SYNOPSIS: Liza subit un choc, quand, lors d’une croisière en compagnie de son mari, elle croit reconnaître parmi les passagers une jeune femme, Marta, ex-détenue du camp d’Auschwitz où elle était surveillante SS. Liza, dont le mari ignore cette partie de sa vie, se souvient de son passé terrifiant. Ce sont d’abord des fragments en vrac qu’elle arrange afin de construire un récit à l’intention de son mari, et dans le but de se justifier, mais peu à peu la véritable histoire se reconstitue.
La Passagère, dernier film de Andrzej Munk, est l’adaptation d’un récit radiophonique, La Passagère de la cabine 45 enregistré en 1959 par Zofia Posmysz, une écrivaine et scénariste polonaise détenue au camp de concentration d’Auschwitz, puis de Ravensbrück. C’est la dernière œuvre de Munk décédé avant la fin du tournage en 1961, dans un accident de voiture. Le film sera terminé par des amis, entre autres le réalisateur Witold Lesiewicz, qui par le biais de photos, s’échineront à faire vivre les moments au cœur de la croisière. Le préambule suivant accompagne le début de La passagère à propos de l’achèvement de ce dernier film de Andrzej Munk : « Nous n’essayerons pas de trouver la réponse qu’il cherchait, nous reposerons simplement sa question. » Dans les rangées de femmes prisonnières des camps, toujours ces mêmes regards… Le vide, le désespoir, l’injustice, la disparition de l’être… Ces regards qui sont à jamais le miroir de la barbarie, de l’ignominie, de la honte. Tout de suite, on est pris par le grain de ce noir et blanc, et par la force de tous les plans. On devine d’emblée qu’en terme de réalisation, nous sommes face à un maître. Chacun de ces plans est captivant, chaque arrière-plan a une importance folle. Sur à peine une heure de film, chaque image, souvent statique va être rare, forte et sans doute déjà inoubliable. Cette fumée de la mort qui sort des hangars. Elle porte le poids de l’atrocité. Puis, des enfants pénètrent ce hangar, une petite d’entre elle caresse le berger allemand à l’entrée. Quand la pureté de l’innocence se fracasse sur l’horreur absolue. Nous, on crie et on pleure à l’intérieur.
Au cœur des ténèbres, un poème amoureux : « Comme c’est bien que tu existes »… La relation que Liza a imposé à Marta est frappée du sceau de l’ambigüité. Elle peut finalement la faire exécuter quand bon lui semble, mais elle préfère essayer de la posséder, jouant ici d’un plaisir quasi sadique, dégueulasse. Elle profitera de l’amour de Marta à son fiancé pour exercer cet odieux et vicieux pouvoir. Sa fascination est comme morbide, comme une forme de jalousie du bourreau à sa victime. A son fiancé américain, Liza dira qu’elle a protégée Marta. Elle enjolive ou n’assume pas, peu importe finalement. Demeurent les faits, et ils sont répugnants. Au cœur de la tragédie, de ces corps affamés et difformes, Liza s’amuse à vouloir dompter Marta. Comme une mise en abyme de l’abomination.
Ana Ciepielewska incarne une Marta dont le regard nous perce à travers la caméra de Munk et pourrait vous décrocher des larmes, tant son intensité est totale. Nous sommes face à un ange qui se fait torturer psychiquement par Liza, et physiquement par tous les autres salauds. Son jeu est tel que sa présence restera dans vos têtes. Aleksandra Slaska réussit la prouesse de la crédibilité dans ce rôle de gardien de l’enfer, qui se tient droite, sans le bruit des bottes, car celles-ci côtoient la boue du camp.
Entre l’obscénité de son autorité et son ambition de se rapprocher des hautes sphères, elle fait également passer la complexité de ses émotions, quand elle est face à Marta. Là aussi, vous ne l’oublierez pas de sitôt. La passagère vient largement s’ajouter à la longue liste des œuvres qui filment les camps de concentration dans la terrifiante vérité que l’on sait. L’histoire de Marta et Liza au cœur de ce charnier est prenante, bouleversante, on est figés, c’est du très grand cinéma, indispensable.
Titre original: PASAZERKA
Réalisé par : Andrzej Munk, Witold Lesiewicz
Casting: Anna Ciepielewska, Aleksandra Slaska, Jan Kreczmar …
Genre: Drame
Sortie le: 25 Janvier 2023
Distribué par : Malavida Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 60