C’est dans la suite d’un palace parisien que l’opportunité nous est donnée de rencontrer Marc Lavoine. Le comédien a passé la journée a enchainer les entretiens pour parler de la saison 2 de Crossing Lines qui démarre le 11 septembre sur TF1. Très pro, d’une élégance et d’une gentillesse à toute épreuve, il nous parle de la série, de ses partenaires, de jeu, d’écriture et de musique. Discussion à bâtons rompus avec un artiste complet!
Quand nous avons rencontré Ed Bernero pour la saison 1 de Crossing Lines, il nous avait dit » Nous sommes très vite devenus tous très complices, comme une famille, ça s’est senti très vite à la fois devant puis derrière la caméra »! Est-ce que vous, vous avez le même regard sur l’ambiance et les relations que vous avez noués tous ensemble?
ML/ Écoutez globalement oui c’est vrai qu’il y a des moments difficiles sur un long parcours comme celui-là, la première fois c’était cinq mois, la deuxième fois, six mois, c’est un an de vie à côtoyer des gens merveilleux et puis après moi je travaille ici aussi sur tout ce qui est doublage. C’est une grande chaine de personnes, ça a commencé avec Rola Bauer, Ed Bernero et Sophie Leveaux ensuite ça s’est étendu avec William (Fichtner), Donald Sutherland et puis les jeunes acteurs, c’est un peu une tour de Babel dans laquelle tout le monde parle dans sa langue et tout le monde parle dans la langue du cinéma. C’est vrai que mon copain allemand, mon pote néerlandais, ma copine néerlandaise, la jeune métisse, tous les gens qui ont traversés cette expérience avec nous, ça a été en tout cas quelque chose que je n’oublierais pas.
Dans Mains Armées, le film de Pierre Jolivet, vous jouiez le rôle d’un flic corrompu. Est-ce que vos approches pour jouer un tel personnage et jouer votre personnage dans Crossing Lines, qui lui est complètement intègre, sont différentes et est-ce que vous avez une manière spécifique de vous préparer?
ML/ Oui c’est différent, c’est vrai qu’avec Pierre… Pierre a eu la gentillesse de m’offrir un rôle que j’ai trouvé vraiment formidable, j’ai beaucoup aimé jouer ce personnage avec une tonalité vocale très basse et un personnage un peu ambigu, clairement dans l’ambiguïté de sa fonction, un type qui aime les gens et qui en même temps les trahit, c’était une approche délectable parce que c’est toujours assez bien de jouer des personnages comme ça, étranges, méchants, le bad guy… En revanche c’est vrai que dans Crossing Lines, j’ai adapté plus mon point de vue personnel à la personnalité du personnage. Je partage beaucoup de ses convictions, de ses principes, de ses valeurs, Ça été plus une façon engagée dans ce que je pense être moi comment il faut se comporter quand on est un homme, quand on est un père de famille, quand on est un flic, quand on a une responsabilité, un engagement vis-à-vis de ses partenaires et de la société. Je suis plus en accord avec ce que pense Louis c’est sûr.
Avez vous rencontré des officiers de police ou des criminologues avant de jouer dans Crossing Lines?
ML/ Sur Crossing Lines oui, je me suis inspiré d’un flic que je connais et qui m’a donné quelques petites pistes, on parle ensemble, on est amis depuis très longtemps, je suis assez fasciné par la façon dont il mène son métier, la façon totale qu’il a d’envisager sa vie à travers la justice, l’aide à la personne parce que le flic est là pour essayer de soulager la détresse, l’injustice des victimes ou des familles des victimes, élucider des drames c’est la passion de ces gens là. Du coup, je me suis inspiré de mon ami, qui est un flic intègre, un républicain, qui est un très grand flic qui a de très grandes responsabilités aujourd’hui. Ça m’a beaucoup appris et j’ai beaucoup aimé m’inspirer de lui parce que c’est quelqu’un que je ressens, qui a une passion, une patience, qui est quelqu’un de discret, qui est aussi félin, c’est un métier très intellectuel, il faut être très cultivé, très érudit, il faut connaitre beaucoup de choses de la personne humaine, du comportement des gens, c’est intéressant!
Vous connaissiez le travail de Ed Bernero sur Third Watch, sur Esprits Criminels?
ML/ Esprits Criminels oui. J’aime beaucoup ce mec, l’expérience de l’homme, comment il en est arrivé à écrire, moi-même qui écrit, qui me suis lancé dans un livre, j’ai beaucoup de respect par sa façon d’aborder les personnages, c’est très difficile de trouver des langages à chacun, de trouver des personnalités, des vies, les faire se croiser les unes aux autres, et là où c’était extrêmement bien, c’est quand il était là et que je lui posais des questions, il avait une clé ou deux et il était très utile, en tout cas en ce qui me concerne, sur la philosophie, l’axe des personnages et quand une situation arrivait il savait la maitriser. Il savait être sur une scène de crime, il savait désarmer quelqu’un, il savait viser, il savait interroger, donc du coup je lui demandais des conseils sur telle ou telle façon de faire et quand j’étais dans l’erreur, il me montrait des pistes. C’était très enrichissant de travailler auprès de lui, c’est un homme très très intelligent, très passionnant.
Est-ce que jouer dans une série internationale, ça a été un de vos critères de choix pour accepter le rôle?
ML/ Oui, ça a compté mais au delà de ça, c’est la façon dont on m’a proposé les choses, c’est un tout. D’abord c’est touchant d’être appelé par Ed Bernero, qui connaissait mon travail et qui m’a choisi avec Rola Bauer et Sophie Leveaux. Qu’on soit désiré c’est toujours agréable. La dimension artistique et la ligne éditoriale me plaisaient, je trouvais que c’était intéressant de faire une série finalement assez grave, assez noire, avec Sutherland. Je trouvais que c’était miraculeux et une chance inouïe de se retrouver sur un plateau avec un acteur de ce niveau là et de cette génération qui a été une génération qui pour moi m’a vraiment donné envie de faire du cinéma, notamment les films de Sutherland, 1900, Mash et Casanova ou Ordinary people (Des gens comme les autres NDCliffhanger), ce sont des films qui ont marqués la vie des gens et la mienne. On avait un point commun c’était Claude Chabrol avec qui il avait fait un film et moi aussi donc ça nous a donné un point de départ pour pouvoir tricoter notre relation. William (Fichtner), c’est quelqu’un que j’ai toujours admiré, je trouve qu’il a quelque chose de Kirk Douglas, en plus flottant, plus mystérieux, il a une vivacité, une puissance de feu assez impressionnante, c’est un homme qui travaille énormément, nous étions les deux seuls qui restions dans notre caravane et qui n’allions pas déjeuner à la cantine, pour travailler les scènes de l’après midi. Moi je sortais très peu le soir, je travaillais tout le temps et je sais que c’est quelqu’un qui travaillait beaucoup, j’étais assez impressionné. Autant sur la première saison on s’est rencontrés, autant sur la deuxième saison on a vraiment commencé à se connaitre et à s’apprécier plus qu’avant encore. On est restés amis, je trouve que c’est une bonne chose, c’est vraiment quelqu’un de bien. Et l’idée d’être diffusé dans 180 pays n’enlevait rien à tous les autres avantages de faire ce film. Un bon auteur, des bons metteurs en scène, des techniciens hors pair et puis ce monde un peu comme cette tour de Babel où tout le monde parle dans sa langue et finalement finit par parler anglais pour construire ensemble un film avec des accessoiristes tchèques, des cameramen français ou des metteurs en scène anglais ou allemands. C’était assez hallucinant. Parfois quand je sortais le soir diner avec mes camarades, j’étais ému de la chance qu’on avait, italien, irlandais, allemand, anglais, canadien, français ou américain d’être à la même table. C’est assez émouvant.
Qu’est-ce que vous pouvez divulguer sur la saison 2, sur votre personnage en particulier mais aussi sur la série en général, si vous pouvez dire quelque chose?
ML/ Je ne peux pas dire grand chose en dehors du fait que le cliffhanger où nous étions enfermés ma femme et moi et on ne savait pas trop ce qui se passait avec Genovese, que Genovese revient, mais qu’on décide de nous sortir de là avant tout. Ça c’était la première échéance et c’était important de réussir les deux, trois premiers épisodes pour être bien dans le bain, bien lancés. Ensuite on s’intéresse un peu plus à la vie de chacun, par des enquêtes qui sont menées par les uns ou par les autres, notamment Tom et Richard. On voit un peu plus leurs personnalités se développer, leur profondeur, et on les met en danger dans des enquêtes où ils sont en immersion, en investigation undercover comme on dit et là c’était intéressant de voir aussi comment tout ça se développait. Et je crois que ce qui s’est développé le plus en dehors des intrigues, des histoires, c’est l’humanité du groupe. Il y a quelque chose qu’on ne peut pas jouer, c’est la complicité, le naturel, utiliser ce que nous sommes dans la vie pour le mettre à l’écran. Et notre relation familiale, amicale s’est développée et ça on le sent dans des moments où les scènes pourraient être juste comme sur le papier, c’est à dire des scènes de bureau qui sont devenues des scènes de maison. En fait les scènes d’investigation à la ICC, quand on découvre les enquêtes, qu’on se les explique et qu’on les mène, toutes ces scènes là sont mêlées de ce qu’il peut y avoir dans une famille. Des regards, des attentions, un petit mot par ci, une phrase par là, qui déterminent et qui montrent à quel point ces gens là sont heureux d’être ensembles et qu’ils ont besoin les uns des autres. Ça s’est vraiment développé sur la saison 2 et c’est assez beau.
C’est amusant ce que vous dites, car lors de notre rencontre avec Ed Bernero pour la saison 1, il nous avait dit que l’ADN de la série c’était la famille…
ML/ Oui c’est ça et sur la saison 2 on le sent très fort!
Vous êtes prêt à rempiler pour une saison 3?
ML/ Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander c’est au public. On verra. En tout cas si ça devait en rester là, ça aura été pour moi une joie et une grande aventure. En espérant que le public va adhérer sur cette deuxième saison, j’espère. En tout cas tous les échos que j’ai eus moi en direct des gens, du public, ils étaient heureux qu’un mec comme moi, un français, un franchouillard, soit dans une série de ce type là. C’était la première fois qu’on pouvait intégrer un français dans une série internationale qui ait cette facture là. Je suis heureux que ça marche, que les gens aient sentis que je puisse être crédible et utile dans ce genre de chose et que ça leur a plu tout simplement.
Vous êtes heureux de l’accueil qu’a reçue la série?
ML/ Oui on a fait une moyenne de 6,5 millions, ça a été un gros succès et un succès dont l’écho est positif.
Est-ce que vos expériences de comédien nourrissent les textes de vos chansons ou est-ce que vous compartimentez les deux activités?
ML/ Beaucoup de mes aventures cinématographiques ont nourries mes disques. Le film de Chabrol par exemple sur la jalousie (L’enfer NDCliffhanger) a donné lieu à une chanson sur la jalousie justement. A chaque fois que j’ai étudié un film, ce qui me permet de continuer mes études d’une certaine manière que j’ai arrêtées très tôt, sur la guerre d’Espagne, sur la guerre civile, sur 42 et la déportation des tziganes. A chaque fois ça me donne quelque chose pour la chanson…
Auteur, compositeur, acteur, chanteur… Ecrivain?
ML/ Là je suis en train d’écrire un long play, une sorte d’histoire, un roman et ça me plait beaucoup. La forme que ça prend me plait bien aussi. J’étais pas sur d’avoir un style et finalement en me laissant aller je me rends compte qu’il y a quelque chose, qui ressemble pas à ce que j’ai vu avant, j’espère que ce sera bien. En tout cas l’éditeur a l’air d’aimer ça. L’idée plait. Je suis en train d’écrire et prochainement je pourrais montrer des choses à mon éditeur de manière plus avancée pour qu’on puisse commencer à travailler sur les coupes et les relances et les détails. Chaque détail compte. Aujourd’hui je pense que c’est ce que je ferais toute ma vie, écrire! Je sais pas si je pourrais jouer la comédie toute ma vie, je sais pas si je pourrais faire du théâtre toute ma vie, de la chanson ou du cinéma. Mais le roman, l’écriture, je me rends compte en étant seul trois heures sur une machine, qu’il suffit d’être là et de mettre ses doigts et de se laisser aller, d’aller chercher des choses, de travailler, pour que finalement ça vienne un peu et qu’on a besoin de personne à ce moment là. Donc c’est vrai que ça c’est vraiment une activité dont je ne pourrais plus me séparer.
Et la musique de film, ce n’est pas quelque chose que vous avez beaucoup fait?
ML/ Non! Je ne suis pas vraiment un musicien, c’est à dire j’écris des chansons, mais j’ai toujours besoin d’un musicien avec moi. Même les arrangeurs avec lesquels j’ai travaillé, avec qui j’ai signé mes chansons quand j’ai écrit les musiques, j’ai besoin d’eux pour me conduire un peu plus loin. Moi je suis un musicien d’instinct, j’écris des mélodies avec une guitare et ça va pas plus loin que ça. En revanche, j’ai besoin de quelqu’un pour structurer ou pour donner une dimension aux musiques que je fais. Pour l’écriture non, je pense être vraiment auteur de chansons et peut être auteur de romans, mais pour la musique, je ne me considère pas comme un vrai musicien, j’ai toujours besoin de quelqu’un avec moi.
Pourquoi y’a t-il si peu de captations de vos concerts et si peu de disques live?
ML/ Il y en a eu quelques unes, mais c’est vrai qu’il y en a peu. Si je fais un live il faut qu’il y ait une vraie raison. Aujourd’hui pour faire une captation, il faut avoir une chaine. On se dit pas « Tiens on va un film sur la tournée »! S’il n’y a pas de diffuseur, on ne fait pas! Moi je n’aime pas ce principe. Si on me dit on va prendre une caméra, on va te suivre et on va finir par faire un film avec une bande son, un truc qui apporte quelque chose. Et ce n’est pas une question de moyens. Je trouve que la captation en tant que tel c’est réducteur et voir un concert filmé ça m’ennuie! Pareil pour les live, un objet il faut que ça ait une raison. On me l’a demandé sur la dernière tournée! En revanche si dans trois ou quatre ans je reviens avec un nouveau disque et que je fais un spectacle et qu’il y a un live, peut-être que lui il aura une valeur.
C’est très long trois ou quatre ans! Vous allez nous faire attendre aussi longtemps?
ML/ Je ne sais pas, on sait jamais. J’ai tellement besoin de faire du cinéma et tellement envie de faire du théâtre que mon désir de chanter aujourd’hui est moindre parce que j’ai moins de choses à dire. 11 albums c’est beaucoup! Et puis il y a une usure aujourd’hui. Quand on me dit « on te voit beaucoup, c’est super », moi ça m’inquiète!
Aujourd’hui vous êtes inquiet?
ML/ Non je ne suis pas inquiet! Enfin je suis toujours un peu inquiet de quelque chose, il y a toujours une anxiété, une inquiétude, je suis un inquiet. Mais sur l’image, la façon dont j’ai essayé de mener ça depuis une trentaine d’années, de laisser une distance et en même temps de créer cette proximité, cette simplicité de rapport que je peux avoir avec les gens, je trouve que c’est la moindre des choses. Moi en tant que public, j’aime bien ça. J’aime bien les gens qui sont dans une sorte de délicatesse vis-à-vis de moi et qui me donnent envie d’avoir du désir pour la chose prochaine. C’est ce que j’essaye de faire!
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