Critiques Cinéma

WAR PONY (Critique)

SYNOPSIS : Deux jeunes hommes de la tribu Oglala Lakota vivent dans la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Bill, 23 ans, cherche à joindre les deux bouts à tout prix. Matho, 12 ans, est quant à lui impatient de devenir un homme. Liés par leur quête d’appartenance à une société qui leur est hostile, ils tentent de tracer leur propre voie vers l’âge adulte.

L’année passée, le premier long-métrage réalisé par le duo Riley Keough/Gina Gammell s’était vu octroyer une place méritée au sein de la bien nommée compétition Un Certain Regard. Ce regard en question est d’autant plus singulier dans le cas de War Pony qu’il cherche à se plonger dans une face de l’Amérique pourtant oubliée d’Hollywood. Au sein de la réserve Amérindienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, les deux réalisatrices dessinent ici le portrait d’une jeunesse qui cherche sa place, pour finalement décrocher une Caméra d’Or à Cannes. Un parcours à contre-courant de l’American Dream, au parfum notablement naturaliste et aux embranchements thématiques multiples. War Pony suit en parallèle le quotidien de deux personnages au centre d’une Amérique reculée, où la vie est un cercle de débrouille et de marginalisation. Bill, la vingtaine, est un père précoce qui enchaîne les petits boulots pour subvenir à ses besoins. Matho, 12 ans, impulsif et en continuelle recherche du regard de son père, vagabonde avec sa bande d’amis.



Cette double narration, qui tend à raconter deux histoires reliées par les thèmes et par les incertitudes, sert de base au film, servi par une mise en scène profondément humaine. Keough et Gammell captent, avec leurs caméras-épaule et leur photographie granuleuse, la précision des interactions humaines et l’abandon total dont sont victimes les deux protagonistes. Bill et Matho, s’ils ne se connaissent pas, semblent être les deux faces d’une même pièce, et dessinent les frontières inconnus où s’arrête l’American Dream. Les réalisatrices choisissent alors de tourner dans une majorité de décor réels et de caster des comédiens non professionnels, conférant dès lors à ce récit une portée profondément réaliste et particulièrement authentique dans son approche tangible et précieuse du réel. La dynamique de War Pony se pose donc comme un récit d’initiation multiple, à la fois quête d’appréciation, questionnement de la paternité et réflexion sur l’héritage. En posant leurs caméras au sein d’une réserve Amérindienne marquée par les stigmates d’une Histoire lourde, Keough et Gammell servent un récit habité par un aura intimiste, une continuelle course vers l’acceptation. Dans sa forme initiatique typiquement américaine, War Pony fait état d’un manque, donnant naissance à un film passionnant et profondément humain.



Sous une bande-originale riche et la photographie palpable de David Gallego, le long-métrage prend littéralement ses racines au sein de son casting, largement mené par Jojo Bapteise Whiting et LaDainian Crazy Thunder. Ils sont tous deux les plus franches réussites d’un film déjà saisissant, parvenant à lui conférer des purs moments d’émotions âpres qui rendent son récit encore plus impactant. Car War Pony est force d’interprétation, à la fois dans son casting et dans la nature même de sa mise en scène, mettant ses personnages en tête de proue. Leur impulsivité, leurs erreurs, leurs magouilles, leurs incompréhensions, leur haine passagère et leur humanité transversale construisent le film de part en part, se servant de son histoire de jeunesse pour faire état des endroits où le système a définitivement échoué.

Mais loin de tomber dans la pitié ou dans le mépris, Keough et Gammell (co-écrivant le scénario avec Bill Reddy et Franklin Sioux Bob) signent un long-métrage empreint de naturel et de générosité pour son spectateur dans un récit admirablement construit. Le film réussit à tronquer l’habituel film social américain (le genre qui fait l’affiche de Sundance) pour lui appliquer les contours de la jeunesse amérindienne laissée pour compte, qui se cherche continuellement sa place. Par la singularité de son approche, la violence et la tendresse qui le jalonne, et une poignée de séquences particulièrement marquantes, War Pony est une franche réussite terriblement attachante et gentiment passionnante, à travers l’écran comme dans sa conception originellement authentique. La marque d’un premier film très prometteur.

Titre Original:  WAR PONY

Réalisé par: Gina Gammell, Riley Keough

Casting: Jojo Bapteise Whiting, LaDainian Crazy Thunder, Ashley Shelton…

Genre: Drame

Sortie le: 10 Mai 2023

Distribué par: Les Films du Losange

EXCELLENT

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