SYNOPSIS: Les membres d’équipage du vaisseau Covenant, à destination d’une planète située au fin fond de notre galaxie, découvrent ce qu’ils pensent être un paradis encore intouché. Il s’agit en fait d’un monde sombre et dangereux, cachant une menace terrible. Ils vont tout tenter pour s’échapper.
Dans une période où les reboots, suites capillotractées, spins off, sont légions et dont la motivation principale, qui n’exclut pas que le film puisse avoir une vraie qualité artistique, semble être de reprendre et développer une marque qui a déjà fait la preuve de sa rentabilité, l’annonce d’un nouvel Alien présenté par ailleurs comme le premier d’une longue série (4 autres seraient prévus), a déclenché des réactions très contrastées, quand elle aurait été accueillie avec beaucoup plus d’enthousiasme il y a une dizaine d’années. Au delà du cas de ceux qui n’ont jamais porté en très haute estime Ridley Scott (et c’est bien leur droit), d’aucuns se présentant comme les gardiens de son temple, ont été confortés dans l’idée que (leur) Ridley Scott aurait vraiment été bien inspiré de raccrocher la caméra le siècle dernier. Prometheus (2012) considéré comme un sous Alien au scénario complètement raté (Damien Lindelof ayant lui aussi ses très nombreux détracteurs), tout juste sauvé par sa direction artistique, Alien : Covenant allait être le dernier clou posé au cercueil de celui qui continue encore aujourd’hui à inspirer des générations entières de cinéastes, dont James Cameron, qui n’a de cesse de se présenter comme son élève et de répéter toute l’admiration qu’il lui porte. Sans tomber dans l’excès inverse du blanc seing donné au réalisateur dont la filmographie contient au moins 2 chefs-d’œuvre incontestés (Alien, Blade Runner) qui ont marqué et même changé l’approche du genre dans lequel ils s’inscrivent, l’auteur de ces lignes n’a aucunement l’intention de faire mystère de son admiration pour Sir Ridley. Le voir ne plus tourner autour du pot, comme il le fit ceci étant brillamment avec Prometheus (2012) et, replonger totalement dans l’univers de ces créatures, imaginées par H.R Giger, qui ont contribué à forger sa légende, génère une attente telle qu’elle place l’exigence a un niveau très élevé. Ayant d’abord fait le vœu répété de ne plus mettre en scène les xénomorphes et de réaliser une suite directe de Prometheus, Ridley Scott, probablement incité par le contexte évoqué précédemment et titillé par le projet d’Alien 5 (en réalité 3bis puisque reprenant la narration après la fin d’Aliens) qui devait être réalisé par Neil Blomkamp, avait finalement annoncé un retour aux sources horrifiques de la saga avec un Alien plus viscéral dans lequel les xénomorphes auraient la part belle.
Le fait est que les évolutions du script se ressentent dans Alien : Covenant qui évolue quelque part entre l’univers de Prometheus dont il peut être vu comme une suite et l’univers du premier Alien. Ni révélateur d’un cruel manque d’inspiration, ni simplement opportuniste, ce retour (partiel) aux sources s’avère, dans ses meilleurs moments, être un véritable bain de jouvence pour un réalisateur qui a 80 ans n’a rien perdu, ni de son oeil incroyable pour la direction artistique, ni de sa vitalité qui se ressent dans des scènes d’action extrêmement efficaces et des moments de pur horreur qui sont de véritables morceaux d’anthologie, parmi les plus traumatisants que nous ait donné cette saga. Plus frontal, plus gore, Alien Covenant a sa propre identité tout en s’inscrivant parfaitement, dans le sillage d’Alien dont il reprend une grande partie de la trame et de Prometheus dont il reprend les interrogations philosophiques. L’ADN est le même, l’univers certes familier: un vaisseau transportant des scientifiques et des « cols bleus » travaillant pour la Weyland Yutany Corp, la découverte d’une planète peuplée de créatures qui vont les prendre en chasse. Mais cet ADN a muté par l’introduction d’un agent pathogène, le personnage de David, androïde conçu par Peter Weyland et dont les desseins mégalomaniaques emmènent le film vers d’autres territoires, lui donnent en profondeur ce qu’ils lui enlèvent en viscéralité et en mystère. Ce qui participait à rendre Alien si terrifiant était que l’on ne connaissait rien de ces créatures , dont on découvrait l’instinct meurtrier en même temps que les malheureux membres d’équipage du Nostromo, dont la mort apparaissait rapidement comme inéluctable. L’impact des moments de pur « body horror » était d’autant plus fort que le scénario de Dan O’Banon, aidé par un casting parfait, parvenait admirablement bien à nous faire entrer en empathie avec chacun des 7 membres d’équipage. De ce point de vue, Alien Covenant témoigne dans son premier tiers d’une volonté de reproduire, sans la copier servilement , cette formule dont Prometheus s’était trop affranchie. Certes avec 14 membres, il était impossible de ne pas en laisser quelques uns dans l’ombre mais le scénario et le rythme de la narration nous permet de suffisamment nous attacher à plusieurs d’entre eux pour que leur mort soit particulièrement marquante et même choquante au vu de leur extrême violence. L’excellente idée du scénario est à notre sens d’avoir constitué un équipage composé de plusieurs couples, ce qui permet de rendre immédiatement tangible les conséquences de la disparition de l’un des membres, fut-ce de certains dont le temps de présence à l’écran était jusque là très limité. Pour notre plus grand bonheur, Ridley Scott s’était bel et bien trop avancé lorsqu’il déclarait ne voir aucun intérêt à faire revenir les xénomorphes dans ce qu’il envisageait alors comme une suite de Prometheus ( « The Beast is done, cooked »). La violence de leurs attaques cloue au siège et la façon dont ils sortent de leurs malheureux hôtes produit un effet de sidération presque aussi grand que le premier chestbuster sortant de John Hurt, ou la scène de l’accouchement de Prometheus. La menace est même bien plus insidieuse au regard des nouveaux modes de « contamination » explorés par le scénario. Ridley Scott n’avait peut être pas spécialement envie de leur retour et cela se ressent dans la suite du film, mais quitte à s’y replonger, il faut reconnaître qu’il l’a fait la tête la première. Si Alien : Covenant use de trucages numériques, il n’en abuse pas et le fait uniquement pour les besoins de la scène, les trucages « artisanaux » étant privilégiés, notamment et c’est heureux, s’agissant des litres de sang que vomissent les membres de l’équipage.
Alien : Covenant n’est toutefois pas un pur slasher horrifique, ni le petit cousin vénère de l’Alien de 1979 mais bel et bien un film hybride dans lequel les thèmes de Prometheus réinvestissent progressivement le récit à mesure que l’équipage, du moins ce qu’il en reste, découvre les mystères de cette planète et la source du mystérieux signal qui les y a guidé. Emballant dans son premier tiers, quand il reste contraint par son cadre et collé à ses personnages, Alien : Covenant se perd ensuite quelque peu dans la solennité avec laquelle il traite les thèmes de la création qui travaillent Scott depuis Prometheus. Il est difficile de ne pas être désarçonné par la façon dont le récit se pose puis, donne l’impression de tourner quelque peu en rond, après avoir démarré aussi fort. S’il y a la une cohérence par rapport à Prometheus, on peine quelque peu à la trouver à l’intérieur du film. Le premier tiers du film pour aussi réussi qu’il soit finit presque par donner l’impression d’avoir été une contrainte, brillamment exécutée, mais dont Scott se serait manifestement assez bien dispensé, comme le laissait penser ses premières déclarations. Pour autant, c’est surtout le ton qui nous a posé problème plus que l’intention. Certaines scènes perdent à notre sens en efficacité en étant traitée avec trop de solennité, pour ne pas dire de façon un peu pompeuse. La mue de la série B horrifique en parabole sur les origines de l’humanité n’est pas vraiment convaincante et l’on serait même tenté de regretter la cohérence de Prometheus qui restait dans la même tonalité, rendant finalement plus digeste le propos et sa mise en scène qui souffrait pourtant des mêmes maux. Coincé entre deux intentions qui tendent à s’annuler plus qu’à s’enrichir (un film plus gore et viscéral mais aussi plus « philosophique »), Alien : Covenant souffre des symptômes du film dont le metteur en scène a revu sa copie en cours de route. Le scénario a certes le mérite de ne pas laisser de zones d’ombre mais il déçoit autant par son manque de subtilité que par son côté trop explicatif qui alourdit singulièrement le rythme d’un film commencé sur des bases très élevées. Alors que certaines scènes paraissent trop longues ou inutiles, d’autres sont étonnamment survolées, à tel point qu’on se prend à espérer qu’un autre montage puisse être disponible lors de sa sortie vidéo. Certes la direction artistique de Scott maintient constamment le film, même dans ces moments les plus faibles, une tête au dessus de la mêlée des blockbusters lambdas mais la frustration et la déception sont réelles. Le film ne s’en remet jamais totalement même lorsqu’il se remet sur les rails du rollercoaster qu’il était mais qui a alors perdu un peu de son efficacité et vient même souffrir de la comparaison avec les derniers actes de ses prédécesseurs. Il souffre aussi d’un pari perdu, celui qui avait si merveilleusement fonctionné dans Alien et fait de Sigourney Weaver (Ripley) une icône du cinéma d’action. Comme Weaver qui était alors une actrice de théâtre évoluant dans un tout autre registre, rien ne destinait Katherine Waterston à un tel rôle (malgré sa présence au casting des Animaux Fantastiques), après s’être révélée devant la caméra d’Alex Ross Perry (Queen of Earth) et Inherent Vice (Paul Thomas Anderson) dans des rôles complexes ou son apparente fragilité et la subtilité de son jeu faisaient merveille. Le costume de Daniels, cousine éloignée de Ripley dont elle reprend le look et épouse la trajectoire n’est pas vraiment à sa taille dans un dernier acte héroïque efficace mais pas réellement inspiré. Alien : Covenant nous a ainsi emmené très haut puis désarçonné et même déçu mais, à défaut d’être donc le renouveau espéré de la franchise ou, un énième très grand film de Ridley Scott, il reste un très bon film, bien supérieur à ce qu’un tel blockbuster nous propose habituellement.
Titre Original: ALIEN: COVENANT
Réalisé par: Ridley Scott
Casting : Michael Fassbender, Katherine Waterston,
Billy Crudup, Danny McBride…
Genre: Science fiction, Epouvante-horreur, Action
Sortie le: 10 mai 2017
Distribué par: Twentieth Century Fox France
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma
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