Pilote et épisode 2 : Ensemble de la saison :
SYNOPSIS: Alors que les êtres humains se déchirent sur fond de guerres de religion, les robots apprennent qu’il est compliqué et dangereux de vouloir contrôler les croyances des humains. Pendant ce temps, deux androïdes tentent d’élever un enfant humain sur une planète vierge.
Warner racheté par le conglomérat des télécoms AT&T fraichement renommé Warner Media lance cette année son service de SVOD baptisé HBOMax dont il compte faire un concurrent frontal de Netflix et le cœur de toute sa stratégie future. Première série originale produite pour son service Raised by Wolves est un choix ambitieux mais aussi risqué, d’une série de pure science fiction cérébrale. Raised by Wolves (Elevé par les loups), qui décrit des androïdes tentant d’élever sur une planète désertique des enfants humains alors que les restes de l’humanité se déchirent dans une guerre de religion galactique entre adorateurs d’un dieu solaire et des athées technophiles, est l’œuvre du scénariste Aaron Guzikowski auquel on doit le script du Prisoners de Denis Villeneuve. Mais si la major s’est lancé dans cette aventure c’est que le concept de Guzikowski a attiré l’attention d’une légende de la SF cinématographique Ridley Scott himself . On comprend vite ce qui a attiré l’auteur d’Alien sur ce projet avec ces androïdes ambigus dont ils ne cesse de questionner l’humanité dans ses œuvres de SF de Blade Runner à Alien Covenant, qui n’a pu résister à ces androïdes ambigus, ces guerres de religion techno-médiévales et la thématique de l’intolérance religieuse qu’il a exploré dans Kingdom of Heaven ou celle de la survie en milieu hostile de Seul sur Mars. Le réalisateur s’investit non seulement en produisant mais en réalisant lui-même les deux premiers épisodes de la série, le reste de la saison est signé par son fils Luke Scott , le réalisateur brésilien Alex Grabassi , Sergio Mimica-Gezzan et James Hawes.
La série s’ouvre avec le crash d’un vaisseau piloté par deux figures humanoïdes Mère (Amanda Collin) et Père (Abubakar Salim) sur une planète lointaine et broussailleuse, ayant été envoyés à travers l’espace avec six embryons humains congelés qu’ils font croitre in vitro au cours des mois suivants jusqu’à faire naitre sept bébé humains. On apprend que ces deux androïdes ont été programmées par des forces athées qui perdent une guerre totale contre un groupe religieux baptisés les Mithraics pour démarrer une nouvelle civilisation humaine qui vivra loin de toutes croyances. Mais alors qu’ils installent leur camp et commencent à élever leur famille artificielle, alors qu’ils sont programmés pour rejeter toute notion de surnaturel et inculquer l’athéisme à leur couvée, ils deviennent en quelque sorte les nouveaux Adam et Eve (la planète est parsemée de trous qu’ils baptisent « trou de serpent ») chargés de redémarrer la race humaine dans leur Eden stérile. Kepler-22b (une planète réellement découverte par la Nasa en 2011) si elle a une atmosphère viable est un paysage sombre et hostile parsemé des squelettes intacts de bêtes extraterrestres mortes depuis longtemps. La survie y est dure, leur nouveau monde est impitoyable envers ses nouveaux résidents, en particulier les petits enfants sans défense qui sont à peu près aussi vulnérables que les jeunes dans un conte de fées de Grimm (les figures du conte sont omniprésente dans la série). La plupart des enfants succombent à la maladie, ne laissant qu’un seul, Campion (Winta McGrath), ce qui n’est pas de mauvaise augure pour l’humanité. Mais bientôt la guerre les rattrape quand une escouade de Mithraiques mené par Marcus (Travis Fimmel) débarquent sur la planète. Malgré ses antagonistes, le fil conducteur de Raised by Wolves reste la question de savoir si Mother représente une menace égale pour ses enfants que la planète ou les zélotes à leur poursuite. Parce qu’avant d’être mère, elle était une nécromancienne – une variété d’androïde de combat que son propre créateur, un humain homonyme de Campion, a reprogrammé pour en faire la mère nourricière de l’humanité du futur mais il n’a pas enlevé complètement son instinct de tueur.
Souvent les épisodes de séries réalisés par des grands noms du grand écran portent peu leur marque mais le pilote de Raised by Wolves et le second épisode fonctionnent comme un véritable film : une pure injection stylistique et thématique de Ridley Scott qui s’entoure à la photo, aux décors et aux costumes de collaborateurs réguliers. On peut compter sur l’auteur de Prometheus, quand il est en mode science-fiction, pour offrir une image signature : Ici c’est la vision dantesque qu’on croirait issue des pages de Métal Hurlant (le magazine de bande-dessinées française des années 70 dont il a toujours été fan) avec cette machine à tuer en vol stationnaire les bras en croix – croisement entre un archange et le robot Maria du Metropolis de Fritz Lang – au dessus d’une mégapole déchirée par une guerre future et qui détruit les humains avec un cri strident. Dans le second épisode Sir Ridley marche même sur les traces de James Cameron avec des séquences de guérilla urbaines dans les ruines de cités futuristes. Scott et son concepteur de production Chris Seagers (Alien Covenant) donnent à la série une esthétique techno-médiévale, cette hybridation de l’iconographie moyenâgeuse avec celle de la SF est une idée de longue date chez Scott depuis son projet avorté de relecture SF du mythe de Tristan et Isolde dans les années 70 dont on retrouve des traces par exemple dans le scaphandre de Ripley dans Alien. Ici on trouve des fantassins futuristes équipés de casque normands et des armées de croisés stellaires dont les uniformes sur lesquels on ressent l’influence du dessinateur français Jean Giraud dit Moebius. La vie de la famille recomposée sur Kepler 22-b évoque la vie paysanne au moyen-âge. Scott et son directeur de la photographie Dariusz Wolski (Pirates des Caraibes, Dark City, quasi tous les Scott depuis Prometheus) sont sur un terrain si familier, fascinés par le paysage et son mélange hostile de montagnes et de désert aride, capturé avec une palette de couleurs délavées.
Incarnée par l’actrice danoise Amanda Collin (et une équipe d’effets numériques) Mère est clairement la figure centrale de la série, figure typiquement Scottienne qu’on peut voir comme une cousine de l’androïde David incarné par Michael Fassbender dans Prometheus et Alien Covenant. Comme lui elle peut se montrer aussi affable que dangereuse prête à tout pour accomplir ses mystérieux desseins. Collin mêle la grâce de la danseuse et la rigidité robotique avec un effet envoûtant. La dynamique de sa relation avec Père est intéressante. Les préceptes de Mother en matière de parentalité et de civilisation sont si fermement enracinés qu’elle ne veut faire aucun compromis, ni prendre au sérieux les contributions de ce dernier, qui n’est qu’un androïde de service standard. Abubakar Salim incarne lui aussi parfaitement la physicaliste de l’androïde mais aussi la frustration de son personnage de ne pas être pris au sérieux par son partenaire ni par ses enfants. Il contribue seul aux touches d’humour d’une série, plutôt austère grâce à l’effort que met son personnage pour créer des blagues pour ses enfants. Travis Fimmel et Niamh Algar dans le rôle d’un couple mithraïque avec leur propre dynamique familiale particulière sont à la fois des homologues et des antagonistes pour Mère et Père. La série est marquée d’une profonde misanthropie et renvoie dos à dos chaque camp, si les Mithraïques comptent dans leur rang des prêtres pédophiles, les athées sont des radicaux impitoyables qui enrôlent des enfants soldats. Passé les deux épisodes inauguraux, Scott et ses collaborateurs partis, la série, si elle en copie l’esthétique et reste très soignée visuellement perd de sa patine cinématographique. Le fils de Ridley, Luke, ne montre pas les mêmes compétences en matière d’élan narratif que son père tandis que les épisodes de Sergio Mimica-Gezzan (assistant-réalisateur sur La liste de Schindler, Il faut sauver le soldat Ryan et Minority Report) ) sont plus enlevés. La série s’installe alors dans un rythme de télévision plus conventionnel alternant ses révélations sous-forme de de flashbacks, ses voyages ardus et ses intermèdes de violence flashy. Raised by wolves est une série sans doute trop aride et froide pour le grand public mais sa combinaison de questions philosophiques et de space-opéra apocalyptique plus la patte de Ridley Scott en font néanmoins un incontournable pour les fans de science fiction.
Crédits: Warner TV.
« Dans le second épisode Sir Ridley marche mémé sur les traces de James Cameron »
mémé ? dans les orties ? sérieux…
Merci à vous d’avoir relevé cette coquille. L’erreur restant humaine nous espérons que vous ne nous en tiendrez pas rigueur.