Critiques Cinéma

LUTHER : SOLEIL DÉCHU (Critique)

SYNOPSIS: Hanté par un meurtre non résolu, John Luther, brillant policier londonien en disgrâce, s’évade de prison pour traquer un sinistre tueur en série. 

Luther. En voilà une série qui traverse les années (et qui a même eu le droit à son adaptation française sur TF1). Avec pourtant seulement une vingtaine d’épisodes (découpés sur cinq saisons) au compteur, le personnage incarné depuis 2010 (eh oui déjà) par Idris Elba ne semble vouloir quitter la police pour rien au monde. Série inégale par excellence, le show réussira tout de même, y compris lors de ses plus faibles saisons (au doigt mouillé, la quatrième est sûrement la moins bonne, en partie à cause de l’absence de Ruth Wilson), à conserver une certaine partie de l’aura qui a toujours fait son sel. Le charismatique personnage de Luther certes bien évidemment, avec son fameux manteau, sa cravate et sa panoplie de démons intérieurs, mais aussi et surtout une créativité sans borne pour nous présenter les méfaits d’un sacré tas de psychopathes, de calculateurs et de monstres en tous genres, n’hésitant jamais à repousser les limites de la sordidité. Cette fois c’est sous la forme d’un long métrage que notre policier revient ce vendredi 10 mars sur Netflix après avoir bénéficié d’une sortie en salles extrêmement limitée au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Un film Luther pourquoi pas, mais la saison 5 ne clôturait-elle pas déjà le chemin sinueux du personnage avec en outre la mort d’un pilier des premières heures ? Vu ce qu’offre le film, il y a de quoi se poser la question et plutôt deux fois qu’une.



Ce qui est délicat lorsqu’une série aussi courte que Luther s’étend sur autant d’années, c’est que notre mémoire finit par diluer un peu les souvenirs si on ne la revisionne pas régulièrement. C’est d’autant plus difficile lorsque l’on sait à quel point la série a débuté haut qualitativement, la première saison étant toujours probablement la meilleure et pour nous bien ancrée dans notre petite caboche (avec ce final incroyable et poignant sur Nina Simone). Difficile tout de même d’oublier les grands moments, certains tueurs et une poignée de personnages attachants tragiquement décédés au cours d’interventions aussi glauques que violentes. C’est ainsi que le film semble vouloir prendre la relève d’un héritage sériel en produisant une sorte de melting pot de ce qui a fait les grandes heures du show, le tout avec un budget que nous imaginons correct puisque le parti pris semble clairement d’avoir misé sur la démesure, au risque par contre de ne rien raconter du tout.




Le film a trois problèmes majeurs : il n’a rien à raconter, tout ce qu’il tente de raconter est hautement improbable et en plus il dérive tristement et systématiquement dans une surenchère gratuite qui prend plusieurs formes et qui nuit largement au bien-fondé du long métrage. Ici Luther se retrouve en prison après que bon nombre de ses agissements, commis en dehors de tout cadre légal, aient été rendus publics. Il finit donc en prison alors qu’il était tout juste en train de débuter une nouvelle enquête qui comme vous vous en doutez s’avérait particulièrement farfelue. Mais Luther n’a pas que ça à faire de rester en prison. Un tueur en série particulièrement sadique (oui, m’enfin vous me direz, vu tout ce que Luther a croisé par le passé ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces) joué par un Andy Serkis avec une coupe de cheveux improbable (un des bons points du film car il n’y en a pas beaucoup ; nous parlons bien sûr d’Andy, pas de sa perruque) a décidé de frapper fort. Ce fameux tueur enclenche un plan qu’il prépare depuis de longues années et met donc le paquet avec des cadavres à la pelle et quelques mises en scènes résolument spectaculaires et modernes afin que le film puisse jouer sur différents tableaux comme s’il mixait plusieurs tueurs en un seul pour coller au format « cinéma » (Luther dure tout de même un peu plus de deux heures). Rien ne tient debout mais pas de panique on le constate dès le début de l’histoire avec les petites aventures de Luther en prison, son évasion, sa pseudo cavale…tout en fait. C’est un grand n’importe quoi de chaque instant. Outre son intrigue aux ficelles et aux facilités tellement énormes qu’elles en deviennent aberrantes, tout est en pilote automatique, le film ne faisant que reprendre ici et là des ingrédients de la série sans grand panache ni ambition hormis celle de montrer l’argent à l’écran. A moins que l’ambition était de proposer un côté  » action  » avec le budget alloué ? Nous ne nous sommes toujours pas remis de la scène hallucinante (dans le mauvais sens du terme) où des gens tombent d’un toit, provoquant par la même occasion une panique générale assortie de multiples accidents de véhicules dans tous les sens, avec des effets spéciaux franchement peu convaincants. Que le film soit navrant est une chose, qu’il exécute mal tout ce qu’il entreprend aussi mais le pire est sûrement que rien ne légitime son existence. Le personnage de Luther n’accomplit rien ici hormis quelques faits d’armes décousus supplémentaires. Il stagne abusivement tel en fantôme au sein de son propre univers, recréant les gimmicks de ce qui a fait son succès pour au final être l’acteur et le spectateur de sa propre déchéance.



On ressort du film en ayant l’impression d’avoir mangé un fast-food à quatre heures du matin après une soirée un peu trop arrosée le ventre vide : le repas était bien meilleur théoriquement durant l’attente que durant sa consommation et on se souviendra à peine l’avoir ingéré le lendemain au réveil. Toutefois Luther : Soleil déchu, contrairement à un fast food salvateur, n’a même pas la prétention d’être utile. Il ne répond à aucune faim et il ne procure aucun plaisir, même fugace. C’est un produit bête et mal écrit qui aurait mieux fait de laisser sa série mère là où elle était : dans la paix au sein d’une retraite bien méritée.

Titre Original: LUTHER : THE FALLEN SUN

Réalisé par: Jamie Payne

Casting : Idris Elba, Cynthia Erivo, Andy Serkis …

Genre: Drame, Judiciaire, Policier

Sortie le: 10 Mars 2023

Distribué par: Netflix France

2 STARS PAS GENIAL

PAS GÉNIAL

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