MOMMY (Critique)

Par Fred Teper le octobre 5, 2014 • ( 3 Commentaires )

SYNOPSIS: Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.

Voici un film qui transpire le cinéma par tous les pores de la pellicule et qui déborde d’un amour irrationnel, fou et fort, mais tellement beau, tellement tendre et violent à la fois. Un amour qui explose dans un surprenant cadre carré, véritable parti pris de mise en scène, qui nous permet de nous concentrer sur des personnages qui soufflent une sincérité désarmante et insufflent au récit une puissance dramatique qui vous laisse sur le carreau. Les spectateurs de Mommy risquent d’être renversés par la puissance visuelle autant que par l’émotion brute qui émane de ce pur bijou. La virtuosité de la mise en scène de Xavier Dolan, qui signe déjà son cinquième film, la baffe qu’il vous claque par la force des ses images, la puissance de son montage, l’excellence de la composition de ses plans et une BO magistrale, tout concoure à faire de Mommy, Prix du Jury du dernier Festival de Cannes, une pure merveille. Dans un univers relativement anxiogène, des plans volontairement lumineux viennent en opposition d’une histoire qui charrie des sentiments qui se déversent par vagues entières tout du long.

Le choc Mommy regorge de bonnes idées, d’éléments visuels percutants et de choix incroyables, mélange d’audace et de totale liberté, affranchie des conventions qui baignent le cinéma. Xavier Dolan, qui se trimballe l’image d’un jeune surdoué ne s’adressant qu’à un public bien spécifique prend ici tout le monde à contre-pied en livrant un film populaire dans le sens le plus noble du terme. Une histoire pour parler à chacun, qui bouleversera et emportera dans son sillage, un grand public que le jeune réalisateur québecois n’a pas encore rencontré dans des proportions importantes. Un récit sur la difficulté d’aimer sous tous les angles, symptomatique d’une époque où la cellule familiale classique n’est plus la norme et a éclatée sous la pression des difficultés du vivre ensemble. Dans cette histoire à l’apparence sombre, certaines séquences laissent échapper des bulles de bonheur, et le réalisateur élargit alors son cadre quelques minutes, le temps que ses personnages bénéficient d’un souffle nouveau et d’un peu d’accalmie dans le tumulte des relations qui les lient.

Dans Mommy, les comédiens sont bien sûrs les premiers vecteurs émotionnels auxquels le spectateur se raccroche. Xavier Dolan a choisi le casting parfait pour interpréter des personnages plein de vie, de bruit et de fureur et c’est grâce à eux que se déverse un torrent d’émotions. Anne Dorval magnifique en mère aimante et débordée, à la fois explosive et fragile mais jamais dans le renoncement. Antoine-Olivier Pilon extraordinaire de vie et éclatant de talent. Suzanne Clément pleine de fragilité et de fêlures, dont la vie atone reprend des couleurs au contact de ce duo électrique. Mommy n’est pas parfait car la vie est faite d’imperfections et ce film est un morceau de vie, de chair et de sang, plein d’un optimisme qu’on aimerait plus courant. Tellement sublime et étourdissant que le vertige vous étreint le cœur pour longtemps!