SYNOPSIS: Les dernières 48 heures d’un homme perdu. Alain quitte la maison de santé où il a suivi une cure de désintoxication. Lydia, sa maîtresse, une amie de sa femme Dorothy qui l’a quitté, veut l’aider. Alain se rend à Paris et commence à travers les bars et chez d’anciens amis une sorte de recherche de lui-même en remontant le passé. Au terme de ce pèlerinage, Alain va se préparer au grand départ. Sur la glace de sa cheminée il a inscrit une date et sur la table de chevet, le revolver est prêt.
Malavida Films ressort le 9 Novembre 2022 six films de Louis Malle regroupés sous la bannière Louis Malle Gentleman Provocateur Partie 1: Ascenseur pour l’échafaud, Les Amants, Le Feu Follet, Viva Maria !, Le Voleur, Le Souffle au cœur. A partir de restaurations réalisées par Gaumont.
Le feu follet répond d’abord à une envie de Louis Malle de lire un livre d’errance. Ça sera donc le roman éponyme de Pierre Drieu La Rochelle publié en 1931, qui s’inspire de la vie d’un de ses meilleurs amis, l’écrivain surréaliste Jacques Rigaut, dont les poèmes étaient hantés par la question du suicide. Le film (comme le livre) est donc une histoire de mort. Les mélodies d’Erik Satie viennent comme se surajouter au désespoir d’Alain, incarné par un époustouflant Maurice Ronet. Ce thème musical apporte cette ultime mélancolie, qui sembler roder autour du personnage central. Il est comme encerclé par l’idée de mort. Alain attend, il semble en permanence s’ennuyer, alors pour y répondre, il consomme massivement, aussi bien l’alcool, que les femmes, les autres. C’est une angoisse perpétuelle qui l’assaille. Le personnage d’Alain est comme asphyxié par sa propre vacuité. En cet endroit, le film est bouleversant. L’ancrage de la dépression est filmé au millimètre. Alain est las, au bas mot, il ne sait plus comment aimer, comment il voudrait être aimé, et déplore de ne pouvoir toucher le soleil. Il va rencontrer un-e- à un-e- ses compagnons de débauche d’antan, comme pour confirmer son terrible choix initial.

© Malavida Gaumont
Comme si la vie ne grandissait pas assez vite en lui, alors avant de se coucher, il dit seul : « Demain j’me tue« . Jamais la caméra ne le quitte. On épouse sa solitude, ses questionnements et son extrême souffrance. C’est en quelque sorte le parfait anti-héros, c’est un dandy moyen et torturé, souvent pathétique, mais pour qui l’on développe une empathie certaine, c’est toute l’ambiguïté et la grâce de la proposition de Louis Malle. L’histoire est finalement assez simple, tout comme la mise en scène très épurée et dans le même temps assez inimitable dans sa narration. Du pur Louis Malle. La grande sensibilité du film émane de ce désespoir inné et ancré du personnage d’Alain, qui donne à voir une noirceur quelque peu équivalente à celle de Ascenseur pour l’échafaud (1958) du même réalisateur. Le noir et blanc est ici d’une lumière étincelante.

© Malavida Gaumont
Le feu follet est aussi traversé par une forte ellipse à propos du passé, du vécu d’Alain, qui nous est juste suggéré, avant de le saisir comme le fait le film dans ce moment dramatique de son existence. C’est donc comme une exigence du cinéaste, qui se refuse à un cinéma bavard, trop didactique et qui pousse le spectateur à un effort salutaire. Certaines scènes sont proprement bouleversantes, comme quand sur la terrasse du Flore, il regarde et scrute les autres, qui eux vivent, bougent, parlent et s’animent. Son décalage, sa solitude, filmés de près, sont alors le signe d’une déchirante émotion. Ce portrait très sombre, sans que jamais la caméra ne s’attarde inutilement sur les clichés du genre, peut par moment paraître long et tortueux, mais ce thriller de la dépression prend forcément les détours qui encombrent justement les pensées d’Alain.

© Malavida Gaumont
Louis Malle n’a pas tout de suite pensé à faire appel à Maurice Ronet. Le cinéaste avait même songé jouer lui-même le rôle d’Alain. Mais le charme de l’acteur, et bien sûr son talent, permettaient cette puissante incarnation, et pouvait donner cette force à Alain, qui en substance ne quitte jamais le cadre sur les 1h49 du film. Maurice Ronet, dans sa vie personnelle avait besoin d’être entouré, avec une grande peur de la solitude. Il sortait beaucoup et ne pouvait que se reconnaître dans le rôle d’Alain, cherchant une confirmation du succès de Plein Soleil (1960). Son personnage entendra même « Il vous faut une femme qui ne vous quitte pas d’une semelle, sans ça, vous êtes triste et vous faites n’importe quoi » L’acteur incarne l’errance voulue par son réalisateur avec une fragilité érigée en force de chaque instant. Avec Maurice Ronet, l’intensité est partout dans Le feu follet. Au final, Le feu follet est un véritable film d’autodestruction très prenant et où le caractère sans issue prend aux tripes. Une œuvre évidemment majeure dans la filmographie de Louis Malle, qui film comme personne le décalage, la marge, et donc ici la dépression, tout en maintenant un aspect intensément lumineux et réflexif. A voir pour l’audace du geste cinématographique.
Titre original: LE FEU FOLLET
Réalisé par: Louis Malle
Casting: Maurice Ronet, Lena Skerla, Yvonne Clech …
Genre: Drame
Sortie le: 15 Octobre1963
Ressortie le 09 Novembre 2022
Distribué par : Malavida Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 60