SYNOPSIS: Un chat perdu, une grenouille géante volubile et un tsunami aident un attaché commercial sans ambition, sa femme frustrée et un comptable schizophrène à sauver Tokyo d’un tremblement de terre et à redonner un sens à leurs vies.
Film d’animation écrit et réalisé par Pierre Földes, Saules aveugles, femme endormie s’inspire du recueil de nouvelles éponyme de l’écrivain japonais Haruki Murakami. Le réalisateur a choisi les nouvelles qui résonnaient en lui, sans idées préconçues. Le film a décroché la mention du jury au festival du film d’animation d’Annecy en 2022. Avant d’être tourné en animation, le film a été joué par des vrais acteurs, pour s’approcher au plus près de la vérité et du réalisme de chaque personnage, et entrer comme on plonge dans leurs respectives intériorités. Le point commun étant une forme de tremblement de terre y compris métaphorique qui vont les dévier des trajectoires prédestinées. Saules aveugles, femme endormie nous parle entre autres du pouvoir infini de l’esprit, du fait qu’au-delà d’être celui que l’on est, on peut devenir celui qu’on a choisi d’être. C’est aussi ce que disait Spinoza : » On ne sait pas ce que peut le corps, on ne sait pas. » Dans ce film d’animation autant poétique que philosophique, il nous est aussi dit que nos ennemis les plus intimes et dangereux sont bien à l’intérieur de nous-mêmes. L’ancrage pathologique de nos empêchements, l’enfouissement de nos névroses. C’est bien cette lutte à mort qu’il faut entamer pour tendre vers une réalisation de soi, non pas matérielle mais émotionnelle.
Nous sommes ici dans l’intériorité. » Je passe mon temps à imaginer la douleur, c’est pire que la douleur elle-même « . Notre façon de voir le monde devient le monde. C’est alors Frog, la grenouille géante qui cite Nietzsche : » La plus grande sagesse est de n’avoir peur de rien « . Dans ce décalage fou entre la forme et le fond, on se dit alors que tout va être possible et que pour notre plus grand plaisir, pour attaquer délicieusement notre imaginaire, le cinéaste va tout s’autoriser.
Les micros-détails dans l’animation sont assez fascinants et captivants, les hochements de tête, les haussements de sourcils, le bruit de la fumée de cigarette qu’on souffle, humanisent les personnages avec une élégance raffinée. Les techniques qui ont permis de transposer le jeu d’acteurs réels (Pierre Földes ayant lui-même joué Frog) permettent ce sidérant réalisme dans le jeu des acteurs eux animés. C’est bluffant, ça saisit, et à peine on s’en remet que c’est déjà fini. On ne s’ennuie jamais. Les dialogues sont fouillés et inventifs, la musique (écrite par le réalisateur) suffisamment discrète au rythme du moindre mouvement, du niveau sonore et de l’intensité d’une parole prononcée. C’est un peu tout ce qui passe dans le champ et en dehors qui accroche subtilement nos sens.
Dans la mise en scène, les autres sont des ombres, ces passants anonymes, ces destins que l’on ignore, ces croisements et frôlements éphémères, qui envoient le message de nos ordinaires indifférences. Cet effacement de tous les autres permet justement de donner une émotion permanente sur ce qui se passe dans chaque réplique entre des personnages eux bien vivants. Le jeu des couleurs, le sens du micro-détail, les jeux d’arrière plans, les voix feutrés, la sacralisation de chaque son, il existe d’un point de vue formel dans Saules aveugles, femme endormie comme une grâce permanente. Si le récit est parfois un peu disparate, du fait de son adaptation de plusieurs recueils de nouvelles, l’esthétisme de l’œuvre, son onirisme latent, la force de ses pensées philosophiques viennent largement en faire un film accompli, entier, qui remplit et qui nous transporte délicatement. Une œuvre surprenante, importante, évidente.
Titre Original: SAULES AVEUGLES, FEMME ENDORMIE
Réalisé par: Pierre Földes
Casting : – …
Genre: Animation
Sortie le : 22 Mars 2023
Distribué par: Gebeka Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020