SYNOPSIS : Ramsès, trente-cinq ans, tient un cabinet de voyance à la Goutte d’or à Paris. Habile manipulateur et un peu poète sur les bords, il a mis sur pied un solide commerce de la consolation. L’arrivée d’enfants venus des rues de Tanger, aussi dangereux qu’insaisissables, vient perturber l’équilibre de son commerce et de tout le quartier. Jusqu’au jour où Ramsès va avoir une réelle vision.
Nouveau long-métrage de fiction signé Clément Cogitore – qu’on connaît particulièrement pour ses travaux documentaires, Goutte d’Or nous plonge dans le quartier éponyme, captant par sa caméra-épaule et volatile un curieux et complexe personnage appelé Ramsès. Incarné par le talentueux Karim Leklou qui occupe un nouveau premier rôle plein de nuances, ce jeune voyant au don auto-proclamé reçoit dans son cabinet des hommes et des femmes de tous horizons qui cherchent à communiquer avec leurs défunts. Les affaires marchent bien et pour cause, Ramsès est très doué. A un détail près : ces entretiens sont des tours de passe-passe bien huilés et particulièrement inventifs qui donnent l’illusion à ses clients d’un fabuleux don de clairvoyance. Lorsque son cabinet se retrouve sur le chemin d’une bande de jeunes originaires de Tanger, Ramsès est embarqué dans une histoire mystérieuse qui le mène droit vers un cadavre caché sur un gigantesque chantier.
Profitant d’une mise en scène atmosphérique qui fait respirer son intrigue en laissant vivre les décors captés par sa caméra, Cogitore compose un film à l’esthétique léchée qui profite de ses aspects fantastiques pour accentuer les effets de sa narration. Si Goutte d’Or ne tombe jamais non plus complètement dans le surnaturel, il le laisse en filigrane de son récit, proposant au spectateur de croire ce qu’il veut pour expliquer ou non les tenants et aboutissants des différentes situations auxquelles fait fasse ce Ramsès. Le film plonge littéralement dans les méandres urbains du quartier de la Goutte d’Or qui lui donne son nom (et un peu plus) en laissant l’obscurité gagner grâce à une photographie aussi doucereuse que lancinante. Cette idée navigue également dans le rythme du film, dont le montage particulièrement elliptique décontenance souvent en n’offrant pas toujours les réponses qu’on attend dans ce genre de récit.
Mais Goutte d’Or, malgré sa rugosité et ses non-réponses, témoigne surtout d’une proposition intéressante, s’échinant à rester centrée dans la psyché de son personnage principal et de sa morale ambigüe, qui permet de s’attacher profondément à lui – sentiment que l’on doit aussi énormément à la force de caractère et à la fragilité épatante de Karim Leklou. L’interprétation de son casting nourrit habilement l’ensemble du film en l’étoffant d’un naturel et d’une complexité rafraîchissante ; on y trouve et retrouve Ahmed Benaïssa, Elsa Wolliaston, Jawad Outtouia, Malik Zidi et Elyes Dkhissi.
En proposant une aventure lancinante dans les rues nocturnes de Paris qui recèlent de fantômes et d’esprits en tout genre qu’on ne voit jamais à l’écran, Goutte d’Or est un long-métrage aussi riche et mystérieux qu’impénétrable. L’aspect laconique de sa mise en scène, si elle permet élégamment la mise en relief de ses protagonistes et de ses thèmes centraux, s’avère être le défaut principal du film, se fragilisant lui-même par ses non-décisions. Pas paresseux pour autant, Goutte d’Or décontenance autant qu’il trouble dans ses contours fantastiques et ses traitements de la croyance et du mensonge au centre de tout. Un long-métrage peut-être pas passionnant, mais définitivement intriguant.
Titre Original: GOUTTE D’OR
Réalisé par: Clément Cogitore
Casting : Karim Leklou, Malik Zidi, Yilin Yang …
Genre: Drame
Sortie le: 1er mars 2023
Distribué par: Diaphana Distribution
BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020