Critiques Cinéma

ROCKY (Critique)

5 STARS CHEF D'OEUVRE

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SYNOPSIS: Dans les quartiers populaires de Philadelphie, Rocky Balboa collecte des dettes non payées pour Tony Gazzo, un usurier, et dispute de temps à autre, pour quelques dizaines de dollars, des combats de boxe sous l’appellation de « l’étalon italien ». Cependant, Mickey, son vieil entraîneur, le laisse tomber. Son ami Paulie, qui travaille dans un entrepôt frigorifique, encourage Rocky à sortir avec sa soeur Adrian, une jeune vendeuse réservée d’un magasin d’animaux domestiques. Pendant ce temps, Apollo Creed, le champion du monde de boxe catégorie poids lourd, recherche un nouvel adversaire pour remettre son titre en jeu. Son choix se portera sur Rocky.

Le dimanche 21 novembre 1976 sort sur les écrans américains Rocky, un film de boxe de John G. Avildsen, écrit et interprété par Sylvester Stallone. A l’époque, ni Avildsen ni Stallone ne sont en mesure d’imaginer le triomphe planétaire, à la fois culturel et sociétal, que le film connaîtra : carton latent au box-office avec environ 225 millions de dollars amassés dans l’année à travers le globe pour un budget d’à peine 1 million, lançant ainsi le concept de « sleeper hit » et lui octroyant le statut enviable de 7ème meilleur retour sur investissement de toute l’Histoire du cinéma, confirmation d’un immense acteur (et scénariste de génie) jusque là peu connu du grand public (ou pour de mauvaises raisons, comme le porno soft Party at Kitty and Stud’s, retitré L’Étalon Italien suite au succès de Rocky), reconnaissance de la profession avec 3 Oscars – dont ceux, majeurs, du Meilleur film et du Meilleur réalisateur – remportés au décours de la cérémonie de 1977, une réputation de « classique » plus de trente ans après sa sortie et un qualificatif de « meilleur film de la décennie » par plusieurs illustres comédiens, déclinaison du long-métrage en l’une des plus célèbres franchises du septième art (5 suites et 1 spin-off), personnage-titre devenu un héros pour la nation (et pour les auteurs du monde entier), célèbre training-montage de Rocky sur les marches du Philadelphia Museum of Art, monument devenu une icône culturelle, thème musical culte … Mais revenons aux fondamentaux : le récit. Avec leur vrai faux biopic, Avildsen et Stallone nous invitent à découvrir la vie de Rocky Balboa, un boxeur de seconde zone, qui se voit offrir une chance unique de donner un sens à son existence en défiant le champion du monde des poids lourds, Apollo Creed. Sur Allociné, il est noté que cette histoire « c’est Stallone qui en a eu l’idée après avoir visionné, en 1975 le combat de boxe opposant la star de l’époque Muhammed Ali et le modeste Chuck Wepner. Un combat à priori complètement déséquilibré, mais qui tint en haleine les spectateurs, puisque Wepner résista jusqu’à la fin du tout dernier round, où il fut finalement mis KO. C’est cette résistance héroïque du petit contre un gros, d’un Goliath contre David, qui séduit Stallone et lui donna envie d’écrire sur le sujet. » C’est enfermé dans sa cuisine trois jours durant que Stallone pond un premier jet de script qu’il soumet alors aux producteurs Irwin Winkler et Robert Chartoff. Séduits par ce scénario, ces derniers démarchent des boîtes de production qui se montrent rapidement intéressées. Ainsi est née la légende.

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Le destin extraordinaire d’un modeste boxeur amené à combattre un grand champion, tel est donc le point de départ de Rocky. En miroir de ce pitch sincère, sensible et touchant sur le rêve américain, un parallèle évident avec la vie de Stallone peut être d’emblée établi : Rocky, le loser sympathique, mais maladroit et sans avenir n’est autre que Sylvester Stallone en personne. Un immigré italien qui, à l’époque, vit de petits boulots en tentatives infructueuses pour percer à Hollywood en tant qu’acteur (son unique titre de gloire est La Course à la mort de l’an 2000, sorti deux ans plus tôt). Une fois cette analogie ancrée dans la conscience collective, il est facile d’imaginer la croyance premier degré de Stallone en son projet. L’histoire raconte d’ailleurs que Sly, hyper investi, est même allé jusqu’à sacrifier son cachet de scénariste (les enchères sont montées jusqu’à 350.000 dollars) pour être sûr de pouvoir jouer lui-même le rôle de Rocky Balboa (James Caan avait été approché pour incarner le boxeur). Au-delà du vibrant hommage à l’« American Dream », martelé à renforts de symboles puissants (la caractérisation d’Apollo Creed et son habillage avec une bannière étoilée avant le combat final, la généalogie italienne de Balboa/Stallone, les changements d’horaire des séances d’entraînement avec passage de l’ombre à la lumière) et de solutions optimistes (le scénario originel était bien plus sombre, mettant notamment en scène une fin radicalement différente) aux problèmes évoqués (la solitude, l’oubli, la volonté, la pauvreté), à une époque où l’Amérique souffre (le pays vient d’être affaibli par la guerre du Vietnam et le scandale du Watergate), Rocky possède en son sein un autre atout : une romance poignante, écrite avec l’intention ferme et réussie de transpercer les cœurs. Rocky prend largement aux tripes sur cet aspect, n’hésitant pas à révéler les failles d’un héros humain vulnérable, manquant cruellement de confiance en lui, mais éperdument amoureux d’Adrian Pennino, une jeune vendeuse réservée d’un magasin d’animaux domestiques incarnée avec brio par la comédienne Talia Shire. Dépourvu de sentimentalisme niais, Stallone surprend donc avec son histoire d’amour diablement incarné (il faut à tout prix entendre Rocky hurler « Adriaaaan » lors des dernières minutes du métrage). D’aucuns reprocheront parfois à Rocky d’écraser sa compagne (il lui impose quasiment de faire la cuisine à un moment donné), mais c’est pour mieux appuyer ensuite ses doutes, ses regrets et son humanité.

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A mille lieux de l’image de « brute épaisse écervelée » tristement véhiculée par beaucoup, Rocky est un personnage entier, frappant et attachant, créant l’empathie en 2-3 plans et quelques tirades à peine. Il suffit de le voir marcher tranquillement quelques pas dans la rue au début, ou de l’entendre dire, non sans une certaine ironie, « on m’a toujours dit que je n’avais pas de cerveau alors autant me servir de mon corps » pour se sentir immédiatement concerné. Expressif, captivant et débrouillard, tout en étant imbu de spiritualité et d’une certaine fragilité narcissique, celui qu’on surnomme « L’Étalon Italien » est un personnage riche et complexe, qui évolue au fil du récit, apprenant aussi bien à se remettre en question (quand son vieux coach lui assène une claque morale magistrale, lui donnant par la même occasion une bonne leçon de vie), qu’à offrir un sens à son existence avec son combat, qui devient presque instantanément le nôtre. La force du film réside indéniablement là, dans ce brave type et cette capacité à créer chez le spectateur une identification marquée. On vit littéralement son combat, on se met à pleurer abondamment devant cet homme qui se cherche et se trouve, devant sa promise et aux yeux du monde, une honorabilité jusqu’alors refoulée. Authentique catalogue de valeurs humaines, Rocky est une démonstration de courage, de détermination, d’endurance, d’exemplarité et d’humilité (il n’est d’ailleurs point question de success story à proprement parler puisque Rocky « perd » son combat), une véritable locomotive de choix pour faire fleurir bons et loyaux sentiments. Parsemé de tous les codes du genre du film sportif, Rocky fonctionne ainsi à tous les niveaux, autant devant que derrière l’écran.

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Car de son côté, John G. Avildsen filme en effet très efficacement les pérégrinations du célèbre boxeur, avec une caméra excitante et dynamique. La steadicam de Garrett Brown, technique semi révolutionnaire utilisée pour filmer la fameuse scène de la montée des marches lors du training-montage, sert aussi pour certains plans du combat final, offrant ainsi à l’audience une immersion totale. On est impliqués dans ce match, qui tient en haleine de bout en bout. On y participe avec cœur, on souffre aux côtés de Rocky, on saigne avec lui. Comme tout grand film qui se respecte, Rocky est par ailleurs nanti d’un légendaire thème musical, « Gonna Fly Now », composé par Bill Conti et piste introductive de la bande-originale. Que serait Rocky sans ce fameux morceau ? Peut-être pas grand chose, même s’il est vrai qu’« Eye of the Tiger » a enfoncé un peu plus le clou par la suite. Tourné en 28 jours, Rocky impressionne par son ambition rare, sa viscéralité, son suspense efficace et son honnêteté, et restera à jamais comme l’un des plus grands films de boxe, l’un des plus grands films sportifs et l’un des plus grands films tout court jamais réalisés. C’est avec une impatience non dissimulée qu’on attend désormais Creed – L’héritage de Rocky Balboa de Ryan Coogler, spin-off qui devrait célébrer à grandes larmes les retrouvailles du public avec le personnage de Rocky si l’on en croit les retours critiques extrêmement flatteurs de l’autre côté de l’Atlantique.

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Titre Original: ROCKY

Réalisé par: John G. Avildsen

Casting : Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young,

Carl Weathers, Burgess Meredith, Joe Spinell…

Genre: Action, Drame

Sortie le: 23 mars 1977

Distribué par: –

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