Critiques Cinéma

THE SUICIDE SQUAD (Critique)

SYNOPSIS: Bienvenue en enfer – aka Belle Reve, la prison dotée du taux de mortalité le plus élevé des États-Unis d’Amérique. Là où sont détenus les pires super-vilains, qui feront tout pour en sortir – y compris rejoindre la super secrète et la super louche Task Force X. La mission mortelle du jour ? Assemblez une belle collection d’escrocs, et notamment Bloodsport, Peacemaker, Captain Boomerang, Ratcatcher 2, Savant, King Shark, Blackguard, Javelin et la psychopathe préférée de tous : Harley Quinn. Armez-les lourdement et jetez-les (littéralement) sur l’île lointaine et bourrée d’ennemis de Corto Maltese. Traversant une jungle qui grouille d’adversaires et de guérilleros à chaque tournant, l’Escouade est lancée dans une mission de recherche et de destruction, avec le seul Colonel Rick Flag pour les encadrer sur le terrain… et la technologie du gouvernement dans leurs oreilles, afin qu’Amanda Waller puisse suivre le moindre de leurs mouvements. Comme toujours, un faux pas est synonyme de mort (que ce soit des mains de leurs opposants, d’un coéquipier ou de Waller elle-même). Si quelqu’un veut parier, mieux vaut miser contre eux – et contre eux tous.

Le Suicide Squad de 2016 qui reste malgré tout avec 700 millions de dollars dans le monde un succès commercial est indubitablement un film malade. Malade des luttes intestines entre un réalisateur voulant pousser une version qu’il veut sombre et chaotique mais pas  maîtrisée et un studio qui  se comporte avec ses adaptations de comics comme le chien qui chasse sa propre queue pensant rattraper les critiques négatives des films de Zack Snyder en transformant la vision sombre de David Ayer en un film pop et fun dans la veine des Gardiens de la Galaxie. Hélas, cette version au tournage chaotique et au montage repris en main par la Warner, reniée par son réalisateur qui espère un hypothétique Ayer cut n’a pas su trouver l’affection du public et n’aura jamais le charme, subversivement innocent des films de  James Gunn. Le hasard est capricieux qui voit à la même époque ce même James Gunn victime d’une campagne menée par des figures de l’alt-right américaine qui ressortent des blagues d’un goût douteux qu’il a posté sur les réseaux sociaux en 2009. Disney cède au scandale et le renvoi du poste de réalisateur du troisième volet des Gardiens de la Galaxie. Warner Bros n’a pas les doutes de Disney et est trop heureux de récupérer un des architectes du succès du MCU pour redonner du lustre en un DCEU en perdition. On lui laisse une liberté totale dans le choix du projet même si Toby Emmerich patron du studio lui offre Superman. Mais Gunn qui rappelons-le, a débuté chez Troma, firme spécialisée dans la production de films trash de série B, voire de nanars volontaires et authentique connaisseurs des comic-books fait un choix à la marge et préfère prendre en main une suite-reboot de Suicide Squad qui lui permet de puiser à sa guise parmi les tréfonds du catalogue des personnages DC.
Du film  de David Ayer, Gunn ne conserve que la populaire Harley Quinn interprétée par la star australienne Margot Robbie, Amanda Waller (Viola Davis), Rick Flag(Joel Kinnaman) et Captain Boomerang (Jay Courtney). Pour sa version il va assembler un casting varié et talentueux qui va d’Idris Elba (Luther) au catcheur acteur John Cena. Le film s’ouvre d’ailleurs sur le comédien fétiche du réalisateur, Michael Rooker, , il incarne le super-criminel Savant qui rejoint la Task Force X , le projet gouvernemental d’Amanda Waller : une équipe de super-vilains incarcérés enrôlés pour des missions secrètes à haut risque en échange  de peines de prison réduites. Chaque membre de l’équipe est sacrifiable et si l’idée leur venait de déserter  ils sont équipés d’un engin explosif dans le cou que Waller peut activer à distance « Snake Plissken » style.  Sous la supervision du militaire Rick Flagg  son unité doit infiltrer l’ile sud-américaine de Corto Maltese (apparue pour la première fois dans les comics dans leThe Dark Knight Returns de Frank Miller) pour empêcher la junte militaire qui vient de renverser le gouvernement en place de s’emparer d’une mystérieuse arme secrète connue sous le nom de Projet Jotunheim. Ce concept de l’incarnation moderne de la Suicide Squad établi dans les comics en 1986 par le scénariste John Ostrander (qui apparait « à la Stan lee » au début du film sous les traits d’un technicien qui implante la fameuse bombe dans le cou des membres de l’équipe)  repose sur l’injection d’éléments super-héroïques à des intrigues plus réalistes appartenant au sous-genre du film de guerre que les anglo-saxons appellent le « Men on a Mission movie« . Le titre reprend d’ailleurs à la lettre la formule d’un de ses fleurons Les Douze Salopards de Robert Aldrich. S’il n’adapte pas une histoire en particulier du run de John Ostrander / Luke McDonnell, Gunn s’en inspire ouvertement. Le réalisateur adopte la structure des ces films de commando dont il reprend les tropes et archétypes :  membres incontrôlables, trahisons à l’extérieur et au sein de l’équipe, abandon en territoire ennemi par les autorités, ambiguïté des objectifs. Le cadre sud-américain, sa moiteur, sa valse des régimes tous plus corrompus et ses révolutions renvoient au cinéma  de Sam Peckinpah  et de Walter Hill (on y sent le parfum de son chef-d’œuvre « Peckinpahesque » Extreme Prejudice ). Une séquence d’attaque d’un camp de révolutionnaires dans la jungle par l’escadron cite clairement le Predator de John McTiernan autre enfant hybride du genre. The Suicide Squad est un pur divertissement estival mais il n’échappe pas en filigrane au propos politique que charrie le genre : révolutionnaires devenant plus impitoyables que ceux qu’ils renversent, critique de  l’interventionnisme américain, cynisme de l’exploitation  par les USA au gré de leurs intérêts  de dictateurs ou du recyclage d’anciens criminels de guerre.
Si il habille son film d’éléments empruntés à d’autres univers cinématographiques The Suicide Squad est avant tout une lettre d’amour au comic-book, peut être même la retranscription  la plus  réussie de ce qu’un amateur  ressent à la lecture d’un fascicule de super-héros.  James Gunn n’a pas de gages à apporter dans ce domaine, il  connaît et aime profondément cet univers dont il parvient à  capturer l’âme et en reconstitue sans effort la saveur et l’esthétique. Tournant le dos aux tentatives parfois laborieuses  de refonte  des costumes des personnages et de leurs capacités  pour les transposer à l’écran de  manière  « réaliste »  Gunn en embrasse tous  les aspects même ridicules, les retranscrivant  quasi littéralement à l’écran. En plongeant ces personnages aux couleurs primaires  dans un environnement réaliste il reste cohérent avec le concept même de la série. Si il choisi d’utiliser autant (16 !) de personnages issus du catalogue de DC Comics ce n’est pas pour servir les nécessités commerciales d’un univers partagé mais bien pour mettre en valeur toute la richesse, la folie et l’étrangeté de cet univers qu’il adore. Il nous fait rire avec certains de ces personnages souvent obscurs, de leur décalage avec le monde réel  mais  ne s’en moque jamais, leur donnant à chacun une personnalité , même en quelques répliques, et pour ce qui est des protagonistes principaux de vraies arches narratives . Ce traitement  inventif et surréaliste de ces personnages obscurs à l’image de celui de Polka Dot Man (interprété par David Dastmalchian remarqué dans The Dark Knight) – vilain oublié de Batman qui porte un costume à pois colorés qu’il peut décoller et utiliser à volonté – qui est ici un homme infecté par sa propre mère (objet du gag visuel le plus réussi du film) avec un virus inter-dimensionnel nous évoque le travail du grand scénariste Grant Morrison (Animal Man, JLA).
Il  se dégage de The Suicide Squad un sentiment de liberté créative totale rarement ressenti  dans ce type de méga-productions. Sans doute trop heureux  d’avoir récupéré un des piliers du MCU, la Warner ne semble rien avoir refusé à son nouveau poulain, ne mettant aucun frein que ce soit en terme de contenu et de budget. Le film est  tout à la fois, on l’a vu, un film de super-héros et de guerre mais aussi une comédie débridée potache et excessive, un film d’horreur sanglant, un cartoon live et se termine en Kaiju Eiga. Mais The Suicide Squad apparait avant tout comme le film somme de la carrière de James Gunn qui synthétise les thématiques qu’il poursuit de ses débuts chez Troma jusqu’aux superproductions de Marvel Studios. Comme dans les Gardiens de la Galaxie il est question de marginaux qui vont finir par constituer une famille recomposée dysfonctionnelle auprès d’autres outsiders à la différence prés que cette famille ici se compose de tueurs professionnels, de psychopathes violents et d’un être mi-homme mi- requin anthropophage (dont la voix originale est celle de Sylvester Stallone) sans que ce  traitement  n’apparaisse comme une copie de son travail pour Marvel Studios. Des scènes  autour autour du projet Jotunheim et du grand méchant du film Starro le Conquérant  rappelle les racines horrifiques de son  cinéma – son premier film  Horribilis était un film d’horreur qui parlait déjà d’un parasite extraterrestre malveillant et les hordes de « possédés » du climax  renvoient  aux zombies du remake de Dawn of the Dead de Zack Snyder dont il avait signé le script. James Gunn aime les monstres et cet amour qui traverse toute sa filmographie (y compris ses scripts pour les deux films Scooby-Doo)  est au cœur de The Suicide Squad dont chaque membre est, ou se perçoit, comme un monstre. La touche « James Gunn » est résumée par le  traitement de Starro, visuellement fidèle à son apparence des comics (une étoile de mer géante de plusieurs dizaines de mètres)  que Gunn parvient à  rendre à la fois drôle et menaçant et  trouve en une ligne de dialogue le moyen  d’en faire un personnage presque tragique comme le sont tous les grands monstres de l’Histoire du cinéma.
Gunn trouve un équilibre entre les moments loufoques et graves afin que les deux se complètent. Les personnages tous déviants n’en sont pas moins attachants et il capitalise  sur le concept de mission suicide et l’étendue de son casting  pour accroitre  l’imprévisibilité de son intrigue. On réalise très vite  qu’aucun personnage  n’est à l’abri, à aucun moment d’une mort violente ce qui contribue à ramener de vrais enjeux dans un genre devenu trop prévisible . Tous les comédiens sont excellents et semblent profondément adhérer  au ton singulier du  matériau de Gunn. Du coté des rescapés du film précédent Margot Robbie annonce dans la presse qu’elle va sans doute faire une pause dans le personnage d’Harley Quinn qu’elle reprend ici pour la troisième fois et cela apparait naturel tant son potentiel n’a jamais été aussi pleinement réalisé qu’ici. Harley Quinn est  un personnage qui  vit en décalage, dans sa propre réalité, avec sa fréquence propre mais aussi une figure particulièrement dangereuse et imprévisible. Il lui offre une séquence d’action massive aussi belle et poétique qu’ultraviolente, sans doute le sommet du personnage à l’écran. Viola Davis reste la retranscription parfaite de la Amanda Waller des comics, elle est ici encore plus impitoyable que sa version papier. Dans le film de Ayer, Joel Kinnaman  nous était apparu complètement miscast dans le rôle de Rick Flag, le relai implacable sur le terrain de Waller puisqu’il semblait  tout aussi instable que les membres de l’équipe. Il se rachète totalement ici, plus drôle, plus naturel car le scénario  offre à son personnage une véritable arche narrative. Mais les nouveaux venus sont trèees loin d’être en reste , John Cena est fantastique dans le rôle de Peacemaker traité ici comme une parodie des héros vertueux à la  Captain America, déterminé à sauvegarder la Paix à tout prix même si pour cela  il doit tuer des femmes et des enfants. L’ancienne star du catch confirme qu’il n’est jamais aussi  à l’aise au cinéma que dans des rôles comiques,  il est ici tout à la fois bad-ass, hilarant et terrifiant (l’acteur retrouvera James Gunn  pour une série centrée sur le personnage pour HBO Max dont on ne vous dit pas si elle est une prequel ou une sequel au film..) Gunn a écrit spécifiquement le rôle de Bloodsport (un ennemi de Superman dans les comics) pour Idris Elba, le comédien anglais y est impérial dans un rôle de machine à tuer, héros réticent que Gunn iconise à chaque plan. Son interaction avec la découverte du  film la jeune actrice portugaise Daniela Melchior qui incarne Cleo Cazo aka Ratcatcher 2  -la fille du précèdent détenteur du titre – est touchante.  L’ancien Doctor Who Peter Capaldi est répugnant à souhait dans le rôle du Thinker et s’octroie une des meilleures répliques du film. A vrai dire on pourrait écrire un paragraphe sur chaque comédien tant ce casting n’a pas de maillon faible.

The Suicide Squad est un grand spectacle audacieux et visuellement époustouflant qui  alterne sans relâche  moments  d’humour, d’action, d’émotion mais aussi  des instants de poésie suspendue  au milieu du carnage. Car il y a  toujours derrière les litres de sang numérique, les membres arrachés et les morts cruelles une forme d’émotion candide presque Disneyienne .James Gunn compose des séquences spectaculaires qui ont chacune leur propre identité pleines d’innovations et de gags visuels. Le film regorge de trouvailles, véritables   » punchlines » graphiques qui  lui donnent une texture propre, à l’image des transitions entre ses différents chapitres. Il a l’intelligence de ne pas griller toutes ses cartouches d’entrée même si la séquence d’ouverture est une véritable note d’intention,  elle ne sert que de hors d’œuvre à un film qui monte en puissance tout au long de ses deux heures vingt là où trop souvent les grosses machines s’épuisent dés leur deuxième acte.. Gunn et  ses monteurs Fred Raskin (les Gardiens de la Galaxie, Django Unchained) et Christian Wagner (collaborateur de Tony Scott  qui a aussi dynamité Fast Five)  lui injectent un rythme constant sans toutefois paraître précipité jusqu’à un climax titanesque qui rend justice aux planches les plus spectaculaires des comics. La photographie du britannique Henry Braham  qui avait signé celle des Gardiens de la Galaxie Vol 2.   (et qui ne quitte pas l’univers DC car il va éclairer le prochain The Flash d’Andrés Muschietti) est somptueuse, tour à tour lumineuse, psychédélique ou brute. On se plaint trop souvent dans ce type de production à effets spéciaux de SFX  bâclés qui les transforment en bouillies de pixels pour ne pas saluer ici l’intégration des effets visuels, une combinaison sans défaut de différentes techniques : maquillages spéciaux,  effets visuels devant la caméra ou  personnages  en performance capture  comme King Shark , rien ne vient jamais perturber la suspension consentie de l’incrédulité. Bien sur la musique et l’environnement sonore sont  essentiels que ce soit la partition puissante de John Murphy (Sunshine) et comme pour ses films Marvel, une playlist de chansons sélectionnées par Gunn qui vont de chansons punk-rock au Just a Gigolo de Luis Prima (qui vont sans doute composer les illustration sonores des émissions de M6 pour une bonne décennie). Vous l’aurez compris on sort enthousiaste de The Suicide Squad  grand spectacle épique d’une immense générosité, à l’humour et  la violence débridées, peut-être  le meilleur film de super héros depuis 13 ans et sans aucun doute le meilleur film de James Gunn. Le blockbuster de l’été.

Titre Original: THE SUICIDE SQUAD

Réalisé par: James Gunn

Casting : Margot Robbie, Viola Davis, Joel Kinnaman , Jay Courtney, Idriss Elba, John Cena, Peter Capaldi …

Genre: Aventure, Action, Fantastique

Sortie le: 28 Juillet 2021

Distribué par: Warner Bros. France

EXCELLENT

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