NOS CÉRÉMONIES (Critique)

Par William François le mai 3, 2023 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS: Royan, 2011. Alors que l’été étire ses jours brûlants, deux jeunes frères, Tony et Noé, jouent au jeu de la mort et du hasard… Jusqu’à l’accident qui changera leur vie à jamais. Dix ans plus tard et désormais jeunes adultes, ils retournent à Royan et recroisent la route de Cassandre, leur amour d’enfance. Mais les frères cachent depuis tout ce temps un secret…

Après avoir attiré les regards sur la Croisette l’année passée lors de sa sélection à la Semaine de la Critique, Simon Rieth arrive en salles avec son premier long-métrage. Nos Cérémonies, plus libre, nihiliste et fantastique que son titre formel laisse présager, a des airs de proposition radicale à la française comme on en manque encore trop. En laissant débarquer un vent fantastique dans un récit adolescent à la croisée des temps, Rieth met un imaginaire lumineux et morbide au service d’une évasion générationnelle particulièrement enthousiasmante. Nos Cérémonies suit Tony et Noé, deux frères qui grandissent entre complicité et compétition dans un village côtier. Enfants, alors qu’ils jouent à un jeu en haut d’une falaise, un drame redéfinit les contours de leurs vies de manière inexplicable. Gardant le secret avec eux, les frères grandissent loin de leur lieu d’enfance, avant d’y être ramenés par le décès de leur père. Sur place, les jeunes adultes reconnectent avec Cassandre, leur meilleure amie d’enfance, et font face aux répercussions de leur secret. Lorgnant du côté du conte fantastique qui fait côtoyer la magie et la mort dans un tout très radical, Nos Cérémonies a des airs furieusement étranges et oniriques, plaçant son univers dans une esthétique marquée et un contexte temporel brumeux.

Noé et Tony se meuvent dans un environnement quasiment post-apocalyptique, brûlé par la chaleur dévorante et la puissance de leurs sentiments. Leur relation, voguant entre amour, haine, colère et mépris, est le cœur battant d’un film sensible et rugueux, dicté par la sublime photographie composée par Marine Atlan. La lumière du long-métrage est assurément sa plus grande force, offrant une image magnétique et diffuse à souhait, prolongé par les doucereuses teintes jaune-orangées envoyées par le soleil et par les corps de ses protagonistes. Dans ce monde à la réalité fantasmée, les humains sont à la fois les rois et les prisonniers, ramenant Noé et Tony à leur condition humaine et à leur secret en guise de bénédiction au parfum de malédiction.

Nos Cérémonies se nourrit, à ce compte, d’une approche mythologique à son histoire surnaturelle, faisant surgir une Cassandre entre les deux frères, comme annonciateur du tournant malheureux que l’histoire finira par prendre. Car il est avant tout question de drame, d’amour et de fusion, dressant au centre du récit, comme les deux colonnes porteuses du film, la relation complexe que nourrissent les deux frères, condamnés à une boucle perpétuelle de mort et de retour à la vie. Rieth se sert alors de sa narration fantomatique et mystérieuse pour agrémenter sa mise en scène d’un rapport généreux au corps et à ses fractures.

Servi par le duo fraternel Simon et Raymond Baur – pas parfait dans tous les registres, mais impeccables dans le parcours en parallèle de leurs deux personnages, l’un qui s’abandonne à la destruction et l’autre vecteur d’espoir – et la performance lumineuse de Maïra Villena, Nos Cérémonies est une proposition assurément riche qui exploite son récit fantastique pour livrer une fable teen-movie à la lisière du réel et du tangible en glissant lentement vers l’onirisme d’un rêve cauchemardesque. Étoffé par une violence douloureuse et une pente autodestructrice passionnante, par une photographie charnelle pleine de douceur et par une relation amour-haine fraternelle qui sert un dense cocktail d’émotions, Simon Rieth et Léa Riche signent un film intriguant, préfigurant un univers génialement fantastique qui fait tant de bien aux écrans français. Nos Cérémonies est un premier long-métrage saisissant et impactant sur le pouvoir de l’amour et sur les tremblements qui mettent en péril les âges troubles de la fin de l’adolescence, le tout hanté par la mort et par le malheureux qui a le pouvoir de la contourner.