Critiques Cinéma

AU REVOIR LES ENFANTS (Critique)

SYNOPSIS : Hiver 1944. Julien, 12 ans, retrouve le chemin du collège Sainte-Croix où il est pensionnaire. Une rentrée presque comme les autres, dans une France occupée, jusqu’à ce que le père Jean vienne présenter trois nouveaux élèves dont Jean Bonnet, voisin de dortoir de Julien. Les deux élèves commencent par se jauger, avant de se lier d’amitié… 

Malavida Films ressort le 10 mai 2023 trois films de Louis Malle regroupés sous la bannière Louis Malle Gentleman Provocateur Partie 2: Lacombe Lucien, Au revoir les enfants, Milou en mai. Des trésors du catalogue Gaumont.

Au revoir les enfants, demeure un souvenir qui hante, une meurtrissure pour Louis Malle, alors collégien, d’avoir vu la gestapo emmener un de ses camarades juifs. Si le film est plus détaillé que la réalité, c’est cette terrible image qui aura inspiré le cinéaste. Le personnage de Jean Bonnet, inspiré de faits réels s’appelait Hans-Helmut Michel. Il a fréquenté le même collège près de Fontainebleau que Louis Malle. Né le 6 juin 1930, il est emmené par la Gestapo alors qu’il n’a que 14 ans. Il est envoyé à Drancy, puis déporté à Auschwitz. Il est décédé le 6 février 1944. Le succès du film fut retentissant avec 3,6 millions d’entrées. Une reconnaissance également aussi critique, le film ayant remporté 7 César en 1988. Il a également décroché le Lion d’Or de Venise, le prix Louis Delluc et fut nommé aux Oscars pour le meilleur film étranger.
-« T’as peur ?
Tout le temps. »
Ce bref échange entre les deux enfants que sont Julien et Jean résume un peu tout. Deux êtres au creux de leur innocence et insouciance, l’un est juif et l’autre pas. Comme si c’était une faute, face aux allemands qui viennent récupérer père Jean et les trois enfants, un petit camarade craignant lui aussi de se faire embarquer dira : « On n’a rien fait nous« . Spontanéité juvénile, qui elle aussi dit tout.


Au revoir les enfants, c’est une extrême sensibilité, sur ces enfances volées par la bête immonde, c’est délicat et charnel sur le rapport à l’enfance de la pureté. C’est très souvent bouleversant, avec des moments d’une intense émotion et d’une grande finesse tout à la fois. La mise en scène touche tellement à l’authenticité qu’on a froid avec eux dans les salles de classes sans chauffage, et on mal aux genoux comme eux quand ils tombent des échasses, jeux de récréation. La photographie, les décors, le souffle des enfants dans l’hiver nous plonge dans une reconstitution méticuleuse et troublante de vérité. C’est comme si Marcel Pagnol avait croisé Jean-Pierre Melville entre La gloire de mon père (1990) et L’Armée des ombres (1969).  Chaque scène devient un petit moment de grâce. Comme celle du restaurant où c’est bien l’officier allemand qui vire un collabo qui voulait lui-même virer un client juif, qui vient pourtant depuis 20 ans. Un moment de cinéma qui, vu dans votre enfance vient vous apporter un regard d’une vive intelligence sur la complexité du monde. Les salauds ne sont pas toujours là où l’on pense, donc les héros non plus, donc on y apprend le sens de la nuance. Qui nous manque encore très certainement aujourd’hui. C’est ça Au revoir les enfants, ça touche, mais aussi ça élève. Une scène inoubliable et déchirante à intégrer aux programmes scolaires.


Un autre moment de joie collective et d’hilarité générale des enfants et adultes, peut-être le seul du film d’ailleurs, se fera quand tous, ils vont rire aux éclats devant L’Émigrant (1917) de Charlie Chaplin, face aux facéties universelles du génie. L’art fédérateur, l’art qui est la vie, l’art qui permet de partir, histoire d’oublier un instant la brutalité inouïe de la réalité d’une barbarie, hier chez nous, aujourd’hui si près, toujours trop près. Gaspard Manesse est un Julien brulant des heures chéries et malines de l’enfance. Il est tout à la fois pur et intelligent, il nous bouleverse par son naturel, son regard en coin, et il vient comme parachever l’infinie émotion qui émane de l’œuvre. Il n’a pas persévéré dans le cinéma et est aujourd’hui infirmier.


Sur l’apport émotionnel au film, il en est tout à fait de même pour Raphael Fejtö, qui incarne un Jean, plus en retenue et en distance, tant forcément son personnage doit se faire oublier. Le jeune acteur de l’époque a pleinement intériorisé sa composition et à sa façon nous touche également tout en profondeur et en subtilité. Il est depuis devenu entre autres réalisateur. A noter la présence de François Berléand dans le rôle du père Michel, toujours un plaisir de cinéma de le retrouver.  Au revoir les enfants était projeté au festival Lumière de Lyon en 2022 en présence de nombreux collégiens et lycéens, âge auquel il est bon de le faire découvrir, autant pour le devoir de mémoire et pour perpétuer les messages de lutte contre tous les obscurantismes, mais aussi bien sûr pour de vraies émotions de cinéma, car il n’est jamais trop tôt pour découvrir un chef-d’œuvre.

Titre original: AU REVOIR LES ENFANTS

Réalisé par: Louis Malle

Casting: Gaspard Manesse, Raphael Fejtö, Francine Racette …

Genre:  Guerre, Drame

Sortie le: 7 Octobre 1987

Ressortie le: 10 Mai 2023

Distribué par : Malavida Films

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