Shyamalan adapté du roman de Paul Tremblay The Cabin at the End of the World dont on comprend que l’accroche très Twilight Zone a pu séduire l’auteur de Sixième sens. Knock at the Cabin est un thriller tendu et propulsif qui commence comme un home invasion pour se transformer en quelque chose de plus étrange mais aussi plus émotionnel, maintenant une tension presque insupportable pendant une grande partie du film. Et qui permet à M. Night Shyamalan de poser sa question favorite : « En quoi croyez-vous ?«
Depuis 2015 et son arrivée chez Universal par la petite porte avec le found footage autofinancé The Visit M.Night Shymalan a donné un second souffle à sa carrière qui semble lui avoir permis de clarifier sa vision et sa place dans le cinéma américain. Définitivement débarrassé de de l’étiquette de « Next Spielberg » que les médias lui avaient collé sur le dos après le triomphe du Sixième Sens. Une étiquette qui l’avait à la fois écrasé et lui était monté à la tète. Aprés une incroyable succession de méga-hits entre 1999 et 2004 il quitte Disney avec fracas, le studio refusant de produire son prochain film (dont il s’était attribué la vedette aux cotés de Bryce Dallas Howard) après les résultats contrastés de The Village. La Jeune Fille de l’eau que produira la Warner sera un échec cuisant. Après une tentative pour renouer avec les thrillers à concept qui firent son succès avec le risible Phénomènes il tente une reconversion dans le blockbuster familial. Mais les échecs consécutifs au box-office de son adaptation cinématographique controversée du dessins animé Avatar: le dernier maître de l’air et son véhicule de science-fiction pour Will et Jaden Smith After Earth le rendent radioactif pour les grands studios. Le petit succès très rentable de The Visit (presque 100 millions à travers le monde pour 5 millions de budget) lui permet, de Split à Old, de continuer à s’autofinancer, un modèle qui semble plutôt bien fonctionner pour le cinéaste lui permettant assez de liberté créative pour prendre des risques narratifs tout en garantissant des retours financiers à son distributeur. Ici M.Night Shyamalan transforme par sa maitrise formelle un concept complexe en quelque chose d’accessible et de captivant. Son approche épurée de la mise en scène, son absence d’ironie et de second degré dans le traitement de son sujet se mêle au travail impressionnant de ses comédiens pour rendre la tension constante et lui donner une émotion indéniable. Il pioche à nouveau dans son sac de techniques d’inspiration Spielbergiennes et Hitchcockiennes (comme le maitre anglais le prodige de Philadelphie se réserve toujours une apparition dans chacun de ses films) pour maximiser le suspense et la terreur par la rigueur formelle de ses compositions de plans plutôt que par des scènes sanglantes. Il se repose sur de longs plans soigneusement composés souvent centrés sur les visages des comédiens dont la durée fait monter la tension, le suspense naissant tout autant de ce que le spectateur perçoit hors du cadre. La musique dissonante de Herdís Stefánsdóttir (les musiciens et musiciennes islandais semblent avoir fait une OPA sur ce type de musique) joue aussi un rôle fondamental dans l’anxiété qu’on ressent tout au long du film. Si l’action de Knock at the cabin se limite aux quatre murs du chalet, la portée des événements qui s’y déroulent dépasse le drame qui s’y joue. C’est toute l’ingéniosité de Shyamalan d’utiliser cet espace confiné comme une fenêtre par laquelle nous sommes le témoin d’événements considérables. Il reprend ainsi le dispositif d’un de ses plus grands succès, Signes, comme dans le film avec Mel Gibson et Joaquin Phoenix, une cellule familiale assiégée est aussi le témoin d’évènements extérieurs cataclysmiques (une invasion extra-terrestre dans Signes ici possiblement la fin des temps) par le biais des reportages des chaines d’info en continue. La juxtaposition de l’envergure de l’histoire racontée ici et l’économie avec laquelle Shymalan la raconte contribue à la tension et à l’implication du spectateur.
De par la nature de l’histoire et le confinement de l’action il y a une limite où le récit peut aller, il revient donc au casting de le faire vraiment fonctionner. Shyamalan comme très souvent dans sa carrière a assemblé un groupe de comédiens talentueux qu’il dirige parfaitement. Il a par le passé souvent accroché ses films a une personnalité charismatique, même si Knock at the Cabin est, comme l’était Old, un film de troupe, Dave Bautista en est la figure majeure. L’ancien catcheur accompli un parcours d’acteur unique d’abord cantonné aux rôles d’action que son physique massif appellent, s’attachant ensuite à des projets menés par des cinéastes confirmés lui permettant d’utiliser une plus large palette. Son rôle de Drax dans les Gardiens de la Galaxie a servi de détonateur a des collaborations avec Sam Mendes (SPECTRE) ou Denis Villeneuve (Dune, Blade Runner 2049) lui permettant de continuer à faire ses preuves. Knock at the Cabin marque une étape majeure dans sa progression en tant que comédien car même si son physique y joue un rôle important, sa performance est essentiellement dramatique et il y donne le meilleur de lui-même. Pour paraphraser un commentaire lu sur les réseaux sociaux, Bautista aurait sans doute pu jouer tous les rôles de Dwayne Johnson aussi bien que lui, mais ce dernier n’aurait jamais pu jouer le personnage qu’il incarne ici. Il compose ici une figure unique tout à la fois authentiquement touchante et terrifiante. Ce mélange de bienveillance non feinte et de menace implicite est assez unique et participe à rendre son Leonard fascinant. Contrairement à d’autres protagonistes (ou antagonistes ?) de « films de séquestration », son attitude reste constante et cohérente tout au long du film, c’est la perception du spectateur sur ses actions qui varie au fil du récit qui ajoute une part d’ambiguïté. Avoir mis un couple homosexuel et leur famille au centre du film ajoute une dynamique nouvelle à ce schéma très classique. Confronté tout au long de leur existence à l’hostilité de la société pour pouvoir faire vivre leur couple et leur famille, illustrée dans deux excellents flashbacks, Andrew et Eric ont sans doute une approche différente du dilemme qui leur est présenté. Ils ont d’ailleurs deux polarités très différente: Andrew a une nature plus agressive là où Eric est plus conciliant et réfléchi. La complémentarité et l’entente palpable entre Ben Aldridge et Jonathan Groff (Mindhunter) contribue grandement à l’identification du spectateur et à son adhésion à leurs choix au cours du film. Sa capacité à obtenir de belles performances d’enfants acteurs a toujours été une des clés du succès de Shyamalan, et ici encore il obtient un jeu très naturel de la jeune Kristen Cui qui n’apparait pas, comme souvent, artificiellement précoce. Les trois compagnons de Leonard venus d’horizons disparates – ce qui ajoute au mystère du film – sont incarnés par des comédiens qui égalent le niveau d’intensité de Bautista : les fans d’Harry Potter reconnaitront bien sur Rupert Grint dans un rôle plus complexe qu’il n’y parait, déjà présente dans Old Nikki Amuka-Bird ( la série Luther) incarne à l’instar de Bautista un personnage tiraillé entre sa nature protectrice et la terrible mission qu’elle doit réaliser. Abby Quinn enfin complète le quatuor avec un des personnages les plus dramatiques du film.
La critique d’un Shyamalan, devenu célèbre pour ses twists de fin, est souvent un vrai champ de mines pour le rédacteur qui doit éviter d’en éventer les secrets. Cette réputation a fini par devenir un fardeau pour le réalisateur, l’enfermant dans une image de prestidigitateur dont on attend le dernier tour alors que les meilleurs twists de sa filmographie sont l’aboutissement d’une narration précise. La conclusion de Knock at the Cabin participe du même mécanisme qu’il applique durant toute la durée du film : faire évoluer la perception du spectateur sur ce qu’il est en train de voir, ce qui débute comme un film d’ « home invasion » vire vers au thriller psychologique avant de glisser vers une logique de film apocalyptique jusqu’au final, implacable qui révèle la vraie nature du film que l’on vient de voir. Knock at the Cabin est un film qui traite de la croyance, en premier lieu celle du spectateur dans le récit qui lui est offert. C’est une thématique qui irrigue toute l’œuvre de l’auteur de Sixième Sens (croire dans l’existence des fantômes , croire que son père est un super-héros , croire aux extra-terrestres, croire aux créatures de contes de fées ou croire qu’on vit dans un village puritain menacés par d’étranges créatures ) comment elles nous guident, nous égarent ou nous libèrent et comment le refus de croire est aussi finalement une croyance en soi. M. Night Shyamalan lui montre une croyance totale dans l’histoire qu’il veut raconter et l’amène vers une conclusion qui apparait inévitable, conclusion qui fera sans doute débat, lui sera probablement reproché un certain conservatisme. Mais qu’importe il signe avec Knock in the Cabin un des meilleurs films de sa seconde partie de carrière, un exercice de tension et de paranoïa parfait vecteur de ses thématiques fétiches servi par un casting brillant – Dave Bautista en tête. On vous invite tous à aller taper à la porte de cette cabane !
Titre Original: KNOCK AT THE CABIN
Réalisé par: M.Night Shyamalan
Casting : Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge …
Genre: Thriller, Fantastique, Epouvante-Horreur
Sortie le: 1 février 2023
Distribué par: Universal Pictures International France
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020