Critiques Cinéma

125 RUE MONTMARTRE (Critique)

SYNOPSIS:  Alors qu’il tente de se suicider en se jetant dans la Seine, Didier est secouru par Pascal, passant par-là par pur hasard. Les deux hommes ne tardent pas à se lier d’amitié mais alors que Didier recommence à retrouver goût à la vie, Pascal se retrouve impliqué dans une affaire de meurtre ! C’est d’ailleurs « à cause » de Didier que Pascal est soupçonné…

Assistant réalisateur pendant une décennie Gilles Grangier est passé à la réalisation en 1943 et a beaucoup tourné jusqu’à la fin des années 60. Des projets à la fibre populaire qui ne résistèrent pas tous à l’épreuve du temps et qui connurent des fortunes diverses mais dont certains sont aujourd’hui réhabilités comme les vestiges d’une époque bénie révolue (Poisson d’Avril, Gas-Oil, Le Rouge est mis, Le Désordre et la Nuit, Le Cave se Rebiffe, Archimède le Clochard, Le Gentleman d’Epsom…). Celui qui tourna pas moins de douze films avec Jean Gabin se lance en 1959 dans le tournage de 125 rue Montmartre alors que la Nouvelle Vague commence à faire parler d’elle avec l’éclosion notamment du critique de cinéma François Truffaut dont Les 400 coups ont fait fureur lors du Festival de Cannes cette année-là. Adapté d’un roman d’André Gillois, lauréat du Prix du Quai des Orfèvres, 125 Rue Montmartre voit un vendeur de journaux à la criée sauver la vie d’un homme qui se jette sous ses yeux dans la Seine. Dès lors une sorte de relation d’amitié teintée de pitié pour l’un et de reconnaissance pour l’autre va s’instaurer entre les deux hommes jusqu’à ce que le suicidaire n’implique son nouvel ami dans une histoire de meurtre. Si le cinéma français de l’époque et le film noir en particulier est un terreau particulièrement fertile sur lequel Jean Gabin, Lino Ventura et Michel Audiard entre autres figurent déjà parmi les représentants les plus émérites, Lino Ventura n’est pas encore l’immense star qu’il va devenir mais il est déjà un second rôle extrêmement populaire.

125 rue montmartre 1 cliff and co

D’apparence 125 rue Montmartre a tout du film noir lambda sinon qu’il ne met pas en scène des flics et des gangsters qui s’affrontent dans un mano à mano qui va monter crescendo. Le film s’inscrit par contre dans une tradition française du cinéma français de l’époque qui est d’ancrer ses récits dans milieux sociaux précis et de caractériser ses personnages par leurs professions. Grangier filme des métiers d’antan, un Paris qui n’existe plus et que l’on redécouvre avec plaisir dans un noir et blanc soyeux dont les contrastes soulignent sans les surligner les dissemblances entre les protagonistes. 125 rue Montmartre retranscrit les pulsations de la capitale, les petits boulots que l’on fait consciencieusement en rêvant à transformer ses rêves les plus fous en réalité. Il dépeint par petites touches des personnages dont l’humanité éclate sur l’écran quand bien même il ne font que de fugaces apparitions. Les dialogues sont d’emblée savoureux, écrits par un Michel Audiard des grands jours dont le sens de la formule était déjà un régal et qui n’hésite pas à employer un langage fleuri extrêmement évocateur.

125 rue montmartre 2 cliff and co

Moins dur qu’à l’habitude mais toujours aussi grincheux, Lino Ventura déploie une sensibilité nouvelle qu’il n’a eu que trop peu l’occasion de démontrer. Un peu insouciant, coureur, jouisseur de bonnes choses, son personnage est l’embryon de la version tendre qu’il pourra parfois mettre en avant plus tard dans sa carrière. Il subit les évènements quand bien même il est un moteur qui tente de remettre sur la bonne route celui qu’il a sauvé. Face à lui un Robert Hirsch très expressif pousse un peu dans le surjeu et la plainte mais il est le parfait contrepoint de Ventura, les deux formant pendant la moitié du métrage un tandem qui préfigure la vague du buddy movie qui déferlera quelques années plus tard. La richesse de 125 rue Montmartre se trouve moins dans son intrigue policière (tortueuse mais finalement déjà vue) que dans sa manière de prendre son temps pour déployer la psychologie de ses personnages et leur évolution. Car le polar en lui-même ne prend place malignement qu’à la moitié du parcours quand les dés sont jetés et que les fils de l’intrigue sont tirés pour nous amener au dénouement pas si surprenant que cela mais parfaitement exécuté. Les seconds rôles offrent au film un label qualité France indéniable (Jean Dessailly, Dora Doll, Andréa Parisy ….) et la mise en scène de Grangier (dont l’assistant réalisateur s’appelait Jacques Deray et l’assistant opérateur Claude Zidi) est efficace et sans fioritures, de la belle ouvrage fait avec cœur par un artisan généreux. Si le film connut une carrière en deçà de son potentiel, le redécouvrir 60 ans après permet d’en apprécier le caractère net et sans bavures ainsi que la peinture sociale dont il est pourvu et qui en font une réussite qu’il aurait été dommage de laisser dans l’ombre dans laquelle on l’avait cantonné.

Titre Original: 125 RUE MONTMARTRE

Réalisé par: Gilles Grangier

Casting : Lino Ventura, Robert Hirsch, Andréa Parisy…

Genre: Policier, Judiciaire, Drame

Sortie le: 09 septembre 1959

En DVD et Blu-ray le: 10 juillet 2019

Distribué par: Pathé Films

3,5 STARS TRES BIENTRÈS BIEN

 

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