Critiques Cinéma

LES OISEAUX (Critique)

SYNOPSIS: San Francisco, 1962. Une jeune femme et un avocat entament un jeu de séduction chez un oiseleur. Afin de le revoir, elle use d’un stratagème et décide de lui livrer elle-même un couple d’oiseaux, « les inséparables ». Sur la route, elle est attaquée par une mouette. Bientôt d’étranges phénomènes liés au comportement des oiseaux annoncent un drame imminent…

Si le caractère insupportablement horrifique des comportements carnassiers des volatiles sur l’homme n’a jamais été constaté à une telle échelle dans la vraie vie des vrais gens, Sir Alfred Hitchcock s’est tout de même inspiré de la nouvelle du même nom de la romancière britannique Daphné du Maurier publiée en 1952. Mais surtout, le 18 Aout 1961, dans la ville de Capitola en Californie, des oiseaux fous foncèrent sur les toits et leurs cadavres jonchèrent ensuite les rues. Le cinéaste a tenu à lire la presse locale pour s’enquérir des détails… Le film n’a pas commencé depuis deux minutes que déjà deux événements émergent, une première nuée d’oiseaux qui attire l’air de rien et innocemment l’attention de Miss Daniels et le fameux caméo de Sir Hitchcock qui sort de l’oisellerie avec deux scottish terriers, qui sont par ailleurs véritablement les siens pour la petite histoire. Miss Daniels au volant avec sa conduite légèrement sportive et les oiseaux  » inséparables  » qui dans leur cage tournent la tête dans les virages ne peut pas ne pas nous décocher un sourire. Rien ne semble pouvoir faire obstacle à la détermination amoureuse de Miss Daniels à retrouver Mitch, sauf sans doute cette première énigmatique individuelle attaque d’oiseau. Il y a cette parade amoureuse amusante et notre attente inconsciemment sadique de la prochaine attaque de volatiles. Réside ici l’enjeu un peu fou des Oiseaux. Il y a bien sur les scènes horrifiques de pugilat aviculaire, mais surtout la suspension du temps entre chaque assaut ailé, véritable paroxysme du suspens hitchcockien. Et dans ce moment, avec le recul, les effets spéciaux qui n’en paraissent pas demeurent toujours aussi flippants même 60 ans après. Surtout quand les victimes pures et innocentes sont des enfants… Pourtant à l’époque, les effets étaient totalement novateurs, crées par l’animateur Ub Twerks dans les studios de Walt Disney.


Le film a cette grâce non pas du croisement des genres mais de son entremêlement en quelque sorte. Petite comédie romantique un tantinet niaiseuse, qui démarre avec cette histoire d’oiseaux inséparables, et la folie amoureuse de Miss Daniels qui la pousse sur un mode passionnel non rationnel à se rendre dans la bourgade de Bodega Bay. C’est ici comme un imprévu, une ligne fracturée du destin. Les autochtones dévisagent régulièrement l’intruse avec suspicion, puis comme si du haut de ses différences, elle portait en elle la pyramide du malheur avec ce choix déraisonné de sa venue. Ils la scrutent collectivement sur un mode culpabilisateur et avec une intensité à la façon là aussi d’un groupe d’oiseaux. C’est la haine de l’étranger, le refus de l’altérité. L’oiseau est un terrible prétexte à un film éminent sociologique, donc politique, et donc, c’est passionnant.


C’est l’inexpliqué surnaturel du comportement des bêtes, avec cette métaphore vengeresse de l’animal sur l’homme et le désarroi de celui-ci qui se croyait intouchable, apprivoiseur en chef. Avec cette majoration de l’innocence, quand les victimes sont des chérubins ou l’amoureuse Miss Daniels. C’est aussi une trépidation familiale et affective, entre la prédominance du matriarcat, une sœur qui voit son frère comme un père, et surtout avec l’institutrice, amoureuse de toujours de Mitch, la sage brune patiente, qui se fait voler la vedette par Miss Daniels, la blonde citadine carencée et prête à tout. Évidemment, celle-ci aura les faveurs de Mitch. Les amoureux transis sont toujours un peu les perdants !! Clairement, Miss Daniels amène avec elle son lot de névroses, et les oiseaux n’en seraient que les terribles messagers, les mortifères émanations. Métaphorique et politique, Les oiseaux est un bijou de mise en scène. Les plans sur les visages horrifiés et le tournoiement d’une caméra qui ne quitte que rarement le tailleur vert pomme de Miss Daniels. Mais surtout, au-delà des attaques d’oiseaux, éminemment spectaculaires, malgré leur caractère qui pourrait apparaître aujourd’hui archaïques, ce sont les  » moments d’avant  » qui impressionnent. Tout particulièrement, quand la nuée de corbeaux se pose sur une structure métallique face à l’école, prête au sacrifice de l’innocence. C’est ainsi une image d’une pureté expressionniste glaçante. Une image devenue anthologique.


Pas besoin de bande son angoissante, ça commence toujours par un petit cui-cui innocent, et ça finit systématiquement en boucherie… Charme du contraste, et qui autorise ce caractère inoubliable de faire ainsi tomber la figure du loup garou ou de la bête démoniaque, car oui clairement, les oiseaux, en meute peuvent aussi être des parfaits salauds… La colombe symbole de l’amour, l’hirondelle annonciatrice du bonheur, ont du plomb dans l’aile. Les oiseaux, c’est aussi la mort de l’innocence. Repérée par son réalisateur alors qu’elle tournait une pub pour une boisson diététique, Tippi Hedren est envahissante, tant Hitchcock se passionne en la maltraitant, mais aussi bien sûr aussi en la magnifiant. En tout cas sur ce film, car dans le privé, il lui fera payer de ne pas avoir céder à ses propres avances. Sacré volatile le maître du suspense !! Le scénario devient l’allégorie malaisante de leur relation en somme… Elle remportera pour ce rôle le Golden Globe de la Meilleure révélation féminine. Et dire qu’à la base, elle est militante de la cause animale. Elle se fera même attaquer par des vrais oiseaux lors de l’assaut final de la maison, choix scénaristique de dernière minute alors qu’étaient prévus des oiseaux mécaniques !! Alfred la terrifiera jusqu’au bout !! Elle est en tout cas habitée ici par son personnage, avec une interprétation névrotique totalement inoubliable. Les véritables stars du casting sont bien sûr ici les oiseaux, totalement flippants et qui incarneront parmi les pires ordures de l’histoire cinématographique mondiale… Sans velléité stérile de hiérarchiser l’œuvre hitchcockienne, sans conteste, Les oiseaux est un véritable chef d’œuvre métaphorique et de mise en scène. Sans que l’angoisse ne vous fasse frissonner de la tête aux pieds, l’effet est autre, plus profond, plus ancré et vient tellement parler de nous, oui, les oiseaux, c’est vous !!

Titre Original: THE BIRDS

Réalisé par: Alfred Hitchcock

Casting : Tippi Hedren, Rod Taylor, Suzanne Pleshette  …

Genre: Epouvante-horreur, Drame, Thriller

Sortie le : 6 Septembre 1963

Distribué par: –

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