SYNOPSIS: Après avoir retrouvé foi en l’humanité, Bruce Wayne, inspiré par l’altruisme de Superman, sollicite l’aide de sa nouvelle alliée, Diana Prince, pour affronter un ennemi plus redoutable que jamais. Ensemble, Batman et Wonder Woman ne tardent pas à recruter une équipe de méta-humains pour faire face à cette menace inédite. Pourtant, malgré la force que représente cette ligue de héros sans précédent – Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et Flash –, il est peut-être déjà trop tard pour sauver la planète d’une attaque apocalyptique…
Warner Bros. a un problème avec son DCEU (DC Extended Universe) l’univers partagé basé sur les adaptations de DC comics lancé en 2013 avec Man Of Steel. Si les résultats au box-office sont tout à fait honorables (quoi qu’en dessous des objectifs ) l’accueil critique des films et leur perception par le public est problématique : ton jugé trop sombre et clivant, volonté de Warner d’accoucher au forceps d’un univers partagé pouvant concurrencer celui mis en place sur plusieurs années par Marvel Studios. Wonder Woman, en étant le premier film mettant en vedette une super-héroïne et grâce à l’adoption d’un ton plus léger, a constitué un tournant donnant son premier succès public ET critique à la major. Problème : le tournage de Justice League avait déjà été lancé en plein maelström critique avant la sortie du film de Patty Jenkins, avec à sa tête l’équipe de Batman V Superman qui, si elle avait déjà décidé de tirer certaines leçons de l’accueil du film n’était pas forcement en phase avec la nouvelle orientation du studio, ce dernier très nerveux voulant « corriger » le film en cours de production pour coller avec ce qu’il perçoit être les attentes du public. La tragique disparition de la fille de Zack Snyder provoquant son départ avant la fin du tournage, entraîne une reprise en main des nouveaux pilotes de la franchise Geoff Johns et Toby Emmerich qui engagent (avec l’accord supposé de Snyder) Joss Whedon, architecte du succès de Avengers pour terminer le film mais aussi en réécrire et retourner une partie afin de mieux coller à ce nouvel esprit. Pour quel résultat ?
Justice League aurait dû être un événement majeur dans l’univers super-héroïque mais les corrections de trajectoires permanentes aboutissent à un film qui porte dans chaque scène les stigmates de sa genèse contrariée : dénué de point de vue sur ses personnages entièrement au service d’une intrigue basique, sensée offrir un spectacle qui soit le plus rassembleur (et donc le plus inoffensif) possible. Le film est très rythmé et on a évidemment plaisir à voir réunies ces icônes, mais si le ton est plus léger, toute la grandeur et la majesté opératique des deux précédents films de Snyder se sont envolées. Les séquences s’enchaînent mécaniquement mais aucune n’est vraiment marquante. Un événement en particulier, pourtant crucial dans l’arche narrative que tentait d’achever Snyder avec sa trilogie est amené puis exécuté de façon certes plaisante, -on sourit à une réplique qui détourne une des plus fameuses de BvS – mais somme toute banale. On se demande ainsi quel était l’intérêt d’inclure l’ arche de la mort de l’homme d’acier dans BvS pour choisir cette résolution de loin le moins excitante gâchant ainsi les infinies possibilités dramatiques de sa résurrection. De même la séquence de cauchemar de Batman v Superman aussi confuse soit elle auguraient de développements plus dramatiques que ceux finalement montrés ici. L’action est constante mais le plus souvent floue et précipitée, sauf quand émerge une pose iconique en slow-motion dont Snyder reste le maître. Le choix, pour éviter les critiques nées des dommages collatéraux massifs de Man of Steel, d’un lieu désert pour la confrontation finale évoque le mauvais souvenir du final de Die Hard 5 et contribue à l’absence d’enjeux qui plombe le film. La photographie et les choix chromatiques discordants semblent trahir la paternité (entre Snyder et Whedon) de chaque scène sans qu’aucun ne soit vraiment satisfaisants. Soit trop sombre ou au contraire baigné de couleurs parfois criardes.
Le scénario de Chris Terrio (Argo), déjà à la manœuvre sur BvS, réussi l’exploit d’être à la fois simpliste et confus comme les motivations de son vilain Steppenwolf. Si le design des parademons est fidèle aux comics, en dehors d’un name-dropping opportuniste (Darkseid et les New Gods sont cités sans que jamais le spectateur non averti ne puisse faire le lien avec ce qui se passe à l’écran) on est vraiment très loin du Fourth World de Jack Kirby (même si les échos qui nous parviennent des plans originaux de Snyder et Terrio laissent entrevoir un traitement plus élaboré et plus fidèle à l’esprit des comics avant les réécritures). Les Motherboxes ne sont qu’un McGuffin multi-fonction prétexte à une quête d’objets de pouvoir par le méchant pour faire écho à l’intrigue des prochains Avengers. L’évolution des vilains est aussi symptomatique d’une forme d’échec : Comment a t-on pu passer de l’intense et tragique Général Zod incarné par Michael Shannon dans Man of Steel à ce vilain de sentai qui ferait passer le Mégatron de Transformers pour un sommet d’ambiguïté. De plus le choix de l’incarner sous forme d’un personnage en images de synthèse auquel l’acteur Ciaran Hinds se contente de prêter sa voix (pas de capture de performance ici) quand on connait les problème endémiques des effets spéciaux sur les films du DCEU achève de le décrédibiliser, faute d’atteindre un degré suffisant de photo réalisme.
Toujours en réaction à Batman V Superman l’introduction massive d’humour qui semble précéder l’implication de Joss Whedon , dont on perçoit néanmoins la plume dans certains dialogues, tombe le plus souvent à plat. Les relations entre les membres de l’équipe semblent forcées et maladroites à l’exception de celles entre Batman (Ben Affleck) et Wonder Woman (Gal Gadot) déjà établie dans Batman V Superman. Malgré tout sans l’intervention du créateur de Buffy, si Zack Snyder avait pu le mener à bien, Justice League n’aurait pas été meilleur, miné comme Batman V Superman par l’incapacité du duo Terrio / Snyder de traduire d’excellentes intentions à l’écran. Si c’est toujours un plaisir pour un fan de revoir Ben Affleck en Batman tant sa version est visuellement réussie, l’acteur semble ici presque absent dans cette version plus aimable du caped crusader. Gal Gadot peut-être confortée par le succès de son film solo nous semble plus naturelle et assurée en Wonder Woman. La personnalité des nouveaux venus est souvent en conflit avec celle des comics car ils se voient assigner des fonctions qui ne sont pas les leurs: Aquaman (Jason Momoa) en ombrageux guerrier cool et badass sert d’analogue au Wolverine des X-Men. Seules ses brèves scènes sous-marines aux coté de Mera (Amber Heard) où l’on aperçoit Atlantis sont intéressantes, ce qui est plutôt de bon augure pour son film en solo (sortie prévue le 19 décembre 2018 sous la direction de James « Conjuring » Wan). Le Flash d’Ezra Miller, avec sa personnalité maladroite et agitée qui semble décalquée sur celle de Peter Parker, engoncé dans son armure, nous apparaît particulièrement insupportable, même si son entente dans le dernier acte avec un des membres de l’équipe laisse entrevoir une évolution positive du personnage. Ray Fisher offre au début du film une performance intéressante en Victor Stone avant que le Cyborg ne devienne qu’un accessoire de l’intrigue plutôt qu’un personnage à part entière. Un membre de la ligue toutefois tire partie de ce changement d’orientation : il s’agit de Superman, enfin souriant et solaire qui tourne le dos à la sombre vision « libertarienne » de Batman V Superman. L’interprétation d’Henry Cavill est parfaite car émane de sa personnalité une honnêteté qui fait qu’on l’accepte tout de suite dans le rôle. Si ses deux scènes post-génériques sont très réussies, Justice League, avec l’utilisation de ce procédé (que Christopher Nolanavait refusé d’employer quand il était impliqué dans Man of Steel) marque en quelque sorte la capitulation de Warner devant le modèle Marvel et l’abandon d’une autre voie dans le film de super-héros. La composition de Danny Elfman appelé en remplacement de Tom Holkenborg aka Junkie XL (Mad Max Fury Road, BvS aux cotés d’Hans Zimmer) débarqué dès la prise de pouvoir de Joss Whedon, apparaît anachronique dans l’univers défini par Zack Snyder. Sans génie ou mélodie marquante, incorporant des extraits de son thème pour le Batman de Tim Burton et celui de Supermanpar John Williams, elle est finalement représentative de ce qu’est Justice League, un « film-Frankenstein » bâti sur le cadavre d’un film de Zack Snyderréanimé par Whedon et les dirigeants de Warner.
Titre Original: JUSTICE LEAGUE
Réalisé par: Zack Snyder
Casting : Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Ezra Miller,
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