ENTRETIENS

THE ATTACHÉ (Entretien avec Héloïse Godet) « C’était une très belle mission de découvrir à la fois la langue et Israël… »

Dans le cadre de la sortie de la série The Attaché réalisée par Eli Ben David et diffusée en France par Starzplay, nous avons pu rencontrer sa comédienne principale, Héloïse Godet, qu’on a pu voir dans le passé notamment dans L’Adieu au Langage de Jean-Luc Godard. Elle interprète ici Annabelle, la femme d’origine française d’Avshalom qui l’entraîne à Paris après avoir décroché un poste d’attachée à l’ambassade israélienne de la capitale. Compte rendu de la discussion :

Foto Héloïse Godet, (c) Sebastien Jardini


Comment êtes-vous arrivée sur le projet The Attaché ?

Je suis arrivée sur le projet par une annonce de casting européenne. J’ai tenté l’audition par self tape en parlant hébreux en phonétique. J’ai un peu triché parce que je ne parlais pas du tout hébreux. Le réalisateur Eli Ben David y a cru, et m’a challengé d’apprendre la langue et de voir si j’étais capable d’assimiler plein de textes rapidement parce qu’on avait assez peu de temps. A la base, il recherchait une comédienne israélienne qui parlait français, donc on a renversé le rôle pour me l’adapter.

C’est-à-dire ?

Elinor, la femme du réalisateur, est israélienne mais a grandi en France. Donc elle est parfaitement bilingue en plus d’avoir la double nationalité. C’est elle qui m’a choisi pour le rôle avec la directrice de casting israélienne et Eli. D’ailleurs, Elinor a réellement été attachée à l’ambassade. Certaines scènes de la série proviennent d’anecdotes qui lui sont réellement arrivées, arrangées pour la fiction.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans le scénario ?

Déjà, j’aime beaucoup les challenges de langue. C’était une très belle mission de découvrir à la fois la langue et Israël, que je ne connaissais pas. Et petit à petit, j’ai été impressionnée par ce rôle de femme forte, indépendante, ambitieuse, qui se débat pour concilier sa vie de famille et sa vie professionnelle tout en montrant ses failles.

Mis à part l’apprentissage de l’hébreux, comment avez-vous construit ce personnage ?

Je suis rentrée dans l’écriture assez rapidement. L’histoire est autobiographique pour Eli Ben David, donc on y a incorporé des histoires qui m’appartenaient en temps que mère et parisienne. Je me suis réapproprié le personnage en l’adaptant aussi à ce qui m’arrivait personnellement.

La série met en scène le climat de peur et de paranoïa qui a habité la France à la suite des évènements tragiques de Novembre 2015. Est-ce que selon vous un metteur en scène français aurait raconté cette histoire de la même façon ?

C’est définitivement le point de vue du réalisateur, qui est arrivé en France un mois après les attaques. Il met en scène à travers ces évènements sa propre paranoïa, ses propres crises de panique qui lui appartiennent, en prenant effectivement le risque qu’un spectateur français soit choqué. Eli Ben David a grandi dans un climat assez violent, et il fait en quelque sorte avec cette série sa propre analyse. Lui a toujours vécu ça frontalement, en étant constamment dans le mouvement. Moi, quand je l’ai vécu en tant que parisienne touchée de près, c’était plutôt la paralysie. Le réalisateur met en scène ce conflit entre deux cultures face à de tels évènements.

Ce choc des cultures est un des thèmes principaux de la série. Avshalom, lorsqu’il arrive en France, ne parle pas français et se heurte à la barrière du langage. Mais il y a également une autre barrière entre lui et Annabelle. Bien qu’ils parlent une langue commune, ils semblent au fil des épisodes de moins en moins se comprendre.

Lorsqu’elle rentre de France, Annabelle se réintègre dans son propre pays, sa propre culture. Elle redevient de plus en plus française. Leurs chemins se séparent à ce moment-là, parce que Avshalom a du mal à aller à son rythme. Oui, on peut dire qu’ils ne parlent plus le même langage, même si je trouve qu’ils communiquent beaucoup pour un couple en crise.

Parlons du titre, The Attaché . Il évoque Annabelle ?

Il y a un piège. L’attaché au masculin évoque Avshalom. Il est l’attaché de l’attachée, la pièce rapportée dans le couple. Il devient attaché à quelque chose qui ne lui appartient plus. En Israël, il était habitué à prendre certaines décisions, à être en charge. Maintenant, il devient le personnage en demande, avec ses faiblesses. L’étranger dans sa propre maison, quelque part.

La série semble être à l’image d’Annabelle, tiraillée entre Israël et la France.

Annabelle représente un retour vers la réappropriation de ses rêves. Elle était une femme au foyer en Israël. Puis, elle provoque une nouvelle dynamique par ce changement de vie. Elle change elle-même de dynamique en se mettant dans une position bancale. Elle ose des choses dans sa carrière. Elle s’y croit, on pourrait même dire qu’elle se la joue. Mais en réalité, elle est loin de pouvoir dire à son mari qu’elle peut tout assumer dans sa vie bien qu’elle s’efforce de prouver que ça peut marcher. Pour l’instant, la série laisse le doute sur la suite des évènements. On ne sait pas encore s’il y aura une deuxième saison. La chaîne a proposé, il y a eu des intéressements du côté israélien et des co-productions françaises. On verra ce qu’il se passera !

Propos recueillis par William François

Remerciements : Mylène Dalmasso pour l’agence Zérovirgule

Retrouvez la critique de la série ici et l’entretien avec Eli Ben David

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