Critiques Cinéma

GET OUT (Critique)

5 STARS CHEF D'OEUVRE

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SYNOPSIS : Couple mixte, Chris et sa petite amie Rose filent le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle famille, Missy et Dean lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable.

La comédie comme le film d’horreur et fantastique sont des genres parfois déconsidérés, tout du moins considérés comme moins nobles que le drame, lorsqu’il s’agit de traiter de sujets de société dont on pense qu’ils obligent à une solennité et une absence d’effets qui leur sont antinomiques. Ayant fait ses armes dans un duo comique (l’excellent Kyle et Peele qui officiait sur Comedy Central) et s’attaquant au sujet de la discrimination raciale aux États-Unis, dans un premier film mêlant ces trois genres, Jordan Peele tout comme Get Out bouscule les habitudes et les certitudes, renverse les clichés avec une générosité qui n’a d’égale que sa virtuosité. Ce parcours rappelle celui de Judd Apatow mais surtout celui de Mike Nichols qui avait réussi avec Qui a peur de Virginia Woolf ce passage improbable de la scène comique (il formait dans les années 50 un célèbre duo comique avec Elaine May, elle aussi devenue réalisatrice) à la réalisation d’un long métrage puissant et maîtrisé. De sa carrière de comique, Jordan Peele, a conservé un sens de l’observation et du timing absolument imparables, qu’il a mis au service d’un récit qui réserve des plongées étourdissantes et réjouissantes dans l’horreur et le fantastique.  Son film protéiforme n’est ni tout à fait une comédie horrifique, ni un film d’horreur teinté de fantastique qui ne se prendrait pas au sérieux. Il est un improbable et constant brillant mélange de genres qui, loin de se parasiter ou de s’annuler, concourent à son éclatante réussite et à l’immense plaisir qu’il procure pendant une séance durant laquelle nous avons vu un réalisateur taper home run sur home run avec une aisance déconcertante. Nous avons en effet découvert un de ces films capables d’acquérir instantanément le statut de film culte. Drôle, sans le moindre temps mort, mystérieux, angoissant, inventif et porté par un casting dans lequel le plus petit rôle est casté à la perfection, Get Out en a bien toutes les qualités requises.

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Dès la scène d’introduction, Jordan Peele pose brillamment le postulat de son film qui prend le contre pied des clichés habituels pour nous désorienter et nous plonger dans un univers de solide paranoïa, dans lequel toutefois l’humour n’est pas banni, nourrissant même au contraire complètement le propos. La banlieue pavillonnaire « wasp » dans laquelle pas un brin d’herbe ne dépasse, symbole dans la culture populaire et donc dans le cinéma américain, de l’American Way of Life, d’une Amérique souriante, accueillante et heureuse, est ici devenue un lieu angoissant, un ghetto blanc,  menaçant pour l’intrus (entendre l’afro américain) qui viendrait s’y égarer.  La mécanique du récit de Jordan Peele repose sur cette inversion des clichés, mettant en scène l’angoissante rencontre de Chris (Daniel Kaluuya) avec sa so white et en apparence si parfaite future belle famille. S’il lui emprunte sa trame de départ et partage sa volonté de parler de la condition des afro américains et des clichés dont ils sont victimes, Get Out est une version horrifique de Devine qui vient dîner ce soir de Stanley Kramer dans lequel Sidney Poitier pourtant médecin devait convaincre ses beaux parents (Spencer Tracy et Katharine Hepburn) qu’il était digne de leur fille. Cette découverte d’un monde trop lisse pour ne pas être inquiétant et dont les secrets vont apparaître au fil du récit, convoque inévitablement le souvenir des deux adaptations de The Spetford Wives, roman d’Ira Levin, dont on retrouve le ton mordant. Il y a quelque chose de dissonant, d’inquiétant dès les premiers instants de cette rencontre, entre la famille de Rose (Allison Williams) et Chris, jeune photographe talentueux, vivant dans un bel appartement, gendre idéal en somme comme pouvait l’être Sidney Poitier dans le film de Stanley Kramer. Ce sentiment est distillé aussi bien par la mise en scène que par des personnages dont le comportement interroge puis inquiète, sans que l’on soit d’abord capable de jurer qu’il ne s’agisse pas là plutôt de la projection de l’angoisse virant à la paranoïa de Chris. Jordan Peele filme son arrivée en voiture, comme Stanley Kubrick filmait l’arrivée de Bill dans le manoir d’Eyes Wide Shut. Alors que le film avait embrassé les codes de la comédie de mœurs, après son prologue en forme de mise en garde, la mise en scène se dérègle dès lors que Chris franchit le portail de cette belle demeure familiale. Peele réussit avec un choix de cadrage, un léger mouvement de caméra à semer des indices sur ce qui se trame derrière les murs de cette demeure et à amener le spectateur à prendre du recul sur ce qu’il voit. Il arrive à décrocher ce qui est à notre sens la martingale commune au film d’horreur et fantastique: la suspension d’incrédulité. Il nous engage totalement dans ce récit dont il paraît clair qu’il n’épargnera pas Chris, sans que l’on sache d’où vienne la réelle menace et les motivations d’agresseurs potentiels pourtant si avenant, à l’exception notable du beau-frère interprété par un Caleb Landry Jones, délicieusement malsain. Leur comportement est discriminatoire mais non agressif, la famille de Rose puis leurs hôtes valorisant les qualités génétiques qu’ils associent d’une façon automatique à sa couleur de peau. De cette situation est à la fois absurde et angoissante, naissent et alternent des scènes très drôles, dans un registre de pure comédie voire de pastiche et des scènes nous plongeant dans le thriller horrifique aux confins du fantastique.

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La façon dont Peele et ses acteurs jonglent entre ces registres, sans jamais perdre le fil de la narration et dissiper la menace constante qui plane sur le récit est réellement bluffante. On se trouve devant une œuvre capable de payer son tribut à des références comme Carpenter, Frankenheimer, Polanski (mais aussi Charlie Kaufman), de construire un suspense et un climat de paranoïa propre au cinéma de genre des années 70/80, tout en ayant  une distance, une ironie qui flirtent par instant avec le pastiche.  Cette générosité, cette liberté de ton, cet humour et cet œil sur les genres explorés et les personnages (leur attitude, leur costume, tout est extrêmement travaillé) est à notre sens totalement liée au parcours de Peele. Dans ses parodies, à l’instar des meilleures du SNL (ou chez nous des Nuls) il a développé une capacité à saisir instantanément les codes d’un genre, à caractériser un personnage par une attention au plus petit détail, à créer des punchlines mémorables (Get Out en regorge). De nombreuses scènes « comiques » pourraient être extraites du film et montrées comme un sketch digne des meilleures heures du SNL ou des films des ZAZ. L’assemblage entre l’horreur et l’humour paraît hétéroclite mais fonctionne admirablement bien par la grâce d’une mise en scène toujours inspirée et d’un scénario dont la mécanique est de très haute précision et les dialogues imparables. Un casting moins réussi aurait toutefois pu fragiliser l’ensemble mais là aussi la réussite est éclatante et la galerie de personnages ainsi constituée n’a que peu d’équivalent aussi loin que nous puissions chercher dans notre mémoire. De même qu’il n’y a pas de scène faible et aucun temps mort dans Get Out, aucun personnage n’est laissé en jachère. On peut prendre pour exemple celui de Rod, le sidekick de Chris, pote blagueur et déjanté  (interprété par un LilRel Howery en feu) qui aurait pu rapidement se révéler agaçant et prévisible, voire fonctionnel. Il est est à la fois l’insider parfait du spectateur dont il relaie les interrogations et le principal moteur comique du récit.  Il faut également citer et saluer l’incroyable interprétation de Betty Gabriel (Georgina) et Marcus Henderson (Walter) au sujet desquels nous ne pourrions vous en dire plus sans spoiler. Catherine Keener qui joue la mère de Rose, trouve quant à elle, son meilleur rôle depuis Dans la Peau de John Malkovich. Tout le casting s’est mis au diapason de l’exigence du dispositif qui joue sur les ruptures de ton, sur des ressorts comique comme de pure angoisse, sur des révélations/twists qui mettent en lumière et permettent de comprendre des subtilités d’interprétation. Plus que la petite pépite de l’année comme le furent dernièrement Under the Skin (2014), It Follows (2015) et The Witch (2016), Get Out est clairement l’un des films les plus réjouissants, les plus bluffants que l’auteur de ces lignes a pu découvrir en salles depuis la petite trentaine d’années qu’il les fréquente.

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Titre Original: GET OUT

Réalisé par: Jordan Peele

Casting : Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener

Bradley Whitford…

Genre: Thriller, Epouvante-horreur

Date de sortie : 3 mai 2017

Distribué par: Universal Pictures International France

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