Critiques Cinéma

LE JEUNE IMAM (Critique)

SYNOPSIS : À 14 ans, Ali est un adolescent à la dérive. Sa mère qui l’élève seule ne trouve d’autres solutions que de l’envoyer au village au Mali pour finir son éducation. Dix ans plus tard, Ali revient. Malgré les doutes de sa mère auprès de qui il est prêt à tout pour briller, il devient l’imam de la cité. Adulé de tous et poussé par ses succès, Ali décide d’aider les fidèles à réaliser le rêve de tout musulman : faire le pèlerinage à la Mecque.

Cela faisait presque 10 ans que Kim Chapiron n’avait pas retrouvé la mise en scène d’un long-métrage. Avec Sheitan, Dog Pound et La Crème de la Crème à son arc, le réalisateur et co-créateur de Kourtrajmé a fait de son cinéma un espace ponctué de violence, d’egos qui explosent à tout rompre et d’un humour un brin sadique devenu sa marque. Pourtant, son grand retour à l’écran se fait cette année par Le Jeune Imam, un portrait « new gen » de l’Islam et d’une relation tumultueuse entre une mère et son fils. On y suit le jeune Ali, 14 ans dans l’ouverture du film, lorsqu’il est envoyé dans un village malien par sa mère après une suite de petits larcins. Il y étudie la religion islamique et ses valeurs primordiales, avant de revenir sur le territoire français une fois adulte. Une opportunité de business se présente à lui, alors qu’au même moment l’imam du quartier cherche un remplaçant. Par un concours de circonstances, c’est Ali qui devient imam, prêchant un Islam moderne qui va attirer et rassembler les curieux, notamment grâce à cette toute nouvelle exposition médiatique dont il est le centre. Ce tout jeune imam se lance alors dans une entreprise logistique et financière massive : emmener ses fidèles en pèlerinage à La Mecque.



Le Jeune Imam prend la forme d’un portrait vissé autour de son personnage principal, d’abord jeune adolescent perdu qui navigue entre les méfaits au sein de son quartier, et qui va découvrir une part de la foi qu’il ignorait jusque là dans ce village malien. Ali est un personnage foncièrement dans l’air du temps, à la fois héros gris moderne et sauveur profondément nuancé. Est-il motivé par le progrès, ou galvanisé par sa toute nouvelle exposition ? Peut-être les deux, et c’est le propos de Kim Chapiron et Ladj Ly, qui signent ensemble un scénario à différents sous-textes et plein d’humanité à l’intérieur de ce parcours ponctué d’erreurs, de joie passagère, de tentatives de réconciliation et de frénésie médiatique. Car Le Jeune Imam évoque l’Islam sous un visage malheureusement peu exposé par la fiction, alors même qu’il cherche à s’émanciper de l’image qu’en font les réseaux sociaux et les médias traditionnels. Ici, il est question d’une religion qui cherche à se connecter à son temps, à faire avancer les choses pour accompagner les évolutions de la société, évoquant une remise en question des systèmes traditionnels particulièrement intéressante tant elle se fait miroir de son personnage central.



Mais Le Jeune Imam n’est pas un portrait tout rose, il se fait aussi chute acerbe d’une quête de notoriété. Car ce ne sont pas les actes qui font l’Homme, mais les intentions. Si la mise en scène impeccable de Chapiron permet de garder un attachement à son protagoniste par une émotion distillée avec justesse, le récit se montre alors un brin impitoyable dans certains virages à la frontière du tragique pour rajouter d’autant plus de nuances à un film qui montrait déjà de grandes qualités dans le domaine. L’équilibre du long-métrage passe également par le casting du film, Abdulah Sissoko excellent en figure de proue à l’authenticité étonnante et Hady Berthe très impressionnante dans le rôle de cette mère à la force fragile.


Avec son nouveau film, Kim Chapiron propose une exploration à la modernité décapante des rapports à la religion des nouvelles générations (avec une universalité qui n’évoque pas seulement l’Islam dans les faits) et de la façon dont les intentions peuvent soit nous ériger en héros soit nous descendre au plus profond. Sous le joug d’une relation mère-fils habitée par les regrets et les doutes, Le Jeune Imam est un long-métrage convaincant sur un homme enfermé dans un rôle qui va grandir jusqu’à la chute. Mais même cette dite chute, aussi violente soit-elle, garde en elle le pardon et la foi véhiculés par ce jeune imam dont les mots dépassent l’écran.

Titre original: LE JEUNE IMAM

Réalisé par: Kim Chapiron

Casting : Abdulah Sissoko, Hady Berthe, Issaka Sawadogo…

Genre:  Drame

Sortie le: 26 Avril 2023

Distribué par : Le Pacte

TRÈS BIEN

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s