SYNOPSIS : 1890. Une nuit, Georges Randa décide de revenir sur sa carrière de voleur. Orphelin sous la tutelle de son oncle, il revient à Paris, où il pense épouser Charlotte, sa cousine. Ne l’attendent que ses désillusions : l’oncle a détourné sa fortune et sa cousine est promise à un autre. Par dépit et par vengeance, il vole des bijoux et s’enfuit. Georges rencontre l’abbé La Margelle qui dirige une bande de truands, à Bruxelles. Il devient rapidement une figure importante des milieux interlopes
Malavida Films ressort le 9 Novembre 2022 six films de Louis Malle regroupés sous la bannière Louis Malle Gentleman Provocateur Partie 1: Ascenseur pour l’échafaud, Les Amants, Le Feu Follet, Viva Maria !, Le Voleur, Le Souffle au cœur. A partir de restaurations réalisées par Gaumont.
Le voleur est l’adaptation du livre éponyme que George Darien a écrit en 1897. Un roman qui va diablement faire écho à Louis Malle, sur notamment l’anarchisme de l’auteur. Le cinéaste se sent alors de briser sa routine en adaptant ce livre pour le cinéma. Louis Malle disait aimer le décalage du personnage principal, rôle de Georges Randa confié à Jean-Paul Belmondo, peut-être aussi car le réalisateur se vivait à ce moment de sa vie comme lui-même en décalage, il en disait d’ailleurs que « Après dix ans dans ce métier, je voyais ce livre comme une métaphore de ce qui s’était passé pour moi. Je ne pouvais m’empêcher de comparer Randal le voleur avec Malle le cinéaste. Nous venions tous les deux d’un milieu aisé, conventionnel, nous avions rompu avec lui par la révolte, la colère, le désir de se venger et de le détruireé. Le film est en quelque sorte clinique, dénué par exemple de musique, et qui va comme légèrement déstabiliser les fans du moment de Belmondo, complètement en dehors de son registre habituel, qui plus est avec la moustache !! Louis Malle marque aussi avec ce film la fin d’une époque, il enchaînera sur Histoires extraordinaires (1968), film fantastique Franco-Italien, co-réalisé avec Roger Vadim et Federico Fellini, avant de réaliser des documentaires, notamment en Inde, pour finalement revenir au cinéma avec un nouveau cycle. « Je fais un sale métier, mais j’ai une excuse, je le fais salement » dit Georges Randa, qui sous nos yeux va professionnaliser et théoriser ce qui va devenir pour lui comme un art voluptueux. Car Georges vole aux bourgeois, et ce que semble nous dire Louis Malle, en écho avec le roman initial est donc qu’il vole aux voleurs. La charge contre la bourgeoisie dans leurs réflexes conservateurs et l’archaïsme de leur pensée est toute savoureuse. Un peu comme dans Le souffle au cœur (1971), où l’air de rien et sans en faire trop, il y va au napalm sur cette classe sociale. C’est un combat contre ce qui dans le film est nommé comme « la loi économique qui ne distribue pas les bénéfices aux salariés, ou très peu… ». Un drôle d’écho, qui dans la salle obscure provoqua un rire massif généralisé, une tacite camaraderie chez les spectateurs.
Et d’ailleurs, contrairement à la pensée initiale, on rit beaucoup dans Le voleur. Les situations sont forcément cocasses et Malle oriente l’empathie de sa caméra sur les voleurs et les plans de la moquerie sur les volés. Sans parler de quelques répliques cinglantes, pour un film littéraire, que l’on doit certes à l’œuvre originelle mais aussi aux talents d’auteurs pour l’adaptation de Daniel Boulanger aux dialogues et de Jean-Claude Carrière au scénario. « La nuit dans une maison inconnue, quand tout dort, c’est comme si je venais au monde. Et quand je rentre, je ne suis plus rien ». C’est l’histoire de l’accomplissement d’un homme, il vole en dissertant, c’est un exercice quasi anthropologique et en tous les cas une histoire qui passe en un souffle, car il existe chez Louis Malle, une extraordinaire capacité à tenir un récit sur une forme haletante, peu importe le choix de son thème, avec toujours cette passion pour des personnages en marge.
Jean-Paul Belmondo fait ici comme de l’anti-Bebel. C’est un jeu sans effets, chirurgical, avec justement un magnétisme tout aussi puissant. On le sait maintenant, mais dans la filmographie de notre héros national, de celui à la trace indélébile des cœurs cinéphiles, Jean-Paul savait tout faire, pouvait tout jouer, tant sa générosité et son talent sont sans équivalent. Rien que pour le voir dans cet exercice aussi brillant qu’inédit, Le voleur est un film patrimonial. Il existe en plus le plaisir jamais assouvi de le voir évoluer avec Charles Denner, tant ces deux-là sont faits pour jouer ensemble. La scène ici sera courte, mais d’une intensité folle, forcément avec deux monstres sacrés. Julien Guiomar fera un incroyable abbé Félix La Margelle, dans une ironie toujours en retenue, qui est pour le spectateur un plaisir sensitif assez total. Geneviève Bujold dans le rôle de Charlotte est aussi ingénue qu’amusante elle aussi. A noter la présence pour un rôle rapide de Marlène Jobert, qui regrettera de ne pas avoir au suffisamment accès à Jean-Paul Belmondo sur le tournage, les deux l’ayant reconnu en se tombant dans les bras, bien des années plus tard.
Le voleur est une pièce centrale dans l’œuvre de Louis Malle, qui va ici désosser la carcasse bourgeoise. Georges Randa n’est pas Arsène Lupin, lui il défoncera les vitres pour dérober, ne ménageant pas le bourgeois, car celui-ci ne ménage pas le pauvre… Ou comme il est écrit dans le roman éponyme « Mais ce sont les institutions, aujourd’hui, qui sont coupables de tout ; on a oublié qu’elles n’existent que par les hommes. Et plus personne n’est responsable, nulle part, ni en politique, ni ailleurs… » C’était il y a 125 ans….
Titre Original: LE VOLEUR
Réalisé par: Louis Malle
Casting : Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Marie Dubois, …
Genre: Comédie dramatique, Policier
Date de sortie: 22 Février 1967
Ressortie le : 09 Novembre 2022
Distribué par: Malavida Films
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Catégories :Critiques Cinéma, Les années 60