Critiques Cinéma

GHOSTLAND (Critique)

 3,5 STARS TRES BIEN

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SYNOPSIS: Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque. Tandis que Beth devient une auteur renommée spécialisée dans la littérature horrifique, Vera s’enlise dans une paranoïa destructrice. Seize ans plus tard, la famille est à nouveau réunie dans la maison que Vera et Pauline n’ont jamais quittée. Des évènements étranges vont alors commencer à se produire…

On note depuis quelques mois des signes de vie encourageant dans le cinéma de genre français, lequel ressemblait de plus en plus à un patient plongé dans un coma sans fin que les producteurs et distributeurs ne semblaient guère avoir envie de ranimer. L’émergence de talents aussi prometteurs que Julia Ducournau (Grave, 2017), Coralie Forgeat (Revenge, 2018), Dominique Rocher (La Nuit a Dévoré Le Monde, 2018), dont les films ont bénéficié d’une bonne distribution et ont pu rencontrer leur public, paraît avoir ouvert pour de bon la brèche que n’avaient pu qu’entrouvrir leurs prédécesseurs. Pascal Laugier qui poursuit sa carrière hors de nos frontières faisait partie de ces têtes brûlées qui avaient tenté en vain de secouer le paysage cinématographique français, au côté de Alexandre Aja (Furia 1999 et Haute tension, 2003) Christophe Gans ( Le Pacte des Loups 2001), ou encore Xavier Gens (Frontières 2007). Si comme ses camarades, Laugier a dû faire le choix de s’expatrier pour pouvoir monter ses films, nous ne ferons pas mystère que son sort nous apparaît comme moins injuste, tant ses deux films « français » nous ont laissé de marbre (Saint Ange, 2004) puis profondément navré (Martyrs, 2008). Ce dernier est même, aux yeux de l’auteur de ses lignes pourtant fan assumé et revendiqué d’un cinéaste très gore et provocateur comme Clive Barker (Hellraiser est tout ce que Martyrs échoue assez lamentablement à être), l’une des plus épatantes contre publicité qu’il soit possible de faire au cinéma de genre français. Martyrs est au film d’horreur ce que le film pornographique est au film érotique: une version hardcore dans laquelle ne compte que les scènes chocs, le scénario n’étant qu’un alibi, les scènes de transitions de douloureux tunnels « téléfilmesques » et la direction d’acteurs inexistante. Pour autant, il serait absurde de blacklister un réalisateur sur la seule base d’un film perçu comme médiocre.

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La découverte de son premier film américain (The Secret, 2012), pour mineur qu’il soit, a permis de mesurer le chemin parcouru, ne serait-ce que dans la direction d’acteurs et le soin général apporté à sa mise en scène qui ne se concentre plus exclusivement sur ses « morceaux de bravoure ». C’est donc avec une sincère curiosité mais vous l’aurez compris, une petite pointe d’appréhension, que nous avons tenu à découvrir le film qui lui a permis de repartir du dernier festival de Gerardmer avec le grand prix et une valise pleine de critiques positives. A défaut d’être un grand film, Ghostland confirme que Pascal Laugier vaut mieux que ce qu’il avait pu nous montrer à ses débuts, tant en terme de direction d’acteurs, que d’écriture et de mise en scène. Son quatrième film, de loin le plus abouti, révèle les thématiques et une sensibilité qui étaient jusqu’alors parasitées par de grandes faiblesses d’écriture et une volonté louable mais finalement vaine et puérile de pousser très loin l’horreur. Ghostland est bâti comme un rollercoaster horrifique, dont l’ADN assez classique dessine un parcours que l’on pense (et craint) assez balisé, mais qui par d’habiles détours gagne en profondeur pour nous emmener dans une direction assez inattendue. Éprouvant, parfois excessif et caricatural, Ghostland flirte aussi bien avec la série B luxueuse dans laquelle on sent l’influence des films de Tobe Hooper (dans une moindre mesure des romans de Stephen King) qu’avec, et c’est là une agréable surprise, une horreur plus métaphorique d’inspiration ibérique.

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A l’image de Beth (Emilia Jones), l’héroïne de Ghostland, qui se rêve auteure et puise sa vocation et son inspiration chez Lovecraft dont elle a toutefois le plus grand mal à se détacher pour trouver son propre style, Pascal Laugier paraît d’abord ne pas pouvoir s’affranchir de ses influences. Mais comme Beth, il se révèle à nous comme auteur et metteur en scène, tant le chemin parcouru depuis Martyrs est grand. Il le fait à travers un film dont la formule classique (un croquemitaine et ses proies dans une maison isolée ressemblant à un bazar de l’épouvante) s’enrichit d’une vraie réflexion sur la résilience. La belle réussite de Ghostland est en effet d’être extrêmement frontal mais de ne pas se limiter à la seule question de savoir si les victimes pourront s’échapper de ce cauchemar au sens premier du terme. L’horreur rencontre son commentaire et trouve une réponse qui fait se muer le slasher en conte cruel, puis en coming of age horrifique, dans lequel le parcours des personnages est aussi intime et transcende le classique et balisé jeu du chat et de la souris entre le croquemitaine et sa proie. Les excès et facilités, notamment dans l’usage de jump scares à répétition, dans ce goût (à la limite du sadisme) toujours prononcé pour faire subir les pires violences à ses personnages féminins, sont presque tous rachetés par un point de vue et une attention portée aux personnages qui doivent être soulignés parce que rares dans un film d’horreur par ailleurs aussi frontal.

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Sans être particulièrement développée, la relation entre la mère et ses filles, ainsi que celle entre ces deux sœurs, si différentes, qui vont se rapprocher dans cette terrible épreuve, l’est toutefois suffisamment pour que l’on s’attache à ces personnages et que l’on se sente impliqué à leur côté, plutôt que d’attendre avec un plaisir sadique de les voir se faire malmener et parier sur l’identité de la survivante. Cette fois Pascal Laugier n’oublie pas de diriger ses suppliciées, qui ont autre chose à offrir que leur corps et leur visage aux maquilleurs. Mention spéciale à Mylène Farmer qui se révèle convaincante dans un rôle qui demande une justesse et une sensibilité sans lesquels l’habile mécanique scénaristique du film s’effondrerait probablement. Le film évolue dans un univers qui lui correspond très bien, de sorte qu’outre sa prestation d’actrice, se crée aussi en sous-texte, un dialogue entre le film et ce qu’elle représente comme personnage public avec tous les fantasmes projetés sur elle (notamment son apparence, son physique « sans âge »). La subtilité inattendue dont fait preuve Laugier dans l’écriture de ses trois personnages féminins rachète quelque peu, ou en tout cas compense, ses excès dans la caractérisation de son croquemitaine et de son acolyte, sommet absolu de malaise, qui ne sont pas loin de provoquer un rire nerveux dans quelques scènes qui s’en trouvent fragilisées et quelque peu vidées de leur tension. C’est d’autant plus dommage que le climat de terreur malsaine qui flotte dans cette maison remplie de poupées, de vieux meubles et de miroirs est plutôt très convaincant, notamment grâce à un travail assez épatant sur les effets sonores et une bande originale qui a la bonne idée de jouer sur l’ambiance générale du film, y compris dans quelques scènes, où elle ne vient heureusement pas accompagner ou surligner ses quelques dérapages/excès. Sans être donc exempt de défauts et être le grand film d’horreur avec lequel il flirte par instant, Ghostland s’est donc révélé être une excellente surprise. Sur le CV jusque là peu emballant de Pascal Laugier, Ghostland ressemble à un nouveau départ qui, espérons-le, confirmera toutes ses promesses.

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Titre Original: GHOSTLAND

Réalisé par: Pascal Laugier

Casting : Crystal Reed, Anastasia Phillips, Mylène Farmer …

Genre: Horreur

Sortie le: 14 mars 2018

Distribué par: MARS FILMS

3,5 STARS TRES BIEN

TRÈS BIEN

 

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