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LITTLE BIRD (Critique Mini-Série) Une pépite d’émotions…

À travers l’histoire émouvante d’Esther qui, à l’aube de son mariage, tente de reconstituer son passé, Little Bird s’attaque à la controverse de la « rafle des années 1960 » au Canada, où le gouvernement arracha des milliers d’enfants aux communautés autochtones.

Tirée d’une histoire vraie, mais plus encore, reposant sur une glaçante réalité historique, Little Bird, créée par Hannah Moscovitch et Jennifer Podemski a reçu le prix du public au festival Séries Mania édition 2023, ce qui est comme une évidence tant la série est vibrante, empathique, une pépite d’émotions. Little bird nous plonge très vite dans l’horreur psychoaffective. Nous sommes confrontés aux méthodes « dites » de protection de l’enfance, qui s’apparentent dans la période concernée davantage à la traque des juifs par les nazis. Pour s’en convaincre, la scène très forte qui n’est pas autre chose qu’un mélange d’inquisition nous fera penser au moment dans Inglorious basterds (2009) où il faut se cacher, se terrer littéralement pour vivre.

 


Clairement, c’est un préambule déchirant et qui va nous rendre très vite addict de Little Bird. On entre de suite dans la fresque. Les feedbacks sont très habiles et permettent de tenter de comprendre la psychologie des personnages principaux. Impossible de ne pas penser au chef- d’œuvre sériel par excellence qu’est This Is Us (2016/2022). Car tout comme son illustre pair, Little Bird vient nous accréditer la thèse du tout se joue à l’enfance, qui plus est quand celle-ci est jalonnée d’inconsolables traumas. C’est alors pour le placement d’Esther et de sa sœur un simulacre d’audience, ou sous couvert de l’intérêt des enfants, c’est en fait l’exercice d’un véritable rapt d’état. La mère est réduite au silence, tant la parole de la sous-race amérindienne ne peut de fait être digne d’intérêt. Une scène qui si elle n’est pas nouvelle, car factuellement historique, permet de bien penser à ce venin qui se répand à nouveau massivement de nos jours et qui revient à imaginer une ascendance de race. Comme la mère d’Esther ne pourra pas parler, attendu que ça lui est interdit, elle va hurler… instinctivement, bestialement et au plus profond des entrailles maternelles. Ce cri, vous l’entendrez encore longtemps après. C’est celui de l’arrachement, de la haine et de la plus horrifique des injustices.


Puis lors de tous les épisodes suivants que nous ne dévoileront pas, souvent il sera question au sens propre comme métaphorique du terme, d’une porte qui s’ouvre, et quand elle se ferme, c’est un flashback ou du moins une autre époque. C’est alors toute la question de la mise en abîme de ces innombrables portes que l’on choisit d’ouvrir ou de laisser fermer. C’est toute la mise en scène, avec en sus une bande son aux petits oignons, qui va se déployer dans une grande habileté car on n’est jamais perdus dans les nombreux allers-retours. L’empathie aux personnages du fait de cette narration précise et forte demeure intacte et même très vive. On peut même vous dire que la scène finale est un chef-d’oeuvre de frissons et de bouleversement. Une des indéniables forces de Little Bird est aussi de nous parler des identités, des racines à travers une histoire individuelle poignante, aux nombreuses ramifications familiales, tout en dénonçant une effroyable machine institutionnelle. C’est légitimement à charge, mais en s’appuyant précisément sur une situation à laquelle on s’attache et qui nous permet donc l’extrapolation.


Le casting est porté par Darla Contois dans le rôle de Bezhig Little Bird, rebaptisée Esther suite à l’adoption / enlèvement. Sa quête devient très vite la nôtre. Son entre-deux est bouleversant. Un personnage dont les émotions sont mises à grande épreuve et la force du jeu de l’actrice nous amène complètement avec elle. Nous avons également le plaisir de retrouver Lisa Edelstein dans le rôle de Golda Rosemblum, la mère adoptive, qui exprime énormément en peu de temps. C’est en fait l’ensemble des acteurs que l’on sent très engagés, comme portés, qui va venir donner une grande force à la série. Little Bird est cette petite pépite d’émotions qui ne tombe jamais dans le pathos, le témoignage ou le documentaire qui dénonce sans empathie. A l’inverse, on est pris dans l’histoire, touché et enragé contre l’injustice de l’arrachement d’enfants et porté par la résilience, l’espoir. A ne pas manquer !

Crédits : Arte

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