SYNOPSIS: En 1986, à Melbourne, un reporter débutant et une présentatrice en quête de reconnaissance s’allient pour trouver leur place dans un monde en mutation.
Cette semaine nous arrive tout droit d’Australie une série tout à fait rafraichissante qui se déroule dans les coulisses d’un journal télévisé durant les années 1980. Depuis sa première diffusion en 2021 on peut dire que le programme aura mis son temps pour arriver jusqu’à nous, qui méconnaissions d’ailleurs totalement son existence. Portée principalement par Anna Torv (à l’affiche ces dernières semaines des trois premiers épisodes de The Last of Us) et Sam Reid (qui joue dans la série Interview with the Vampire sur laquelle nous avons très envie de nous pencher), la série explore ses personnages au travers de l’actualité de l’époque. Pas racoleuse pour un sou (on ne tirera pas à nouveau sur Stranger Things même si c’est toujours tentant), cette première saison arrive à trouver un juste équilibre entre la profession de ses personnages et leur psychologie, ce qui n’était franchement pas évident eu égard au parti pris de situer l’histoire dans un tel contexte. Ambitieuse, Profession : reporter l’est incontestablement : elle s’attelle à revisiter l’actualité de son époque tout en faisant preuve d’une extrême humanité. Dès le premier épisode nous nous retrouvons happés dans un récit dynamique, amusant, touchant et plutôt instructif pour celles et ceux qui comme nous n’étaient pas forcément né(e)s à l’époque des faits d’actualité dépeints dans le show (même si tous sont assez connus, certains évènements le sont plus que d’autres). En ressort une superbe pépite qui s’avère pour nous être un véritable coup de cœur doublé d’une sucrerie feel good dont on se retrouve à enchaîner les six épisodes avec un plaisir non dissimulé.
Dale (Sam Reid) est un jeune reporter tout en bas de l’échelle. Tandis qu’il rêve de s’imposer au sein de la rédaction et ne lésine pas sur l’investissement personnel à fournir pour y arriver, il découvre rapidement que le chemin sera semé d’embûches mais aussi de hasards qui pourront lui donner un coup de pouce, souvent au détriment des autres. Toutefois Dale est une belle âme, un jeune homme droit dans ses bottes qui va davantage « subir » ces fameux coups de chance plutôt que de les provoquer. Helen (Anna Torv) est quant à elle la présentatrice vedette du journal télévisé aux côtés de Geoff (Robert Taylor II) un vieux briscard à l’égo surdimensionné, qui n’accepte pas que le monde change autour de lui et qui préfèrerait mourir que de partir à la retraite. Pourtant Lindsay (William McInnes), le grand manitou du journal à la solde du PDG, a justement l’ambition de se débarrasser de Geoff tout en rendant la vie de ses autres collaborateurs assez turbulente du fait de ses nombreuses colères et de son impulsivité naturelle. Ces personnages (mais aussi les autres) ont tous un point commun : ils jouent un rôle. Au sein de la rédaction certes mais aussi dans leurs vies respectives. Dale vit dans le mensonge et semble enfouir beaucoup de choses en lui, Helen souffre de gros problèmes psychologiques, Geoff refuse de disparaître, lui qui a fait les belles heures de la chaîne tout en vagabondant à l’étranger dans des pays en guerre, et Lindsay n’est pas si méchant qu’il en a l’air. La série jongle beaucoup avec ces éléments, notamment via le personnage d’Helen qui se retrouve plusieurs fois à présenter le JT d’une façon extrêmement professionnelle, incarnant l’image que veulent contempler les téléspectateurs, avant de fondre en larmes ou en crise de nerfs durant la coupure, puis de reprendre une posture impeccable, tout ça en l’espace de quelques secondes. Un régal que nous devons à une Anna Torv hallucinante et bourrée de talents. Sam Reid apporte lui aussi son talent, et il n’en manque pas : avec ses faux airs de Michael C. Hall, Reid incarne un Dale extrêmement touchant et vulnérable qui ne veut faire que le bien autour de lui, tout en jouant le rôle qu’on attend de lui. La rédaction ne serait toutefois pas la même sans la galerie de personnages et d’interprètes superbement qualitative qui gravite autour des rôles principaux. Stephen « Steve » Peacocke joue Rob, un passionné de sport qui se retrouve malgré lui à la présentation des flashs télévisés, une position en or pour beaucoup mais lui ça ne l’intéresse pas ; Michelle Lim Davidson est Noelene l’une des petites mains (adorable, volontaire et talentueuse) de la rédaction qui soutient à sa façon le moral des troupes en ne comptant pas ses heures pour accompagner toutes celles et ceux qui en font la demande à une époque où les recherches ne se faisaient bien entendu pas via internet ; Chai Hansen est Tim, le caméraman qui accompagne Dale dans presque tous ses tournages et qui ne cache pas son attirance pour le jeune reporter. N’oublions pas Chum Ehelepola alias Dennis qui fait la pluie et le beau temps au sein de la rédaction sous les ordres de Lindsay et qui est un autre bel exemple au sujet des apparences trompeuses : ultra speed, autoritaire et détaché (en apparence) des sentiments de ses collègues, il est écrit et joué tout en subtilité et se présente rapidement comme une pièce incontournable des rouages de la machine. C’est d’ailleurs ce qui est rare : tous les personnages de la série sont précieux et lorsque Lindsay pousse une gueulante et vire tel ou tel protagoniste sur un coup de tête, on en vient à craindre de perdre l’un d’entre eux pour de vrai. L’écosystème du show fonctionne donc grâce à chacune et chacun des membres de son casting et aucun(e) n’est interchangeable.
Tout ce petit monde demeure le véritable centre du show, chaque occasion étant une opportunité de les approfondir un peu plus, l’actualité en premier lieu. Chaque épisode se concentre ainsi sur un fait véridique afin d’y confronter les personnages mais aussi de montrer leur fonctionnement pour obtenir et vérifier des informations à une époque où tout était beaucoup plus lent et nécessitait un investissement d’autant plus exacerbé pour être au bon endroit au bon moment. L’accident de la navette spatiale Challenger, la comète de Halley, l’affaire Azaria Chamberlain, l’attentat de Russel Street, l’émergence du sida ou même la catastrophe de Tchernobyl sont autant de faits d’actualité retranscrits (notamment via des images d’archives) qui mettent la rédaction en ébullition. C’est à ce titre passionnant et sans temps mort, les reporters étant toujours sur un fil tendu à courir partout, bricoler des textes à la dernière minute, improviser des duplex ou des émissions spéciales en faisant croire qu’ils sont experts d’un sujet qu’ils ont pourtant découvert une heure auparavant…on adore, tout simplement.
Renouvelée pour une seconde saison qui devrait débarquer cette année, Profession : reporter, joli succès en Australie mais méconnue dans nos contrées, n’est ni plus ni moins que l’une des meilleures séries visionnées ces derniers mois. Un casting incroyable, des personnages attachants (tous, sans exception) qui ont tous leurs travers et leurs bons côtés, une ambiance aussi immersive qu’originale, une actualité revisitée de l’intérieur…c’est savoureux et brillamment exécuté. Nous nous languissons déjà de la future saison 2 qui sera, nous l’espérons, elle aussi disponible sur Arte. En attendant commencez déjà par visionner cette première livraison, dès ce soir (ainsi que la semaine prochaine) sur Arte ou (vous commencez à avoir l’habitude) sur arte.tv
Crédits: Arte