Critiques Cinéma

LE DAIM (Critique)

le daim affiche cliff and co

SYNOPSIS: Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet. 

A peine Au Poste ! était-il sorti que Le Daim était déjà annoncé et faisait monter les attentes, d’autant plus avec la présence au casting de Jean Dujardin. Il faut dire que Quentin Dupieux est un peu devenu une superstar des cinéphiles français par son ton délicieusement absurde et son flegme cool en interviews. Son précédent film était néanmoins assez décevant, ne proposant finalement que peu d’idées derrière son concept de huis clos comique dans un commissariat, la pirouette finale éculée n’arrangeant rien. Le film était malgré tout sauvé par l’alchimie entre les deux acteurs principaux, mais son nouveau cru était donc attendu au tournant. D’alchimie, il en est question aussi dans Le Daim, puisque le film est centré sur la relation mi-abusive mi-collaborative entre Georges, un quarantenaire parti loin de chez lui pour fuir son mariage raté et acheter un blouson en daim particulièrement cher, et Denise, une serveuse de bar (et monteuse à ses heures perdues) qui semble facilement prompte à prêter son argent à long terme. Là où Au Poste ! échouait à développer une vraie dramaturgie dans le hors-champ, cette fois Dupieux multiplie les idées de mise en scène pour faire exister son personnage principal au même niveau que son vêtement fétichisé et lui donner vie, un peu comme il avait pu le faire sur l’étonnant Rubber. Le talent de Dujardin lui permet ainsi de varier les points de vue, autant dans la mise au point fabriquant des champs-contrechamps qu’en plaçant une petite caméra vidéo dans les mains du personnage. Tout cela rend la mise en scène du Daim très dynamique avec pourtant peu d’éléments sur lesquels jouer, donnant un rythme impeccable au métrage. Bien sûr, certains spectateurs resteront sur le carreau comme toujours avec Dupieux, d’autant plus que le film joue beaucoup sur l’humour noir.

le daim 1 cliff and co

En effet, Le Daim n’est pas qu’une simple blague et vire rapidement à l’obsession, certes décalée mais installant parfois un vrai malaise. Avec un suicide, des meurtres façon serial killer voire snuff movie même si le film reste très peu graphique (Dupieux ayant l’intelligence de ne montrer la plupart des meurtres qu’à travers le visionnage des cassettes par Denise sur un petit appareil), c’est sans aucun doute le film le plus morbide de son auteur. Entre schizophrénie et fantastique, Le Daim garde une certaine ambiguïté mais l’agenda ridicule du blouson n’en rend pas moins le moyen de l’atteindre perturbant. Le réalisateur français fait heureusement suffisamment preuve de maîtrise pour garder son film sous une atmosphère humoristique (évitant ainsi la désagréable impression d’avoir le cul entre deux chaises), mais les actes du personnage ne resteront pas sans conséquence.

L’équilibre entre humour et malaise se fait notamment grâce au personnage interprété par Adèle Haenel, qui contrebalance le sérieux ridicule du personnage de Jean Dujardin par un réel enthousiasme faussement ingénu. Il faut d’ailleurs remercier l’actrice elle-même pour cela, car elle n’aurait semblerait-il rejoint le projet qu’à condition que son personnage passe de naïve sous l’emprise de Georges à une femme comprenant et reprenant peu à peu à son compte son obsession. Denise est sous bien des aspects le meilleur personnage féminin de la filmographie de Quentin Dupieux, y compris selon ses propres dires. L’alliance de la caméra de Georges et de la passion pour le montage de Denise permet également au film de développer un humour méta décidément bien tendance à Cannes après The dead don’t die. Au-delà d’une référence bien sentie et ironiquement très à l’heure à Quentin Tarantino, on pourra noter toute une mise en abyme de film dans le film chère à Dupieux, qui pour autant ne phagocytera jamais l’intrigue à ses dépens. Revenant à son meilleur, Quentin Dupieux livre avec Le Daim une comédie noire décalée mais profondément humaine, tournée de manière presque instinctive en cinq semaines et pourtant si maîtrisée. Indiquant en entretien qu’il souhaitait rendre ses films de moins en moins méta, la suite de sa carrière n’en est que plus intrigante encore.

le daim affiche cliff and co

Titre Original: LE DAIM

Réalisé par: Quentin Dupieux

Casting : Jean Dujardin, Adèle Haenel, Albert Delpy…

Genre: Comédie

Sortie le: 19 juin 2019

Distribué par: Diaphana Distribution

3,5 STARS TRES BIENTRÈS BIEN

3 réponses »

  1. Enfin une critique étayée pour le formidable Daim de Dupieux, qui se réinvente sur le territoire français, sous nos yeux (il faut revoir Au Poste), et s’affirme comme un cinéaste à l’univers singulier, ce qui n’est pas si commun par chez nous.

Laisser un commentaire