SYNOPSIS : Chaque année, Barbara et Johnny vont fleurir la tombe de leur père. La route est longue, les environs du cimetière déserts. Peu enclin à prier, Johnny se souvient du temps où il était enfant et où il s’amusait à effrayer sa sœur en répétant d’une voix grave : « Ils arrivent pour te chercher, Barbara. » La nuit tombe. Soudain, un homme étrange apparaît. Il s’approche de Barbara puis attaque Johnny, qui tombe et est laissé pour mort. Terrorisée, Barbara s’enfuit et se réfugie dans une maison de campagne. Elle y trouve Ben, ainsi que d’autres fugitifs. La radio leur apprend alors la terrible nouvelle : des morts s’attaquent aux vivants.
Autant film politique que d’épouvante, du fait de passionnants prismes radicaux et raciaux, La nuit des morts vivants de Georges A Romero serait inspiré selon son réalisateur du roman Je suis une légende (1954), de Richard Matheson. Il est le premier volet de la saga des zombies allant jusqu’à 2010. C’est typiquement du cinéma indépendant pour un film à micro-budget, construit artisanalement et caméra sur l’épaule, ce qui avec le recul (et même sans) en rajoute à son charme fou. 114 000 Dollars de budget pour une recette de 5 millions au final !! Le genre Zombie est lancé. S’il fut ultra-traumatisant et parfois accablé à sa sortie, il est légitimement et logiquement devenu culte et anthologique, comme souvent les œuvres d’avant-garde. Avec tout ce qui s’est développé depuis dans l’univers de l’horrifique, devant les fondamentaux et clichés de Barbara, la blonde qui court, qui tombe (souvent quand même…), pour s’échapper des griffes d’un mort-vivant très méchant, on pourrait presque avoir envie de rire nerveusement… Et pourtant non, même quand elle attrape un couteau, avec une musique flippante, des plans sur les têtes d’animaux empaillés, le fameux tant recherché frisson parcoure totalement nos petits corps transis d’effroi de la tête au pied. Et c’est ça qu’on veut !!
Les déplacements en mode automates stéréotypés des morts-vivants sont un classique, chaque seconde devient un classique et plus ça avance, plus on flippe. Avec un sang en noir et blanc du meilleur des effets. Le rouge devient noir… Ce qui est assez jouissif est que même si les effets spéciaux n’en sont pas vraiment, on est presque toujours autant impressionnés et terrorisés. Toujours cette force indélébile et justement très immortelle des grands films. Barbara est la plus mort-vivant des vivantes… Sa sidération est telle qu’elle se déplace mécaniquement comme ceux qu’elle cherche justement à fuir. Quand Johnny déconnait en mode « Ils vont venir te chercher Barbara« , il ne croyait pas si bien dire. Judith O’Dea est alors tout en surjeu hystérique en bonne potentielle victime expiatoire. Sa pâleur contraste avec son statut de putative royal steak tartare pour les zombies affamés.
La radio qui relate des attaques dans tout le pays parle d’un « vrai grabuge ». Langage tellement châtié et décalé pour décrire l’attaque planétaire des morts-vivants. On se régale. Pendant ce temps-là, le valeureux Ben au sang pour le moment chaud, installe un huis-clos et se barricade avec Barbara qui n’en finit pas d’être prostrée. Il s’anime autant qu’elle s’éteint. Elle est autant morte que lui est vivant et franchement les deux nous épuisent même si on les comprend totalement !! Vous sortirez délicieusement lessivés de La nuit des morts vivants. La voix à la radio est lancinante. Elle intime et implore à tous : « Restez chez vous !!« . Bon, heureusement que Ben est là pour tout barricader, trouver un fusil, de la nourriture, mettre la radio, car Barbara à part pioncer sur le canapé, n’est pas super pro-active. Damned !! La balle du fusil ne fait que les faire reculer. On crie devant l’écran « Vise la tête Ben !! », tout expérimentés que nous sommes de l’extermination de zombies. Comme ici, ils se déplacent encore moins vite que dans The Walking Dead (2010/2022), et pas du tout comme dans The last of us (2023), on se dit que Ben et compagnie ont quand même une petite chance… Toute la question stratégique est de savoir si on se protège dans la cave, avec une seule porte hyper cadenassée, mais quand même un peu trou à rats, qui pourrait finalement servir de Drive-In aux affamés mordeurs. Ou dans la maison avec évidemment plus d’accès pour sortir, mais donc aussi pour rentrer !! Le débat fait rage, choisis ton camp camarade !! On en aurait presque oublié Barbara. Ha, ben elle a juste changé de position sur le canapé. Ben a trouvé une télé pendant que Mister Cooper ne fait rien d’autre que stresser tout le monde. Il formule des hypothèses toutes à côté, mais profitant finalement des bonnes idées des autres. Nous on a juste envie d’être Ben. On se dit que si un-e- doit s’en sortir, c’est bien lui ! Ben, le noir, à qui il est si difficile de faire confiance pour le patriarche américain plus que moyen Cooper. La dimension raciale est omniprésente dans un film tourné à la fin des années 60, en pleine guerre du Vietnam, et avec une ségrégation encore existante un an avant. La toute (toute) fin du film vient clairement renforcer le message hautement politique voulu par Romero.
Ce qui devient flippant est finalement bien plus ce qui se joue à l’intérieur de ce huis-clos mortifère, que la centaine d’automates aux dents qui claquent dehors. On en arrive toujours un peu à la même conclusion, que face à l’irrationnel et l’abomination, le plus dangereux, c’est parfois les vivants. Oui l’homme est un loup pour l’homme, évidemment. Dans La nuit des morts-vivants, peut-être pour des raisons budgétaires (ou pas…), les ressemblances physiques entre les zombies et les hommes ne sont pas que le fait du hasard. Le geste cinématographique est aussi politique. On devine quand même que quand Barbara va se lever du BZ, et que Cooper va commencer à la fermer et s’acheter du courage, c’est que les affamés seront passés à l’action. On adore aussi le couple Judy et Tom, mais la caméra insiste trop lourdement sur leur joli lien pour que au moins l’un-e- d’entre eux ne finisse pas en chair à pâté et ça, c’est pas très cool. Le plan millimétré est calé pour rejoindre un centre d’urgence rapidement, en s’échappant de la maison grâce au camion. Reste à organiser la sortie avec le plus gros chantier en vue… Faire lever Barbara du clic-clac… Ce dernier regard plein d’amour entre Judy et Tom ne présage rien de très sécurisant pour la suite. Suite qu’on ne va quand même pas vous raconter, car le barbecue final se délecte devant le grand écran. Orgie de viandes crues ? Happy End ? Un peu les deux ? La seule certitude est qu’on ne saura jamais si le canapé était finalement convertible… Judith O’Dea est parfaitement insupportable comme doit l’être Barbara !! Son interprétation est un modèle du genre de la typique proie des avaleurs de chair. Duane Jones est un Ben héroïque, hyperactif et totalement investi dans un rôle sur mesure. Karl Hardman incarne à lui seul la lâcheté dévolue au personnage atroce de Cooper. La nuit des morts vivants, ou l’allégorie des américains qui se bouffent entre eux… Un vrai plaisir, un moment culte de cinéma.
Titre Original: THE NIGHT OF THE LIVING DEAD
Réalisé par: George A. Romero
Casting : Duane Jones, Judith O’Dea, Karl Hardman …
Genre: Epouvante-Horreur
Sortie le : 21 Janvier 1970
Reprise le : 22 Février 2023
Distribué par: Les Acacias
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Catégories :Critiques Cinéma, Les années 60