SYNOPSIS: Dans une tentative désespérée, Elias Karo, père de famille et entrepreneur, prend en otage quatre journalistes au siège de leur journal et premier quotidien finlandais. Il veut les obliger à enquêter sur la manière dont un directeur de banque et un juge ont volé la fortune de sa famille pendant la crise financière des années 1990, avec la complicité de l’État…
Arte nous emmène cette fois en Finlande et plus précisément du côté d’Helsinki. Non, nous ne sommes pas là pour découvrir de beaux paysages mais bel et bien pour assister à une prise d’otages : Elias Karo (Peter Franzén), père de famille et entrepreneur bien sous tous rapports, entre dans une quête de justice désespérée après avoir été victime d’une vaste escroquerie bancaire. Inspirée par la terrible crise économique nordique des années 1990, ainsi que par la récente pandémie de Covid, la série met donc en scène un protagoniste qui n’a plus grand-chose à perdre et qui compte bien, par le biais de journalistes otages, faire éclater la vérité au grand jour. Nous ignorons si ce résumé vous a un poil donné envie mais rassurez-vous, vous n’aurez pas à l’ajouter à la longue (très longue) liste des séries à rattraper (puisqu’en 2022 regarder des séries nécessite un véritable aménagement horaire) car soyez sûrs d’une chose : la série est parfaitement à côté de la plaque. C’est bien simple, rien ne fonctionne. Absolument rien. Ce qui est quand même une belle prouesse.
Premier pépin, et pas des moindres : la gestion du temps. Via le titre des épisodes (heureusement qu’ils sont là ou qu’un péquin nous informe de la temporalité une fois de temps en temps) nous découvrons que la saison s’étend sur plusieurs jours. Première nouvelle. Samedi, dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, le long weekend suivant : la prise d’otages s’éternise alors même que nous avions l’impression (en tout cas durant les quatre premiers épisodes) que tout se déroulait sur une ou deux journées maximum. Et non ce n’est pas un compliment, le temps devant chaque épisode ne passait pas plus vite pour autant. C’est d’ailleurs révélateur d’un autre point noir de la série : son incapacité à créer quoi que ce soit en termes d’émotions et de liens entre les personnages. Souvent la risibilité est même de mise puisque sans la notion du temps qui s’écoule, les comportements et changements d’avis de certains personnages sont à moitié désaxés de la logique initiale. Rien ne nous est épargné : la famille fonctionnelle d’Elias (remplacez-les par des présentoirs en carton et ce sera la même chose), des flashbacks de sa jeunesse avec feu son père (insupportable, nous supposons que nous étions pourtant supposés compatir à son sort), le négociateur un coup « gentil, je suis fatigué mais ça va j’ai dormi 5h sur le canapé » (alors qu’on ne comprend pas ce qu’il peut bien faire de ses journées puisque nous n’avions même pas tilté que le peu de choses qui se déroulaient à l’écran s’étendaient sur plusieurs journées), un coup « à côté de la plaque, j’ai envie de rentrer chez moi, ah mais voilà ma fille qui veut arrêter ses études alors qu’elle est malade », des otages qui ne croient pas du tout Elias puis qui le croient subitement sur la base de rien tandis que lorsqu’il y a quelque chose à croire des personnages ne le croient pas (oui on sait, c’est aussi pénible et peu inspiré à lire que nous à regarder), des « méchants » pantins à la solde d’obscures figures gouvernementales qui veulent abattre Elias le plus rapidement possible et…un Elias qui brasse du vent sans qu’on n’en ai quelque chose à braire de ce qu’il raconte tant c’est mal écrit. La façon de présenter son histoire au début de la série est d’ailleurs révélatrice du problème d’écriture et aussi du réel manque d’empathie ressenti par le téléspectateur : les enjeux initiaux ne sont pas clairs et nous mettons aussi du temps à saisir la potentielle ampleur de l’évènement narré (si on peut dire ça) par Elias. Difficile de se mettre pour autant à la place des otages qui sont, à leur manière, tout aussi inintéressants qu’Elias, si ce n’est plus.
Bien sûr la série a plus d’un tour dans son sac pour nous faire croire que le meilleur reste à venir. Prison Break du pauvre par excellence (on ne parle pas de la Casa de Papel du pauvre dans la mesure où la Casa de Papel était déjà une vaste fumisterie), le Syndrome d’Helsinki va nous montrer petit à petit qu’Elias avait tout prévu depuis le début, et ce jusque dans les moindres détails. D’abord présenté comme un gentil paumé, pauvre, endetté, émotif et donc armé (nous demeurons dans une prise d’otages), chaque épisode nous révèle l’entraînement qu’il s’est infligé avant de se lancer dans son attaque. Préparation d’explosifs, acquisition de certaines techniques de désarmement en cas de combat au corps à corps, endurance à ne pas dormir durant 72 heures, apprentissage de la perfusion…bref Elias est venu le baluchon plein de savoir-faire. Nous n’avons pas poussé au-delà du quatrième épisode mais nous ne doutons pas qu’il regorge d’autres méthodes et de cordes à son arc. L’idée était sûrement sympathique sur le papier mais noyée dans un tel bouillon de fadeur, autant le dire tout de suite, nous sommes restés circonspects.
Difficile en regardant ce cimetière de ne pas penser à la mini-série française Dérapages (avec Eric Cantona) chroniquée par nos soins en avril 2020. Pas dénuée de défauts, Dérapages partait d’un postulat identique (un homme lambda qui s’en va affronter le système tout entier qui l’a purement et simplement rabaissé et laminé) mais en l’exécutant avec bien plus d’habileté et de talent. Si vous avez une série à rattraper, ce sera plutôt celle-là. Vous l’aurez constaté, Le syndrome d’Helsinki est aisé à cerner : nul besoin d’aller chez le médecin, abstenez-vous juste de vous exposer trop longtemps aux aventures d’Elias et vous retrouverez la forme, même sans vitamines. Cette nouveauté proposée par Arte est donc parfaitement ridicule, tout à fait homogène dans la platitude de ce qu’elle raconte et dénuée de toute humanité. Difficile de faire plus austère et insipide en matière de drame humain où l’enjeu pour le spectateur est pourtant en premier lieu de s’identifier aux personnages en détresse et de prendre part à leur quête de justice. Nous espérons qu’Elias aura gain de cause…à moins que nous nous en fichions totalement ?
Crédits: Arte