Critiques Cinéma

LITTLE MISS SUNSHINE (Critique)

SYNOPSIS : L’histoire des Hoover. Le père, Richard, tente désespérément de vendre son « Parcours vers le succès en 9 étapes ». La mère, Sheryl, tente de dissimuler les travers de son frère, spécialiste suicidaire de Proust fraîchement sorti de l’hôpital après avoir été congédié par son amant. Les enfants Hoover ne sont pas non plus dépourvus de rêves improbables : la fille de 7 ans, Olive, se rêve en reine de beauté, tandis que son frère Dwayne a fait voeu de silence jusqu’à son entrée à l’Air Force Academy. Quand Olive décroche une invitation à concourir pour le titre très sélectif de Little Miss Sunshine en Californie, toute la famille décide de faire corps derrière elle. Les voilà donc entassés dans leur break Volkswagen rouillé : ils mettent le cap vers l’Ouest et entament un voyage tragi-comique de trois jours qui les mettra aux prises avec des événements inattendus…

Albuquerque, Nouveau-Mexique : un van traverse le désert. Non, nous ne sommes pas dans Breaking Bad, mais bien et bien dans le Little Miss Sunshine réalisé par le couple Valerie Faris et Jonathan Dayton (à qui l’on devra également Elle s’appelle Ruby et Battle of the Sexes). Récit choral autour d’une famille dysfonctionnelle qui apprend progressivement à se lier, le film a vite fait de devenir une pointure dans le cinéma indépendant américain en faisant naître dans son sillage une flopée de long-métrages qui formeront l’ « esprit Sundance » dans les années qui suivent sa sortie en 2006. Car presque 20 ans plus tard, Little Miss Sunshine est probablement, quasi indubitablement, le plus grand feel-good movie du 21e siècle, rien que ça.



Le film suit la petite famille Hoover. Richard, le père (Greg Kinnear), tente de faire fructifier ses coachings en motivation. Sheryl, la mère (Toni Collette), est surmenée et doit maintenant accueillir dans la maison Frank, son frère (Steve Carrell), spécialiste de Proust tout juste sorti de l’hôpital après une tentative de suicide. Entre deux remarques racistes et/ou homophobes d’Edwin, le grand-père (Alan Arkin), les deux enfants de la famille ne sont pas en reste. Dwayne, l’ainé (Paul Dano), a fait vœu de silence en attendant de pouvoir devenir pilote, et Olive, la jeune cadette insouciante (Abigail Breslin), rêve de gagner des grands concours de miss. Un jour, la petite famille est chamboulée par une belle nouvelle : Olive a été sélectionnée pour participer à l’élection de « Little Miss Sunshine » qui aura lieu deux jours plus tard en Californie. Le voyage est lancé, à bord du vieux Combi Volkswagen, et va amener le chaos en balade à travers les Etats-Unis et les déchirements de la famille.



Fort d’un concept extrêmement efficace, porté par le huis-clos mobile de fortune fabriqué par le Combi, Little Miss Sunshine coche toutes les cases du road movie familial, portant avec lui une énergie comique électrique et une puissance émotionnelle massive. Dès l’ouverture du film, le générique illustre chaque membre de la famille dans leurs spécificités et pose le personnage de Frank en repère dans cette chambre d’hôpital morbide qu’il quitte pour rejoindre celle enfantine du taiseux Dwayne. Le sublime scénario écrit par Michael Arndt est alors exemplaire de trouvailles en tout genre, permettant aisément à chaque personnage de prendre sa place au centre du tableau en faisant parler leurs aspects comiques comme leurs dimensions dramatiques et leurs perspectives d’évolution. Le voyage va alors servir de catalyseur aux dysfonctionnements de la famille, occasionnant des scènes de dialogues et d’engueulades magistrales, où personne ne semble s’écouter et préfère voir les choses par son propre prisme. Dwayne s’est fermé au monde, autarcisé par son rejet de l’autre et par la peur de ne jamais atteindre son rêve, Frank tente de retrouver goût à la vie après le rejet de son amant et sa tentative de suicide, Sheryl compose avec une famille qui se tombe dessus constamment et un mari qui inculque aux enfants le rejet des « loosers »… Entre toutes ces sous-intrigues, au service de l’ambition de la petite Olive et de sa passion de la danse, Little Miss Sunshine se fait véhicule de luxe pour raconter une famille morcelée qui s’unit dans l’adversité du monde et dans les inéluctables tragédies et déceptions de la vie. Avec une classe merveilleuse et un éclat sans pareil, Dayton et Faris habillent un feel-good movie en forme de diamant brut, brillant à chaque seconde par son intelligence formelle et par le talent sans faille du casting qu’ils assemblent.



Chacun et chacune a alors le droit à ses moments de grâce, que ce soit dans le pathétique situationnel, dans les répliques comiques cinglantes ou dans les purs moments d’émotions. En haut de cette montagne russe sentimentale, on y trouve notamment la scène de l’hôpital, sautant des larmes à une séquence hilarante qui pousse la famille à passer quelque chose par la fenêtre, ou encore au mythique lâcher prise de Paul Dano qui hurle enfin son premier mot du film lorsque la triste vérité sur son rêve lui apparaît. Mais malgré les quelques intempéries et les purs moments de drames qui viennent couvrir le ciel, c’est toujours les rayons de soleil qui l’emportent, jusqu’à ce climax jubilatoire et génialement contre-intuitif, qui réunit pour de bon la famille dans une scène de danse que l’on n’oubliera pas de sitôt. Au final, Little Miss Sunshine semble être résumé dans une seule ligne de dialogue, prononcée par Greg Kinnear lorsque le Combi est arrêté par la police après leur fuite de l’hôpital avec leur « colis volé » dans le coffre. Lors du brouhaha qui suit l’avènement des sirènes, le père crie à la famille « Faites semblant d’être normaux ! ». Personne n’est normal dans cette famille, et tout le monde le sait pertinemment. Car leurs imperfections respectives, leurs rêves brisés, leurs personnalités faillibles, leurs remises en question et leurs joies fugaces sont celles qui sont à notre portée à toutes et tous. Little Miss Sunshine est une merveille universelle, profondément lumineuse et génialement hilarante, portant à la fois une petite dose d’irrévérence et d’absurdité pour dessiner les contours des Hoover et de leur improbable cavalcade vers un American Dream qui n’existe pas. En espérant pouvoir réparer les failles au lieu de les pointer du doigt, le duo Faris-Dayton avec la plume d’Arndt fabriquent un petit monde en bouteille, réduisant le chaos à l’essentiel dans l’enceinte d’un Combi Volkswagen. L’essentiel, c’est la famille. Et c’est tout ce qui compte.

Titre Original: LITTLE MISS SUNSHINE

Réalisé par: Jonathan Dayton, Valerie Faris

Casting : Abigail Breslin, Greg Kinnear, Paul Dano…

Genre: Comédie, Drame

Sortie le : 6 Septembre 2006

Distribué par: Twentieth Century Fox France

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