Critiques Cinéma

BABY DRIVER (Critique)

  3 STARS BIEN

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SYNOPSIS: Chauffeur pour des braqueurs de banque, Baby ne compte que sur lui-même pour être le meilleur dans sa partie. Lorsqu’il rencontre la fille de ses rêves, il cherche à mettre fin à ses activités criminelles pour revenir dans le droit chemin. Mais il est forcé de travailler pour un grand patron du crime et le braquage tourne mal… Désormais, sa liberté, son avenir avec la fille qu’il aime et sa vie sont en jeu…

Depuis la sortie de Shaun Of The Dead qui fut une petite déflagration dans le paysage cinématographique du début des années 2000, dont les effets se sont fait sentir jusque chez nous, où le film a ses inconditionnels (dont l’auteur de ces lignes fait partie), Edgar Wright n’en finit pas de surfer sur une vague qui ne faiblit pas, malgré les quelques réserves légitimes qu’on peut avoir sur la suite de sa filmographie. Loin de nous l’idée de casser le mythe, d’autant que nous conservons une immense sympathie et de l’admiration pour ce réalisateur incontestablement très doué, mais il est toujours désagréable d’avoir l’impression que l’aura d’un réalisateur (légitime ou pas ce n’est pas la question) aura des conséquences sur l’objectivité de beaucoup de critiques avec lesquels, nous l’avons constaté à plusieurs reprises, tout débat devient rapidement impossible. Aussi doué soit-il et au delà de la qualité de ses films, nous étions très impatients de voir Edgar Wright sortir de sa zone de confort, une fois achevée sa trilogie Cornetto (Shaun of The Dead, Hot Fuzz, Le Dernier Pub avant la Fin du Monde) et proposer quelque chose de plus personnel que d’excellents pastiches ou qu’une adaptation de comics (Scott Pilgrim Vs The World). Le fait est justement que Baby Driver promettait d’être l’œuvre la plus personnelle d’Edgar Wright. Le premier film qu’il a écrit seul (A Fistful of Fingers avait été écrit avec Emma Llewelyn, la trilogie Cornetto avec Simon Pegg et Scott Pilgrim avec Michael Baccal). Il s’agit d’un projet sur lequel il travaille depuis 1995 et qui inspira déjà le clip de la chanson  Blue Song du groupe Mint Royale, dans lequel apparaissait Nick Frost. Dans ce clip, des braqueurs calaient la durée de leur braquage sur celle de la chanson, leur chauffeur (le chanteur du groupe) lançant le titre pour leur donner le top départ. On retrouve d’ailleurs une image furtive de ce clip dans une scène où Baby zappe devant la télévision de l’appartement où il vit avec son père adoptif.

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Baby (Ansel Elgort)  est le centre de gravité du film mais aussi son métronome, les musiques qu’il écoute donnant le tempo du film. Il est iconisé dès les premières scènes comme un conducteur hors pair, dont on ne sait presque rien sinon que la musique coule en lui comme le sang dans nos veines. Ses écouteurs dans les oreilles, chantant et tapant en rythme, il attend de récupérer les 3 braqueurs et leur butin: Darling (Elsa Gonzalez), Buddy (Jon Hamm) et Griff (Jon Bernthal). Avec la course poursuite qui suit, que nous aurions toutefois préféré moins (sur)découpée (ce qui lui aurait fait perdre en impact mais  gagner en lisibilité et en immersion), extrêmement spectaculaire et chorégraphiée, le prologue de Baby Driver donne tout de suite le ton et est un pur shot d’adrénaline. Un « driver » iconique et mutique, des braqueurs volontairement caricaturaux désignés uniquement par leur surnom, une bande originale omniprésente et des poursuites en voiture pendant lesquelles on agrippe nerveusement son accoudoir : dans Baby Driver s’exprime la quintessence du style de son réalisateur qui revisite, plus qu’il ne leur rend hommage, les grands films de braquage et de poursuites en voiture qui ont nourri sa cinéphilie. La première partie du film repose principalement sur les montées d’adrénaline de ces braquages auxquels Baby est « forcé » de participer pour payer sa dette à Doc (Kevin Spacey). C’est par son intermédiaire et quelques courts flashbacks qu’Edgar Wright distille les informations sur le passé de Baby, les braqueurs s’interrogeant, comme le spectateur, sur les raisons du comportement étrange de ce Mozart du volant. Pour précise qu’elle soit cette mécanique tourne malheureusement quelque peu à l’exercice de style, pour ne pas dire d’auto célébration de son propre style et se révèle, pour peu que l’on n’y adhère pas, assez vaine et épuisante.

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La virtuosité de Wright n’avait pas réellement besoin d’être démontrée et elle est indéniable dans Baby Driver. Le problème est que son 6ème long métrage  présente les symptômes du film qui a une trop grande conscience de lui même, en l’occurrence d’être un objet qui cultive une attitude et un style résolument cool, qui finit par passer en force et oublier de raconter une histoire. Le rythme du film ou plutôt son flow se veut imparable et il y a de la cohérence à l’avoir connecté à celui de son personnage principal et des musiques qu’il écoute. L’exercice trouve néanmoins sa limite dans la répétition de ses effets et l’absence de complexité des personnages qui entourent Baby, lui même assez monolithique, tout du moins jusqu’à ce qu’il rencontre Deborah (Lily James). La relation de Baby avec son père adoptif, un vieux monsieur noir en fauteuil roulant, par ailleurs sourd et muet, est simplement esquissée par de très courts échanges. Il y a là une forme de coquetterie scénaristique a avoir voulu que ce personnage soit si peu présent et limité à n’être qu’un vieux monsieur bienveillant. Souriant quand  il voit Baby chanter en pensant à Deborah, acquiesçant à ses choix musicaux en posant sa main sur une enceinte pour ressentir le rythme de la chanson,  ou encore lui faisant les gros yeux quand il le voit cacher de l’argent sous une latte de son plancher.  Il participe au décor et à l’humeur du film, légère et cool, pop et colorée. Aurait-on perdu à avoir un personnage plus consistant, cela n’est pas certain … Pour filer la métaphore automobile, Baby Driver a des jantes rutilantes, un moteur très puissant et une sono qui ferait des jaloux dans n’importe quelle convention de tunning. On peut aimer ce genre de véhicule mais aussi légitimement s’en lasser rapidement et c’est le cas de l’auteur de ces lignes. Pour prendre le critère de la coolitude à l’aune duquel le film est encensé et qui sert d’argument marketing sur les affiches, le Driver de Walter Hill  ne l’est pas moins et ne faisait pourtant pas grand chose pour l’être… Il y a quelque chose de forcé et de factice dans ce Baby Driver derrière la sympathie immédiate qu’il inspire dans les premières minutes.

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Si Baby Driver s’élève par instant et sort de sa clinquante et bruyante routine, c’est par la grâce de sa rencontre avec Deborah qui a sur le film le même effet que sur Baby. Deborah permet à Baby d’exprimer plus d’émotions et au film de gagner en enjeux, sans perdre son identité. Ansel Elgort est plus convaincant quand il s’anime un peu et fend l’armure que lorsqu’il reste enfermé dans l’attitude exigée par son personnage. Avec sa relation avec Deborah, Baby Driver va vers un romantisme assumé, naviguant quelque part entre le True Romance de Tony Scott et le Romeo et Juliette de Baz Luhrmann, avec ce coup de foudre entre deux âmes perdues qui vivent leur relation comme une succession de chansons et s’imaginent partir sur la route loin de ce monde dans lequel ils ne sont pas vraiment à leur place. Lui, prisonnier de ses mauvaises fréquentations qui n’ont aucune envie de laisser partir un si précieux allié pour leurs braquages. Elle, à l’étroit dans ce petit boulot de serveuse dans un de ces Diner vus notamment chez Tony Scott et Quentin Tarantino. Avec ce personnage de serveuse qui tombe amoureuse d’un « bad guy » fut-il sur le chemin de la rédemption (Baby rêve d’une autre vie une fois sa dette remboursée), Edgar Wright recycle encore une figure classique du cinéma américain, à commencer par Bonnie and Clyde (Arthur Penn) auquel Wright fait par ailleurs un clin d’œil explicite dans le dernier acte.  La situation est certes  convenue mais elle est traitée avec un charme et une naïveté assumée qui illuminent le film qui dans ces moments parait enfin un peu plus personnel et sincère.

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Ce n’est malheureusement pas l’ADN de Baby Driver qui se pose pour repartir pied au plancher, non sans une certaine virtuosité. Le rythme musical de l’action (même les rafales de balle sont tirées en rythme avec la musique qui accompagne la scène) est parfois grisant  mais l’intrigue, très conventionnelle, les dialogues peu inspirés par rapport aux précédents films de Wright (l’absence de Simon Pegg se fait sentir) handicapent lourdement ce Baby Driver qui se mue en pastiche de polar. Dans ce chaos qui menace le bonheur de Baby et fragilise énormément le film, Jon Hamm s’en tire plutôt bien contrairement à Jamie Foxx en « crazy mother fucker » incontrôlable. Wright a une énergie folle et une envie de cinéma que l’on ne peut que respecter mais c’est à se demander si, tel Narcisse, il n’est pas tombé amoureux de son reflet aperçu dans les lunettes noires de Baby. Même en voulant rester bienveillant, il nous est difficile d’excuser les facilités scénaristiques dans lesquelles il finit par tomber pour aller jusqu’à la conclusion idéale qu’il avait probablement en tête dès le début de l’écriture. Il nous est difficile aussi de ne pas être dubitatif devant quelques scènes qui deviennent illisibles, ce que l’on n’avait jusqu’ici jamais eu à déplorer dans ses précédents films. Même si nous aimons beaucoup Edgar Wright et malgré toute la bienveillance avec laquelle nous avions accueilli son 6ème long métrage, il est malheureusement impossible de ne pas conclure que Baby Driver nous a laissé sur le bord de la route.

affiche baby driver cliff and coTitre Original: BABY DRIVER

Réalisé par: Edgar Wright

Casting : Ansel Elgort, Kevin Spacey, Jamie Foxx, Lily James …

Genre: Action, Policier

Date de sortie: 19 juillet 2017

Distribué par: Sony Pictures Relasing France

3 STARS BIEN BIEN

 

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