Critiques Cinéma

LA BATAILLE DE SOLFERINO (Critique)

SYNOPSIS : 6 mai 2012, Solférino. Laetitia, journaliste télé, couvre les présidentielles. Mais débarque Vincent, l’ex, pour voir leurs filles. Gamines déchaînées, baby-sitter submergé, amant vaguement incrust, avocat misanthrope, France coupée en deux : c’est dimanche, tout s’emmêle, rien ne va plus !

La bataille de Solférino est le premier long métrage de fiction de sa réalisatrice Justine Triet, et ça ne se voit pas, ou alors justement dans le souci méticuleux du détail qui est le sien de faire vivre son cinéma. Tout va faire fièvre, tout va pétiller.  C’est laconiquement « le goût de l’aventure  » qui aura poussé la cinéaste à alterner des images d’archives de notre histoire contemporaine et le fictionnel de l’intime dans toute son impudeur. On va osciller entre rire et peurs tant comme elle le dit « mes personnages ont des monstres en eux « . La première bataille est lancée très vite. Elle sera stridente, criarde, au bord de l’insoutenable, peut-être la pire des guerres, l’originelle, la plus cruelle, à savoir… : les pleurs d’un bébé… qui ne veut que les bras de sa mère. Aucun décibel de ses hurlements ne va nous être épargnée. Les intentions de Justine Triet par cet acte 1 de la mise en scène sont limpides : l’authenticité. Nos oreilles et nos neurones sont dans le même état que l’appart où le bébé a tout dévasté à lui tout seul : un champ de ruines !!  La bataille va se poursuivre dans la rue avec Laetitia, mère de l’antéchrist en couche culotte. Un certain 6 Mai 2012, lors d’une certaine élection présidentielle où rappelons le changement c’était maintenant… ou pas !!  Alors, Laetitia va se battre contre le temps, contre ses angoisses, contre la vie, qui précarise sa situation de mère seule et journaliste de terrain pour une grande chaîne nationale. Elle doit couvrir cette élection et va osciller entre les différents militants de deux camps de l’époque, bien habités, transcendés et un peu au bord d’une lobotomisation au caractère hystérisant !! Pendant que son baby sitter, totalement pas formé à la fonction, va se fighter de son côté face à deux lutins qui ne veulent que leur maman et rien d’autre. Débarque Vincent, plus géniteur que père, qui se bat contre lui-même et ses propres turpitudes névrotiques en revendiquant un droit de garde, mais avec un jour de retard. La bataille est partout et la dramaturgie voulue par la cinéaste va subtilement s’installer.


Évidemment, à un moment, tout ce petit monde va converger en toute intranquillité vers Solférino dans une ambiance festive d’un peuple de gauche, ce qui avec le recul est saisissant car plus tard, ce ne fut ni la fête, ni la gauche…  Les batailles vont se croiser et c’est comme si le drame latent s’installait à travers les psychologies respectives de chacun des protagonistes, qui sont découpées au scalpel, sans pour autant en faire trop dans la démonstration. Force d’un cinéma de suggestion, à ellipse, qui nous fait deviner, ressentir. C’est malin, frais et flippant à la fois. Et puis au cœur, cette foule heureuse, mais aspirante et anxiogène pour nos héros contemporains perdus, qui ne sont clairement pas dans la même implication et surtout pas dans la liesse.


On en vient à redouter l’inévitable décompte de 20 h fatidique et l’explosion collective des partisans du président normal. C’est un peu tout ça La bataille de Solférino, une histoire de contraste, de croisement de l’euphorie collective et d’une somme de peurs individuelles. Nous sommes au final dans une forme de véritable thriller sociologique dont il est assez difficile de décrocher. Le drame social est autant poignant que terriblement ordinaire dans cette soirée, elle, forcément extraordinaire. La caméra de Justine Triet capte les sentiments avec une virtuosité émotionnelle d’une force redoutable, qui est difficile à oublier. La mise en scène est à hauteur d’humains, avec ce sens de la vérité qui nous fige, sans doute car elle nous ressemble. Les ressentis nous sont communiqués dans une urgence qui nous fait violence, aussi car le réel est partout. La fin sera par ailleurs particulièrement surprenante.


Laetitia Dosch est toujours aussi étincelante de sincérité. Ses combats, ses batailles sont permanentes et on ne veut que l’aider. Elle virevolte partout, tout le temps et sans arrêt. Sa sensibilité est folle dans tout ce qu’elle touche, c’est à fleur de peau, à vif et c’est un bonheur de jeu. Vincent Macaigne est son parfait complément. C’est tout autant une affaire d’extrême sensibilité, tant il joue avec son tout. Son corps, sa voix, ses mouvements, son expressivité hallucinante. Comme d’habitude avec lui, c’est un régal de chaque seconde, et il nous manque dès qu’il disparaît du champ. La bataille de Solférino porte en son sein cette originalité plastique de forme, tant les personnages sont l’histoire et avec cet abime social de fond, tant cette bataille, c’est un peu et beaucoup aussi la nôtre.

Titre original: LA BATAILLE DE SOLFÉRINO

Réalisé par: Justine Triet

Casting : Laetitia Dosch, Vincent Macaigne, Arthur Harari …

Genre:  Drame

Sortie le: 18 Septembre 2013

Distribué par : Shellac

TRÈS BIEN

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