SYNOPSIS: Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs mais aussi la pause déjeuner où l’on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c’est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec… Comment ces policiers parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leurs vies privées et la réalité à laquelle ils sont confrontés, tous les jours ? Fred, l’écorché du groupe, aura du mal à supporter le regard de Melissa, mandatée par le ministère de l’intérieur pour réaliser un livre de photos sur cette brigade.
Rarement une immersion n’aura autant frôlé la perfection. Quel grâce et quel génie de la réalisatrice Maïwenn, avec l’aide de l’amie sublime et enragée Emmanuelle Bercot au scénario, d’avoir avec une telle virtuosité disséqué les abimes et la lumière de ces flics, dans le chaos de l’impact de ce quotidien si brulant et violent sur leur vies persos, et de nous avoir percé le cœur de ces histoires bouleversantes des enfants qui vont grandir trop vite, bien trop vite.
« Papa, il me gratte les fesses ».
« Mais c’est au-dessus ou en dessous du pyjama ? «
On est tout de suite au cœur du sujet, dans l’impensable, le pire. Tout Polisse va être sur ce rythme, la parole des enfants face aux doutes et aux émotions des membres de la BPM. Tous les jours, ils vont se confronter, se coltiner des mots interdits de grands dans la bouche d’enfants, à l’innocence scarifiée sur l’autel de l’abject. Ils feront aussi face parfois à la sincérité, mais très souvent au cynisme des agresseurs présumés. Ils passent d’une histoire à l’autre, avec des petits anges à qui l’on brise l’auréole. A vous retourner le bide, mais surtout en ne détournant pas le regard. C’est aussi régulièrement des ados inconscients de l’usage de leurs corps.
Dans Polisse, les mots sur les maux sont au cœur de la vérité du quotidien ordinairement héroïque de ces fonctionnaires souvent déconsidérés par les autres brigades et très peu soutenus par une institution déconnectée, indifférente autant qu’incompétente. La vérité et la violence des mots. Un grand-père incriminé par sa petite-fille qui honteusement ose questionner ainsi : « Les enfants ont toujours raisons alors ? « . La défense du faible. Banale et sale. C’est aussi les mots hilares face à une jeune peu dans l’élaboration, c’est un euphémisme, car elle « suce pour un portable. Mais c’était un beau portable quand même » justifiera-elle. Fred lui demandera « Tu fais quoi pour un ordinateur ? « . Colère, pleurs ou rires, tout le temps face à l’irrationnel, l’irréel, c’est les nerfs qui lâchent et c’est terriblement et ordinairement humain. Ils y mettent leurs tripes, leurs cœurs, leurs corps, plus qu’un collectif, c’est une famille. C’est la vie, ils ne peuvent pas tricher, ils se donnent tout entier et sont magnifiques ces petits humains tellement ordinaires. Magnifiques, charismatiques, solaires.
C’est tout le temps cet ascenseur émotionnel. C’est le pas de places en foyers d’hébergements, alors on sépare mère et enfant et c’est normal. Les cris de ce petit bouleversent et vous poursuivent même des années après. C’est aussi l’absence de voitures de service pour aller chercher un bébé en danger immédiat : « On doit couvrir Belleville, on a deux bagnoles !! « . Une fois ce bébé sain et sauf, les névroses exacerbées de flics vont trouver leur défouloir dans cette scène anthologique de boîte de nuit avec un Joey Starr plus félin que jamais, et une équipe, une chorale, la famille au diapason, sur les sons léchés de Keedz et d’Urban Species. « Parce que vous, vous vous sauvez les enfants du monde entier !! « Engueulade de couples, ironie bien sentie. Leur engagement, c’est de la poésie ordinaire, la satisfaction du devoir accompli, le sens du devoir et de l’intérêt général. La mission est sacrée autant que les moyens pour la mener sont dérisoires, comme tout ce qui concerne la protection de l’enfance dans un pays, qui dit sa maladie au regard de la façon dont elle traite les plus vulnérables. Édifiant et glaçant.
Ce qu’ils font est complexe, c’est dur car c’est vrai, et toute la force de Polisse est simplement là. Et cette chorale folle de talents qui compose le casting. Toutes et tous inoubliables, toutes et tous tellement humains, toutes et tous des étoiles. Ils sont habités, possédés et se donnent tout entier à leurs personnages. Qu’il s’agisse de Karin Viard touchante de crise permanente, Marina Foïs inoubliable dans la violence de toutes ses douleurs, Nicolas Duvauchelle puissant de vérité et d’esthétisme, Emmanuelle Bercot toujours irradiante et à fleur de peau, Karole Rocher en finesse et en amour, Frédéric Pierrot criant d’authenticité, et tous les autres Arnaud Henriet, Naidra Ayadi, Jérémie Elkaïm, bien sûr Maïwenn elle-même et bien sûr Joey Starr himself… Et comment ne pas finir par lui, qui au milieu de cette constellation, brille comme jamais par une rage, une présence, un charisme électrisant. Il se dégage de tout son être, une animalité d’une sensibilité à couper au couteau. Il est inoubliable, il est Fred, ou plutôt Fred, c’est Joey. Polisse, grand film d’utilité publique et grand film de cinéma à la fois. Ne pas détourner le regard, et tout faire pour ce qu’il y a de plus beau, de plus grand, pour les plus belles personnes que l’on croise dans nos vies : les enfants. Et juste, mais juste, qu’ils le restent, car à jamais, rien ne vaut l’insouciance.
Titre original: POLISSE
Réalisé par: Maïwenn
Casting: Karin Viard, JoeyStarr, Marina Foïs…
Genre: Drame
Sortie le: 19 Octobre 2011
Distribué par : Mars Films
CHEF-D’ŒUVRE
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2010