SYNOPSIS : Catherine Cawood, mène une vie qui n’est pas de tout repos. Elle occupe la fonction d’agent de police dans le Yorkshire. Divorcée, elle élève le jeune fils de sa fille et tente de se remettre de son suicide survenu huit ans plus tôt. Alors qu’elle semble finalement reprendre le dessus, elle apprend que Tommy Lee Royce, l’homme qu’elle juge responsable de ce suicide, sort de prison ayant purgé une peine pour d’autres faits. Parallèlement, Kevin Weatherill, un agent comptable, s’allie à une organisation criminelle pour préparer le rapt de la fille de son patron Nevison Gallagher qui a refusé de lui accorder une augmentation…
Le grand retour d’Happy Valley ce 20 mars sur Canal+ (après une très longue absence, la diffusion de la deuxième saison remonte tout de même à février 2016) est l’occasion rêvée de se plonger ou de se replonger dans les deux premières saisons. Pour nous c’était une découverte et il faut le dire nous avons été rapidement conquis. Série policière britannique, Happy Valley se compose de trois saisons (un papier distinct reviendra sur la nouvelle saison) de six épisodes chacune. On peut se dire de prime abord que les saisons sont courtes mais chaque épisode dure quasiment une vraie heure, ce qui permet malgré un format en apparence léger, une véritable densité scénaristique qui s’avère tout à fait suffisante par rapport à ce que le programme souhaite raconter. Il met en scène Catherine Cawood (Sarah Lancashire), brillante policière qui ne s’est jamais remise du suicide de sa fille. Elle élève d’ailleurs son petit-fils Ryan (Rhys Connah) devenu orphelin. Enfin…la réalité est beaucoup plus sordide que cela dans la mesure où Ryan n’est pas réellement sans parents : il est le fruit d’un viol et son père, Tommy Lee Royce est derrière les barreaux. Catherine ignore que ce dernier est désormais libre, qu’il a repris des activités criminelles et que leur confrontation est imminente. C’est sur ce postulat de départ que débute la série.
Happy Valley est assez surprenante car elle évite la redite même en s’attachant systématiquement au passé. Expliquons-nous : lorsque la saison 2 a débuté nous nous attendions presque à ce que la série décide juste de mettre en scène une nouvelle enquête à suivre par Catherine, sans forcément s’appesantir sur les évènements ou certains personnages de la première saison qui semblaient clos et logiquement définitivement expédiés. C’est là où nous nous trompions, Happy Valley n’est pas un concept à part entière mais bel et bien une histoire qui se suit d’une saison à l’autre et qui a à cœur de développer les personnages introduits sur le long terme, sans en faire de banals accessoires d’écriture. C’est à la fois une bénédiction et un risque mais nous avons été agréablement surpris de découvrir cette feuille de route. Nous verrons si la saison 3 (surtout avec une vraisemblable grosse ellipse) continue sur cette voie (à priori oui vu le synopsis). Happy Valley a tout de même une » recette » qu’elle répercute à sa façon d’une saison sur l’autre : il y a une enquête primaire qui met le feu aux poudres et toujours un individu » ordinaire » qui se retrouve acteur ou moteur d’un crime ou d’une manigance qui va déraper. Comme cet employé bien sous tous rapports lors de la première saison, qui après s’être vu refuser une augmentation par son patron, décide d’aller souffler l’idée d’un rapt agrémenté d’une demande de rançon auprès d’une bande de gens sans scrupules ; groupe auquel appartient d’ailleurs Tommy Lee Royce (qui est vraiment un » bad guy » efficace il faut bien le reconnaître). L’enquête est d’ailleurs toujours liée de près ou de loin à Tommy ce qui permet à la série de rebondir sur le professionnel pour traiter des sujets personnels : c’est souvent à cet endroit que le show est sur un fil tendu, nous faisant à chaque fois craindre d’avoir écrit quelque chose de trop tiré par les cheveux ou tarabiscoté qui nuirait à la crédibilité de l’ensemble. Fort heureusement jusqu’à présent cela fonctionne plutôt bien.
Les deux premières saisons, certes complémentaires, sont finalement assez différentes dans leur approche. Elles abordent toutes les deux des sujets comme le deuil, la colère ou la haine mais la deuxième fournée s’attarde davantage sur l’aspect psychologique des choses délaissant le curseur un peu plus thriller de la première. Il faut dire que la saison 1 ne faisait pas dans la dentelle et mettait les pieds dans le plat directement : viols, passages à tabac, meurtres en pagaille y compris d’une policière (quel moment glaçant que ce passage avec la camionnette…). C’est indéniable, Happy Valley premier cru savait comment nous faire peur et nous choquer. La séquestration d’Ann (Charlie Murphy II) particulièrement glauque et malsaine amenait par la suite de grands moments d’intervention. La saison 2 joue moins sur ce tableau, délaissant des moments marquants et sensationnels de ce type, tout en étant paradoxalement moins centrée sur l’enquête criminelle mais davantage sur la vie de ses personnages pour nous parler de sujets tels que l’alcoolisme (comme ce moment où Neil (Con O’Neill) totalement ivre se donne en spectacle devant un restaurant). C’est terminé la Catherine en sang qui finit à l’hôpital en devant se faire enlever la rate. Et heureusement, Happy Valley a cette intelligence de ne pas faire dans la surenchère et de laisser ses personnages respirer, analyser les événements de la saison précédente, les ressentir, les apprivoiser, sans retomber dans un nouveau florilège de traumatismes en pagaille. Exception faite bien sûr de Catherine, certes moins malmenée physiquement mais malheureusement jamais débarrassée de Tommy Lee Royce, son Némésis parasite qui a une faculté extraordinaire pour être détesté d’elle mais aussi du téléspectateur. Manipulateur, cruel, violent, violeur, souvent en train de se victimiser, l’arc qui lui est consacré dans la deuxième saison est très intéressant : maintenant derrière les barreaux, Tommy utilise une admiratrice qu’il manipule savamment pour atteindre Catherine et son petit-fils. Une technique habile du show pour se renouveler tout en conservant les personnages introduits précédemment avec une logique humaine et rationnelle : exit les séries qui présentent tous les rouages comme des complots, qui lient leurs actions en en faisant des choses extrêmement sensationnelles (d’ailleurs l’un des gros problèmes du film Luther : Soleil déchu). Dans Happy Valley on est une petite fourmi, dans une petite ville, avec d’autres petites fourmis. Nul complot, juste des gens qui paniquent, qui veulent se faire du mal et qui y arrivent très bien.
La troisième saison, qui vient clôturer la série et qui a déjà été diffusée au mois de janvier sur la BBC arrive donc enfin en France. Nous sommes très curieux après tout ce temps de voir comment la série va une dernière fois rebondir sur la vie de ses personnages tout en nourrissant une nouvelle intrigue de fond que nous espérons intelligente. Ce qui est certain c’est que les deux premières saisons sont qualitatives et ne laissent pas indifférents, balayant des sujets sociaux avant tout, ne prenant finalement les meurtres que comme des prétextes pour parler de la nature humaine et pas l’inverse.
Crédits: Canal+