Critiques Cinéma

L’AMOUR ET LES FORÊTS (Critique)

SYNOPSIS : Quand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.

L’amour et les forêts est une adaptation du roman éponyme d’Eric Reinhardt publié en 2014. Toutes celles et ceux qui l’ont eu entre les mains ont été profondément marqués par sa lecture, tant le phénomène d’emprise procède pour la victime d’une infinie violence, d’une forme d’interminable enfermement psychique. Valérie Donzelli, la réalisatrice qui l’adapte ici pour le cinéma et à qui l’on doit entre-autres la fabuleuse pulsion de vie cinématographique La guerre est déclarée (2011), voulait faire selon ses propres termes « un grand film d’angoisse ». Si dans La guerre est déclarée, elle ne voulait pas que la maladie soit le thème majeur, elle conserve le même prisme dans L’amour et les forêts sur le phénomène d’emprise : « Ce n’est pas le sujet du film mais une toile de fond. C’est avant tout un film sensoriel, vibrant et haletant ». Oui, on est au cinéma, car c’est bien la mise en scène dans son pur aspect fictionnel qui en fait une histoire forte. Dans ce film, Valérie Donzelli se situe à l’interstice d’Hitchcock et de Rohmer. « Il suffit qu’on t’aime pour que tu aimes » dira très vite sa sœur jumelle à Blanche, sous forme de taquinerie légère, mais qui vient dire beaucoup sur ce qui s’apparente à une prédisposition psychoaffective, un manque d’estime de soi, qui va plonger Blanche dans les ténèbres. Même si à un moment, dans la forêt, il y a toujours une lumière qui apparaît.


Une lumière amoureuse dans l’œil de Grégoire dans le début de cette histoire d’amour aux atours balbutiants classiques. Pour autant, en contraste, très certainement voulu par la réalisatrice, dans le regard de cet homme, quelque chose de noir, d’inquiétant semble en latence. La perversion va s’installer subrepticement, et c’est tout son mécanisme qui va être disséqué avec la puissance filmique que l’on connaît à Valérie Donzelli. L’isolement de Blanche, l’installation de la dépendance affective, le fait de dénier l’unicité de Blanche, avec peut-être la plus terrible des tortures mentales : entretenir l’espoir que ça va s’arranger, alors qu’elle est en train d’agoniser. C’est le sourire du bourreau. La faute sera systématiquement ramenée à Blanche, allant jusqu’à la faire douter, dans une situation psychiquement quasi inextricable. La monstruosité des violences psychologiques, sans besoin qu’un coup ne soit forcément asséné pour faire au moins autant de dégâts, est déployée avec une glaçante authenticité. Tout est dans cette autre phrase clé de Grégoire qui fait pousser des hauts le cœur dans la salle : « Si tu m’aimais vraiment, tu ne m’aurais jamais laissé devenir comme ça… « 


Le traitement de fond est parfaitement orchestré par la cinéaste qui livre ici son extrême sensibilité, dans des dialogues et des situations prenantes, qui nous ancrent dans le fauteuil rouge. Mais comme elle l’affirmait et y aspirait, c’est aussi une histoire de mise en scène et d’effets, et à ce petit jeu, Valérie Donzelli maîtrise son sujet. Le soleil qui perce par moment l’opacité de la forêt entretient notre envie que Blanche trouve ses ressources pour fuir. La photographie, le grain de l’image sont savamment millimétrés et changeants pour alterner les émotions et entrer dans les paradoxes envahissants de la femme mutilée affectivement. La réussite totale de ce thriller affectif et psychologique repose aussi tellement sur un casting pleinement engagé, habité. C’est le cas de Melvil Poupaud, qui est ici effrayant de talent. Oui, même l’amoureux Lamoureux (son nom de famille dans le film !!), s’il donne le sentiment, prince trop charmant, de se donner à son adoré, porte déjà en lui, au fond des yeux l’impalpable de la noirceur. Et alors, quand son personnage donne la pleine mesure de sa folie, il est comme le voulait l’acteur, et d’autres illustres avant lui, qui lui ont servi de modèle : « un vrai salopard de cinéma « . Demain, Melvil Poupaud dans ce rôle, sera le modèle pour les suivants.


Virginie Efira, comme le dit sa réalisatrice, quoi qu’elle fasse, on l’aime. Là où l’actrice réussit à nous toucher, c’est sur l’absence de binarité, de manichéisme dans son jeu. Elle n’est pas qu’une oie blanche qui se fait dévorer. Elle doute, espère et apporte à son personnage une complexité, une subtilité qui crée une profonde empathie et nous la rend indispensable dans ce film comme partout où elle passe. Elle est par ailleurs entourée, protégée par des grandes actrices, simplement de passages, comme autant de fées devant et derrière la caméra, Romane Bohringer ou Virginie Ledoyen, pour ne citer qu’elles. La résonance personnelle de la réalisatrice sur son sujet devient très vite la nôtre. Si on sort profondément marqués de la salle obscure, on a aussi envie d’aimer, car oui la lumière perce la forêt, et on dit merci Valérie pour ce grand cadeau de cinéma.


Titre original: L’AMOUR ET LES FORÊTS

Réalisé par: Valérie Donzelli

Casting: Virginie Efira, Melvil Poupaud, Dominique Reymond …

Genre: Thriller, Drame

Sortie le: 24 Mai 2023

Distribué par : Diaphana Distribution

EXCELLENT

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