La fidélité

LA FIDÉLITÉ – LES CHARLOTS / CLAUDE ZIDI

LES CHARLOTS / CLAUDE ZIDI : BAZAR COMEDY CLUB


On n’imagine pas ou mal aujourd’hui ce qu’ont représenté Les Charlots dans les années 60 et 70. Un humour subversif, complétement en phase avec la jeunesse et l’esprit de cette époque, que nos musiciens communiquaient à travers leurs chansons et leurs spectacles. Alors très populaires, il fut donc normal que le cinéma braqua ses projecteurs sur eux. Leur première aventure cinématographique se fait via Philippe Clair qui les dirige dans La grande java. Le film est un succès public mais ne trouve pas réellement grâce aux yeux du groupe qui décide de décliner la proposition de refaire un film avec le réalisateur. Pour leur prochain projet, ils choisissent de travailler avec le chef opérateur de La grande java, un certain Claude Zidi, lui donnant ainsi l’opportunité de passer metteur en scène. Selon Les Charlots, Zidi avait un peu sauvé les meubles sur La grande java et le groupe avait détecté chez ce formidable technicien un réel sens du gag. La suite leur a donné raison.

LES BIDASSES EN FOLIE (1971)


Le producteur Michel Ardan, déjà à l’origine de La grande java, propose donc, sur demande de la bande, à Claude Zidi d’écrire et de réaliser le prochain film des Charlots. A cette époque, Les Charlots sont cinq : Gérard Rinaldi, Gérard Filippelli (dit Phil), Jean Sarrus, Jean-Guy Fechner et Luis Rego. Zidi a une idée dans sa besace et veut devenir metteur en scène. Il accepte donc la proposition et ainsi va naitre Les bidasses en folie. L’histoire est simple : une bande de cinq jeunes musiciens voulant créer un groupe enchaine les petits boulots pour se payer leurs instruments. Visiblement pas faits pour le travail, nos jeunes gens sont rattrapés par le service militaire, pour lequel ils n’ont pas non plus une véritable affinité, et voient leur ascension se freiner, à moins qu’ils ne se fassent virer de l’armée. Zidi a choisi le service militaire comme point d’orgue de son histoire en partant d’un postulat efficace : le service militaire représente l’ordre, Les Charlots symbolisent le désordre, la rencontre des deux ne peut faire que des étincelles. L’auteur-réalisateur multiplie les situations décalées et privilégie un humour visuel absurde qui sied parfaitement aux Charlots. Il se dégage du métrage une fraicheur certaine, et l’esprit libertaire post 68 qui règne tout au long du film fait mouche auprès du grand public. Les bidasses en folie est un triomphe : plus de 7 millions de spectateurs se précipitent dans les salles pour s’amuser avec cette bande de joyeux drilles refusant l’autorité et ne s’épanouissant que dans la musique et l’amitié. Un triomphe qui engendra bon nombre de films de bidasses, tous calqués afin de retrouver le succès des Bidasses en folie. Zidi, lui, a une autre idée pour le prochain film avec la bande.

LES FOUS DU STADE (1972)

Le succès des Bidasses en folie amène de nombreux changements avant la mise en place du prochain film. D’abord Luis Rego quitte le groupe, ne voulant pas s’enfermer dans ce que le succès semblait dessiner pour l’avenir de la troupe. Ensuite, c’est Christian Fechner, frère de Jean-Guy, qui, avec Claude Berri, prend les rênes de la production du nouvel opus. Ici, Les Charlots troquent leurs uniformes de militaires pour maillots et shorts sportifs. Afin de reconquérir la femme qu’il aime tombée dans les bras d’un athlète, Gérard, accompagné de ses fidèles amis, rejoint la compétition olympique. Entrainés malgré eux dans une série d’épreuves, nos Charlots vont faire montre d’une réelle inventivité dans le domaine de la fourberie et la tricherie. Là encore, et même plus que dans Les bidasses en folie, Zidi multiplie les gags absurdes et enchaine les situations loufoques, le tout sur un ton enlevé et bon enfant qui fait tout le prix de ces Fous du stade. Il s’agit ici d’un des meilleurs opus des Charlots. Accompagné d’un formidable Paul Préboist lancé à leur poursuite, nos héros font une nouvelle fois l’éloge du système D, d’une certaine légèreté et de l’amitié. Le public ne s’y trompera pas en réservant une nouvelle fois un accueil triomphal au film : plus de 5 millions et demi de spectateurs suivront ces Fous du stade dans les salles de cinéma.

LE GRAND BAZAR (1973)

Les Charlots enchainent maintenant les films, laissant un peu de côté leur carrière musicale (ils signent néanmoins toutes les compositions des films qu’ils interprètent). Après un passage chez Jean Girault pour Les Charlots font l’Espagne (nouveau succès), la troupe retrouve Zidi pour ce qui sera considéré comme leur meilleur film. Si Le grand bazar continue à jouer sur le registre de la fantaisie, il plonge cette fois nos personnages dans un contexte social plus appuyé, servant d’intrigue même. Toujours peu adaptés au monde du travail, Les Charlots se font virer de l’usine où ils étaient employés et vont enchainer les petits boulots pour subsister. Dans un monde en constante évolution, ils voient leur ami Émile, tenancier d’une petite épicerie de quartier, faire face à la concurrence redoutable d’un énorme hypermarché qui s’implante devant sa boutique. Les Charlots engagent alors un combat de David contre Goliath pour sauver le commerce de leur ami. Tous les moyens sont bons et leur débrouillardise et autres astuces, toutes plus loufoques les unes que les autres, amènent bon nombre de scènes inspirées et situations désopilantes. Zidi fait une nouvelle fois preuve d’un véritable sens du gag burlesque et exploite avec bonne humeur son sujet. Il faut préciser qu’en plus de nos quatre troublions, le réalisateur a la bonne idée d’opposer un formidable Michel Galabru en épicier revanchard à un grand Michel Serrault en patron dominateur. Le grand bazar sera un succès en salle, faisant rire 4 millions de spectateurs. Il est, pour l’auteur de ces lignes, la plus grande réussite des Charlots au cinéma.

LES BIDASSES S’EN VONT EN GUERRE (1974)

Alors que Les Charlots ont tourné avec André Hunebelle Les quatre Charlots mousquetaires et sa suite, et que de son côté Claude Zidi a dirigé Pierre Richard et Jane Birkin dans La moutarde me monte au nez, le producteur Christian Fechner réunit le groupe et le réalisateur pour un nouveau film ensemble. L’aventure ayant commencé par le triomphe des Bidasses en folie, l’idée de retrouver Les Charlots en uniforme n’est pas pour déplaire à Zidi et encore moins au public. On retrouve donc nos héros en militaire pour une suite directe encore plus folle et débridée que le film d’origine. Multipliant les tentatives d’évasion, Les Charlots finissent par s’échapper de leur caserne et vont se retrouver malgré eux au milieu d’un conflit opposant l’armée à des paysans que nos héros vont défendre avec leurs sens de l’improvisation et de la débrouillardise habituels. Là encore, les gags s’enchainent sans temps morts et le film s’avère être une nouvelle réussite en son genre. Il convient de nous arrêter un instant sur un comédien qui, sans faire partie de la troupe, a accompagné Les Charlots dans pas mal de leurs délires cinématographiques pour jouer l’antagoniste. Il s’agit de Jacques Seiler, inoubliable sergent Bellec des Bidasses en folie, qui retrouve son rôle, plus étoffé, pour ces Bidasses s’en vont en guerre. L’acteur, de par son jeu et son physique, est indissociable de la réussite du film. Ici encore, on célèbre l’insouciance, la liberté et l’amitié. Même quand nos héros tombent sous le charme de jeunes fermières et finissent devant Monsieur le Maire, c’est célibataires qu’ils s’enfuient de la mairie. Les Charlots restent Les Charlots. Nouveau succès avec plus de 4 millions de spectateurs en salle. Sans le savoir à ce moment-là, le film est le dernier de la collaboration entre Claude Zidi et Les Charlots. Une aventure qui avait commencé par Les Charlots en bidasses et se termine par Les Charlots en bidasses.

Suite à une mésentente entre le producteur Christian Fechner et le groupe, après le film Bons baisers de Hong-Kong, Jean-Guy Fechner quitte la troupe et son frère Christian cesse d’être leur producteur. Claude Zidi, continuant les projets avec Christian Fechner, ne recroisera plus professionnellement la route des Charlots qui deviennent alors un trio. Le succès de ces derniers se fait moindre au cours des années 80. Zidi, lui, enchainera les triomphes avec Pierre Richard, Louis de Funès, Jean-Paul Belmondo, Coluche, Daniel Auteuil et atteindra même un sommet historique pour un réalisateur de comédie avec Les Ripoux, à la fois triomphe public et critique qui vaudra à Zidi les césar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Si les films qu’il a fait avec Les Charlots appartiennent surtout à leur époque, ils n’en demeurent pas moins d’excellentes comédies dont le ton et l’humour restent assez uniques. Incontestablement, Claude Zidi a donné au groupe leurs meilleurs films. Les Charlots ont marqué leur temps et il fait toujours bon de se replonger grâce à eux dans une forme d’insouciance et une fantaisie salvatrice.

Le grand bazar est disponible en Blu-ray à partir du 16 mars chez StudioCanal dans la collection « Nos années 70 »

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