Critiques Cinéma

LE TEMPS D’AIMER (Critique)

1947. Sur une plage, Madeleine, serveuse dans un hôtel restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François, étudiant riche et cultivé. La force d’attraction qui les pousse l’un vers l’autre est à la mesure du secret dont chacun est porteur. Si l’on sait ce que Madeleine veut laisser derrière elle en suivant ce jeune homme, on découvre avec le temps, ce que François tente désespérément de fuir en mêlant le destin de Madeleine au sien…

Le temps d’aimer de Katell Quillévéré est une promesse. Une promesse d’abord car c’est Katell Quillévéré. Une grande cinéaste qui rentre toujours au cœur de ses histoires dans tout à la fois le plus pur et le plus dur. On pensera à Réparer les vivants (2016) bien sûr avec de l’émotion pudique et délicate, mais également à Suzanne (2013) dans ce portrait de femme complexe et contrariée infiniment bouleversant. Sans jamais juger, la réalisatrice sait montrer et faire vivre. Une promesse aussi car on retrouve Anaïs Demoustier au casting, qui en ce moment transforme à peu près tout ce qu’elle touche en or. Du cinéma vivant et vibrant en perspective.  Le temps d’aimer est un grand film sur le couple, sur la famille, sur le manque. Au-delà de ses thèmes de prédilection, Katell Quillévéré surprend car elle nous en montre énormément, en sortant quelque peu de son sens inné de l’ellipse dans la narration. C’est comme si la cinéaste prenait une nouvelle dimension et permet alors à son film de nous emmener tellement loin, et au-delà de nous émouvoir, sans le non-dit, Le temps d’aimer porte en lui une force empathique monumentale. Car ça parle de la famille, et la famille, c’est nous. On ne peut que tous se reconnaître et être questionné, bousculé. Ce film va toucher profondément les gens. Et puis surtout, elle démontre avec toute l’humanité qu’on lui connaît, qu’on guérit de tout, que toujours on se relève et qu’au bout des blessures, la résilience est là. Exactement à l’image de François qui s’appuie sur Kheiros, le dieu des opportunités saisies, et qui transmet l’insondable espoir de la rencontre qui va tout changer et du bonheur qu’il est parfois si difficile d’accepter. François est fragile, sensible et on pressent les traumas. Pour Madeleine, son squelette dans le placard que nous ne révélerons pas, est pour autant tout de suite déplié dans une séquence d’archives dès le début, qui va s’avérer infiniment marquante, glaçante.

Copyright Roger Arpajou


Il faut parfois toute une vie pour se dire je t’aime semble nous souffler la réalisatrice. La question du temps à travers les âges dans ce qui va être une véritable épopée du couple va venir interroger la complexité du lien qui nous unit à celles et ceux que nous aimons. Entre usure, haine, attrait de la nouveauté, si Le temps d’aimer est complexe, il est aussi décomplexé, avec notamment des scènes d’amour à la sensualité troublante, qui ne se cantonnent pas à l’âpreté du sentiment amoureux, mais aussi celui de l’acte amoureux. L’amour, c’est mieux avec l’amour. Le temps d’aimer, ce sont les destins qui basculent au jeu de l’intrigante existence des hasards qui n’en sont pas. Ce sont nos petites lâchetés, nos grandes faiblesses, mais qui jamais ne font de nous des monstres. Tu n’es pas un acte. C’est le non jugement, et c’est une véritable leçon de tolérance. La mise en scène se construit au gré des époques, et la caméra de la réalisatrice offre une symbiose en termes d’énergie dans sa façon de déployer son récit. On est littéralement scotchés à son siège, tant le film sait capter le moment avec un spectateur qui est comme associé à ce qui se joue. Une dynamique généreuse.

Copyright Roger Arpajou


Les dialogues tout comme le non verbal sont hautement percutants, notamment dans cette opposition de style entre François et Madeleine. Lui, le lettré hyper sensible, complexe et complexé. Elle plus instinctive, dont les épreuves ont forgé un constant besoin de survie. Pour des personnages dont la psychologie est disséquée et qui là aussi, viennent éveiller nos sens et la grandeur de nos ressentis.

Copyright Roger Arpajou


Ces personnages justement, Katell Quillévéré leur a clairement transmis ses émotions. Vincent Lacoste est un François tout en intériorité et permet à l’acteur de sortir de certaines facilités et d’aller chercher en profondeur des intimes bouleversements. Ses égarements qui viennent se heurter à l’amour des siens, à son sens de l’autre, sont portés avec véracité par le comédien qui trouve ici un rôle qui lui va si bien. Anaïs Demoustier n’en est plus à confirmer. Elle est une Madeleine vibrante et nous bouleverse même dans l’injustice de son rejet, matrice du film que nous n’étayerons pas. La force de son personnage existe en elle, sur elle, comme une seconde peau. Elle est en train de devenir indispensable au cinéma français et c’est une excellente nouvelle.  Le temps d’aimer est un grand film sur eux, sur nous. Ce film va vous toucher, ou c’est à n’y rien comprendre. Si on part du principe que ce n’est que le début pour Katell Quillévéré, on a nous aussi tout le temps de l’aimer, et que c’est bon d’y penser.

Titre Original: LE TEMPS D’AIMER

Réalisé par: Katell Quillévéré

Casting : Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Paul Beaurepaire …

Genre: Drame, Romance

Sortie le : Prochainement

Distribué par: –

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