SYNOPSIS : Une histoire d’amour et de fantômes.
L’amour, pour un enfant, c’est comme un fantôme. Un mythe perpétué par les films et les séries qui n’apparaît qu’aux yeux des autres – ou du moins à ceux qui y croient suffisamment. C’est le sujet du premier long-métrage de Charlotte Le Bon, qui signe avec Falcon Lake une chronique envoûtante du passage à l’adolescence, du temps qui fait naître la solitude en même temps que les regrets et d’un amour naissant sur les rives d’un lac. Le film prend place dans une province canadienne, au bord du mystérieux et brumeux Falcon Lake qui, selon Chloé, 16 ans, est le lieu d’apparition du fantôme errant d’un jeune homme décédé dans d’étranges circonstances dans les eaux du lac. Bastien, 13 ans bientôt 14, vient passer des vacances avec ses parents et son petit frère Titi, dans la maison d’une famille d’amis. Leur fille, la fameuse et fascinante Chloé, attire vite l’attention du jeune Bastien. Une relation se tisse, au milieu de fêtes, de discussions existentielles, de traumatismes à confronter, de défis à relever et de destinées dramatiques… Pour son premier long-métrage, la comédienne Charlotte Le Bon adapte très librement avec son co-scénariste François Choquet la bande-dessinée de Bastien Vivès Une Sœur, en lui apportant cette dimension onirique et son histoire de fantômes lancinante et surréaliste. La metteuse en scène monte un film d’une pureté magnifique, épuré à l’extrême des artifices du teen-movie cliché pour capter l’essentiel du récit de ce jeune garçon aux abords de l’adolescence et de ses remous. Avec une précision chirurgicale et une approche sentimentale qui touche le sublime, Charlotte Le Bon dessine avec un cœur gros comme ce lac et complexe comme les relations sociales un coming-of-age movie somptueux à l’atmosphère frissonnante. En utilisant la force du format 4:3 et la photographie granuleuse et incarnée de Kristof Brandl – qui ne va pas sans évoquer la beauté formelle de A Ghost Story de David Lowery – Falcon Lake s’émancipe des classiques du genre pour rendre tant d’hommages aux mythes fondateurs de l’horreur et du surnaturel au cinéma.
Charlotte Le Bon place avec un très beau dosage les références à ses inspirations pour dresser son histoire de fantômes (jamais présents, mais hantant pourtant chaque plan du film de leur tristesse). Et c’est même devant un extrait de l’animé L’Attaque des Titans que la réalisatrice amène une des plus jolies trouvailles narratives du film : si dans le manga d’Hajime Isayama le héros Eren a le pouvoir de se transformer en un Titan surpuissant en se mordant la main jusqu’au sang, il est théoriquement impossible pour un homme dans la vraie vie de se faire saigner de cette façon. Et en guise d’exploration de leurs propres corps et d’expérience sociologique, Bastien et Chloé vont passer le film à tenter de se transformer à leur tour. Pour devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus fort, comme Eren.
Sur une bande-originale magnifiquement planante composée par Shida Shahabi, accompagnant l’ambiance fantomatique du film et ses thématiques profondément adolescentes, Falcon Lake brille surtout par les incarnations somptueuses de son casting, lequel est porté par le merveilleux duo Joseph Engel/Sara Montpetit. L’un en opposition face à l’autre pour mieux les lier (lui se rêve plus grand, elle voudrait rester jeune), les deux comédiens sont indubitablement parmi les plus belles révélations à l’écran de l’année, et irradient le film de leurs auras et de leurs émotions. On retrouve également Monia Chokri, Karine Gonthier-Hyndman et Anthony Therrien entre français, anglais et québécois aux abords de ce lac.
Avec ce fabuleux Falcon Lake qui a tout d’un grand film, Charlotte Le Bon signe une première réalisation exemplaire, en dressant avec une très grande habileté et humilité cette belle histoire drapée de mélancolie et de la fougue d’une jeunesse qui se refuse au passage du temps. La metteuse en scène explore avec beaucoup de tendresse pour ses personnages un récit d’amour et de fantômes aussi hanté et hypnotique que sublime et infiniment romantique, qui joue avec sa poésie morbide pour creuser les premiers émois d’un jeune garçon traumatisé par l’eau qui tombe sur une adolescente abonnée aux relations complexes avec ses pairs. Les émotions pullulent et frappent en plein cœur, jusqu’à cette fin très énigmatique – qui divisera à coup sûr – entre rêve et réalité. Tout est histoire de fantôme, et Charlotte Le Bon nous le montre avec un talent certain ; Falcon Lake comme indice saisissant de la naissance d’une grande cinéaste.
Titre Original: FALCON LAKE
Réalisé par: Charlotte Le Bon
Casting : Joseph Engel, Sara Montpetit, Monia Chokri, …
Genre: Comédie dramatique, Romance
Date de sortie: 07 Décembre 2022
Distribué par: Tandem
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Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020
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