SYNOPSIS: Comment anticiper la folie quand on ignore comment fonctionnent les fous ? Deux agents du FBI imaginent une enquête aux méthodes révolutionnaires et se lancent dans une véritable odyssée pour obtenir des réponses.
Un an et demi après une première saison tétanisante, Netflix et David Fincher proposent enfin la deuxième saison de Mindhunter. Acclamée mais passée sous le radar des cérémonies de façon incompréhensible, la première saison avait pour elle un casting brillant, un sujet passionnant et surtout, la mise en scène précise et glaçante de Fincher. Contrairement à House of Cards où Fincher n’avait été impliqué que sur la première saison, il revient ici à la barre pour la réalisation de plusieurs épisodes, signe de son engagement passionné pour une série éprouvante mais nécessaire. La saison 2 de Mindhunter commence quelques heures après la fin de la précédente : Holden accuse le coup de sa crise d’angoisse après son dernier contact avec Ed Kemper. Bill et Wendy prennent les devants pour continuer les entretiens avec des tueurs en série. Désormais bien aidés par leur nouvelle hiérarchie qui leur donne carte blanche pour continuer leurs investigations, l’équipe va donc rencontrer plusieurs tueurs avant d’être appelés à Atlanta pour enquêter sur le meurtre d’une vingtaine d’enfants noirs. Soit une saison structurée en deux parties, la première suivant le schéma des entretiens et l’autre sur le terrain à Atlanta.
Là où la première saison avait une qualité homogène, qui se tenait parfaitement du début à la fin, le seul reproche que l’on pourrait faire à cette saison 2 de Mindhunter est justement de s’essouffler à mi-parcours. Après cinq épisodes magistraux, et le fil rouge des entretiens bien poursuivis, le crochet que la série fait par Atlanta déséquilibre les intrigues de chacun, faisant quasiment disparaître Wendy de l’équation. Ce qui est dommage, car le début de la saison est absolument parfait dans sa manière de renverser l’échiquier laissé en fin de saison 1. Tous les points laissés en suspens il y a un an et demi trouvent vite une conclusion, plus ou moins satisfaisante, et comme dit, Holden se montre cette fois en retrait, privé d’une vie privée, et d’une vie hors du travail tout court. C’est donc à Bill que reviennent toutes les plus grandes responsabilités, pourtant affecté par une tragédie familiale. Le cheminement du personnage est remarquable, déchiré plus que jamais entre sa famille et son travail, réalisant, amèrement, que les deux ne peuvent coexister sans conséquences néfastes. Holt McCallany livre une prestation formidable, et devient le véritable liant de la série, ne perdant jamais de vue le fait qu’il est un homme faillible, surtout devant le pire de l’humanité.
Oui, on parle bien de Charles Manson, l’un des fantômes de la série, finalement peu présent mais dont les conséquences de ses actes sont bien palpables L’interrogatoire de Tex, l’un des piliers de la Manson Family et parmi les meurtriers de Sharon Tate, offre une vision encore plus approfondie de l’esprit de Manson, et un complément très intéressant, évidemment, au Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, sorti ironiquement à quelques jours d’intervalle. Wendy, si elle est encore un peu mise en retrait, permet habilement de parler homophobie dans une Amérique où la dépénalisation de l’homosexualité reste encore récente et mal accueillie. Les pistes de réflexion sur la masculinité toxique et la virilité sont bien amenées, notamment quand elles entrent en collision avec la psychologie des tueurs en série, mais l’ensemble ne va jamais jusqu’au bout de sa pensée.
Ce sont en effet les meurtres d’Atlanta qui prennent le relais, accompagnant l’équipe jusqu’à la fin de la saison. Une enquête aussi passionnante qu’effrayante, car on y voit, enfin, les théories des profilers mises à rude épreuve par le portrait du serial killer. L’arc d’épisodes autopsie une Amérique volée de ses enfants, dans une indifférence révoltante, appuyant très fort sur l’incapacité (et le manque d’envie?) des autorités à traiter convenablement ces enquêtes. Pourtant, même si l’arc en lui-même est superbement écrit, on aurait aimé le voir traité de manière plus longue, amputant moins les autres intrigues de la saison. La collision entre les différentes enquêtes et interviews donne l’impression que les scénaristes voulaient parler du plus de choses possibles avant que Netflix n’annule la série. Ce qui avouons-le, est tout à fait compréhensible.
Bémols d’écriture mis à part, cette saison 2 de Mindhunter s’illustre aussi par une mise en scène impeccable. Multipliant les morceaux de bravoure, comme cet interrogatoire dans une voiture dans l’épisode 2, la série s’appuie aussi sur son design sonore pour plonger le spectateur dans une ambiance morbide ; on vous conseillera notamment de ne pas zapper le générique du dernier épisode de la saison. Saluons aussi le travail inspiré d’Andrew Dominik à la réalisation sur le milieu de saison, dont on espère qu’Hollywood prendra connaissance pour le ramener sur le chemin du cinéma.
Il plane sur cette saison 2 de Mindhunter un parfum du Zodiac de Fincher lui-même, où ses personnages creusés par leurs obsessions et leurs traques sont constamment sur le fil du rasoir, à deux doigts de tout perdre au nom de la vérité. Cette saison s’avère être encore plus âpre, déchirante, parce qu’elle prend aussi le parti de nous montrer que le mal peut prendre tous les visages, à n’importe quel âge. Bien sûr, Mindhunter impressionne pour ses qualités techniques, son casting impeccable et sa mise en scène aussi précise que d’habitude pour Fincher. Mais elle nous tend également un miroir de nos propres instincts, nos propres peurs, et nous fait subtilement comprendre que personne n’est à l’abri. C’est peut-être bien, pour cette raison, que la série terrifie autant.
Crédits: Netflix
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