SYNOPSIS: Cet épisode, réalisé par Sam Levinson et intitulé F*ck Anyone Who’s Not A Sea Blob suit Jules (interprétée par Hunter Schafer) pendant les vacances de Noël alors qu’elle réfléchit à son année.
Retrouvez la critique de la saison 1 ici et celle de l’épisode spécial : Rue là
On l’avait quittée dans le dernier épisode de la saison 1 prenant un train vers une destination inconnue, laissant sa petite amie sur le quai. Après l’épisode spécial de Rue prenant place le soir de Noël, il est temps de retrouver l’autre héroïne d’Euphoria : Jules. Quelque temps après sa « fuite », on la retrouve, semblerait-il, loin de sa vie d’avant. Du moins, celle à laquelle elle a tenté d’échapper, en vain… Deuxième épisode « centric », et deuxième épisode en forme de thérapie pour l’autre moitié du couple principal d’Euphoria. Le dispositif est plus professionnel ici, loin d’une discussion entre un mentor et sa pupille encore très fragiles pour la partie de Rue. Jules est ici écoutée par un professionnel à qui elle confie sa version de l’histoire.
Si la saison 1 d’Euphoria racontait chacune son récit via le prisme d’une personne différente à chaque fois, Rue restait malgré tout au cœur des récits et intrigues, se permettant même de nous présenter chaque protagoniste. Et de la même manière que le procédé de la narratrice peu fiable se dessinait lentement mais sûrement, il prend ici un tout autre sens, puisque l’une des forces de cet épisode spécial est de découvrir ce que pensait Jules de sa relation avec elle.
S’il n’y avait pas besoin d’être un détective pour deviner l’issue de leur relation, cet épisode enfonce le clou. Oui, Rue était amoureuse de Jules, mais les mécanismes utilisés étaient proches de n’importe quels mécanismes fonctionnant dans le cas d’une addiction. Or on le sait avec Sam Levinson, lui-même ancien addict, il n’y a pas plus malsaine et destructrice qu’une addiction – quand bien même une personne remplace des médicaments ou des drogues.
Cet épisode fonctionne presque – on dit bien presque, Euphoria oblige, comme une bouffée d’air. Loin de la narration de Rue, en retrait dans la réalité de Jules, mais pas dans ses souvenirs ni ses rêves, en témoigne la narration fragmentée de l’épisode, l’un des contrastes avec la partie linéaire de Rue.
Surtout, il faut encore rappeler, en 2021, la rareté d’un épisode de télévision mettant en scène pendant près d’une heure une femme trans, traitée et écrite correctement, dont les préoccupations quotidiennes relatives à la prise d’hormones ou de bloquants de puberté sont évoquées comme s’il s’agissait d’un sujet habituel, là où on sait que ce n’est toujours pas le cas. Toujours aussi lumineuse et fragile à la fois, Hunter Schaffer ne cesse d’éblouir, constamment sur un fil où sa résilience est à une fraction de secondes de craquer face à l’immensité des dégâts de sa vie familiale et sentimentale. Mais jamais la série ne tombe dans le misérabilisme : au contraire, son âpreté peut en éloigner plus d’un. Mais si Jules était déjà un formidable personnage dans la saison 1, cet épisode spécial est une preuve de plus que tout est question de perspective, de traumatisme, et de sacrifice. Soit bien trop de choses qu’une adolescente de 17 ans devrait avoir à gérer.
De la même manière que l’épisode de Rue aurait pu être un rêve enneigé, celui de Jules est un contre-point plus lumineux mais tout aussi onirique. Dans les deux cas, deux personnages brisés y exposent leurs états d’âme dans des dispositifs simples, COVID oblige, mais qui obligent presque à plus d’intimité et de sobriété. Va-t-on s’en plaindre après l’imposant dispositif de la saison 1 ? Pas vraiment. Mais après cette pause forcée, on a plus que jamais hâte de revoir tous ces personnages dans la même pièce…
Crédits: HBO/OCS