SYNOPSIS: Ce documentaire se divise en 7 épisodes d’une durée respective de 52 minutes, chaque segment reflète les problèmes politico-culturels de l’Inde.
Programme :
EP 1 – La caméra impossible
EP 2 – Choses vues à Madras
EP 3 – La Religion
EP 4 – La tentation du rêve
EP 5 – Regards sur les castes
EP 6 – Les Étrangers en Inde
EP 7 – Bombay
Pendant quatre mois, au début de l’année 1968, Louis Malle va filmer en Inde, avec simplement une équipe de trois personnes. Au départ une fuite pour le réalisateur, puis finalement du cinéma ethnologique d’un artiste à l’insatiable gourmandise de l’autre. C’est évidemment une plongée, mais ce qui touche ici, est l’humilité des grands, que va déployer tout au long des sept épisodes le réalisateur d’Au revoir les enfants (1987), Ascenseur pour l’échafaud (1958) et tant d’autres morceaux de bravoure du cinéma hexagonal. « Notre caméra est une arme » prévient Louis Malle dès le premier des sept épisodes que compte l’Inde fantôme. Cette assertion va guider les pas du cinéaste et les nôtres, tout au long de cette plongée anthropologique dans le quotidien d’un continent tellement multiple, coloré, forcément complexe et puissamment poétique. Une folie de la foule que le cinéaste commente avec emphase, émotions et une sensibilité que l’on pourrait presque effleurer tant il la fait vivre. Tout au long des sept épisodes, souvent des longs silences, avec seulement le son des images, tant Louis Malle respecte son sujet, tant il cherche avec une sidérante finesse la vérité de ce qu’il nous montre. C’est une authentique immersion, comme finalement il en existe peu.
Louis Malle nous parle d’impudeur, une impudeur tellement plus forte que celle qui existe déjà pour les films de cinéma qu’il connaît tant : « Notre caméra est une arme« . Le décalage dans le mode de vie est tel avec les codes occidentaux. Ainsi, le cinéaste part du postulat de ne pas scénariser son documentaire, mais de capter des moments, des ambiances, la vue, la vie. Peu de mots, beaucoup d’images : « Ils dansent, je les filme, c’est tout« . L’œuvre d’humilité est totale. Louis Malle voit les yeux. Les regards qui fixent, incrédules, la caméra de Malle. Ces regards seront le fil conducteur, c’est la caméra qui est regardée, le paradigme qui est ici inversé. Le spectacle devient le filmeur. L’image raconte tout. Rarement une caméra n’aura été autant pudique et humble. Malle se décrit comme un occidental avec une caméra donc « deux fois occidental« . Il se questionne sans arrêt sur sa place, sa légitimité auprès d’eux. La démarche est humaniste, anthropologique, le dérisoire devient événementiel, et comme il se passe toujours quelque chose en Inde… L’inde n’appartient qu’aux indiens, et nos vaines tentatives occidentales confinent très souvent à la superficialité.
C’est ici l’antithèse des photos et tableaux dans nos boutiques contemporaines de déco avec ces femmes à la peau brunie, point rouge sur le front, robes colorées, dans un contraste de lumière entre terre sableuse et soleil saillant. Une déviance sauce post-colonialisme plus ou moins inconsciente qui tapissent nos bureaux, nos lieux de vie. C’est l’esthétisme sans le sens. Ici, c’est tout l’inverse, d’abord le sens, et forcément tout devient beau, mais ce n’est précisément pas ce qui est recherché, et c’est justement en cet endroit que tout devient sublime. Y compris dans l’épisode 2, quand le grand Louis Malle filme le cinéma Indien, dans toutes ses outrances, incohérences et caricatures, tout en lui déclarant une forme de respect et d’amour.
Louis Malle explique dans son regard d’esthète que son envie d’être là, de filmer ces histoires, commence pour lui par un besoin de fuite, et qui va finalement devenir une quête. Sa sensibilité, son authenticité est bouleversante. Alors, tout ce qu’il va nous montrer dans son voyage initiatique transpire le vrai et le fort. C’est comme une déambulation hagarde et philosophique. De la danse mère Baharata Natyam, à la dimension spirituelle, religieuse, sociologique, culturelle et politique. Cette danse fondatrice et organique, c’est toute l’Inde dans ses entrailles les plus profondes qui se déploie dans le rétablissement « d’une liaison entre l’instant et l’éternel« . La danse est alors l’expression suprême de l’Hindouisme, le dialogue avec Dieu. La gestuelle, les regards sont saisissants. Ces danses ne s’oublieront jamais pour les cœurs purs. Malle se tait, nous aussi, on est comme touchés par la grâce. Tout va être comme ça tout au long des sept épisodes. Chaque scène devient un film. La mise en scène se construit au gré des rencontres, sans calcul, juste l’envie de comprendre, puis de conter et enfin de partager. Vous regardez, vous êtes en Inde. La caméra se perd longuement avec la même intensité aussi bien sur un jeune prêtre qui accomplit le rituel de l’eau, avec des chants déchirants, que dans des interviews au bas mots pittoresques, au bord de la satire, d’un couple de ministres, elle communiste de gauche, lui communiste de droite… Oui en Inde, décidément tout existe… « Ça a été comme un lavage de cerveau. A la fin d’un voyage en Inde, on ne sait même plus si deux et deux font quatre ». C’est presque pareil à la fin du visionnage, au-delà d’une pure expérience cinématographique et documentaire, on en sorts épuisés un peu, encore plus humain beaucoup.
Titre original: L’INDE FANTÔME
Réalisé par : Louis Malle
Genre: Documentaire
Sortie le: 25 Juillet 1969
Reprise le: 8 février 2023
Distribué par : Malavida Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 60