Critiques Cinéma

LARRY FLINT (Critique)

© 1996 Columbia Pictures Industries. Tous droits réservés.


SYNOPSIS : De son enfance misérable dans le Kentucky, Larry a gagné l’art de la débrouille, le goût d’entreprendre et l’irrépressible désir d’améliorer sa condition. Propriétaire d’un bar à stripteaseuses, il flaire le bon coup et lance en 1974 Hustler, une publication licencieuse qui fait bientôt de l’ombre à Playboy, en ne reculant jamais devant le scandale et l’obscénité. Mais un succès aussi sulfureux ne pouvait qu’attirer les foudres des dévots : l’Amérique puritaine fera tout pour mettre Larry au pilori…

Larry Flint s’est confronté en dehors du grand écran à une sacrée polémique identique à celle racontée dans le film, lors de sa sortie en France. L’affiche présentant Larry Flint dans une position de crucifixion en lieu et place d’un sexe féminin, a soulevé une divine colère d’un certain nombre d’associations, qui ont porté plainte contre le réalisateur Miloš Forman. L’affiche sera changée pour la distribution en salles, mais preuve par l’exemple que le sujet, y compris chez nous était bien brûlant. Oliver Stone en est le producteur et sa patte est ici évidente, aussi bien pour les fans que pour les détracteurs. On y retrouve les codes assez convenus du biopic avec en toile de fond un brûlot bien senti contre les censeurs. Certes, si le classicisme est un peu inévitable dans le genre, avec notamment une forme de morale qui condamne la morale… le message ne prend cependant pas une ride, quand on le recontextualise, ce qui est autant une preuve de qualité cinématographique qu’une source d’inquiétude pour la très lente évolution de certaines visions conservatrices, toujours assez ancrées dans nombre de milieux.  Le film recevra l’Ours d’or à Berlin en 1997.

 


Dès les premières images, on se croirait presque dans Délivrance (1972), tant il s’agit pour Miloš Forman d’appuyer fort sur le buzzer du contraste entre l’enfance de Larry, dans un quasi dénuement, et le monde du paraître et de la superficialité extrême dans lequel il va ensuite évoluer. On se construit en adhésion ou en opposition à un vécu.  Il sera bien sûr question de liberté, à travers notamment la remarquable définition qui en est faite lors de la plaidoirie de l’avocat de Larry, incarné par Edward Norton. Mais quand même 25 ans d’incarcération qui seront prononcés !! Pour la simple publication d’une revue qui renvoie les Etats-Unis à ses névroses les plus exacerbées, et à son hypocrite puritanisme très institutionnel, car le peuple lui se délecte de cette médiocrité de papier glacé, et si c’est éventuellement regrettable, c’est surtout son choix libre et (modérément) éclairé. Larry et ses revues ne sont qu’un miroir fêlé des contradictions d’un pays, qui ne sait pas se regarder dans les yeux. Forman va vite, car en à peine 45 minutes, dans le traitement notamment judiciaire bien démagogique des activités de Flint, il semble avoir presque déjà fait le tour de son sujet. On devine surtout que le cinéaste a un gros appétit et ne va pas manquer d’imagination, de créativité et d’intelligence pour pousser son sujet.


C’est ce qu’il va prodigieusement faire à travers la déchéance de Flint, qui en allant excessivement jusqu’au bout de ses idées, démontre que la liberté totale est un impossible. Flint est vulgaire, branleur et outrancier, mais a le mérite de porter une pensée cohérente, aussi folle soit-elle. C’est dieu contre le diable, avec l’état bien englué, qui tente d’arbitrer entre les amendements de la constitution et l’ancrage religieux d’un pays où le président prête serment sur la bible. Et car nous sommes tous des sales bêtes, si la constitution protège la pire des sales bêtes, alors elle nous protège tous… C’est comprendre que le moralisateur, le vertueux ne lavera jamais aussi blanc que blanc, que la vie est faite de nuances et qu’à cet égard, le droit à l’erreur et donc la liberté chérie, est un combat de chaque instant. Le fait de pouvoir exprimer librement son opinion, aussi détestable soit-elle, et dans le respect de la non offense individuelle ou la non incitation à la haine, permet la vitalité de toute la société. Ou dit autrement, et tellement mieux encore par Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».

La mise en scène est foisonnante et foutraque, mais surtout permet de tenir les 2H10 avec une belle facilité. Elle accompagne surtout la folie tournoyante de Larry, ce que la caméra fait excellemment, avec une photographie intense, et des successions de vignettes sur un rythme assez endiablé. Woody Harrelson est déchirant de virtuosité, dans un gluant sentimentalisme et réussit son biopic. Il est pleinement investi, très envahissant et passablement agaçant comme son personnage le demande. C’est une interprétation majeure. Si dans Tueurs nés (1994) d’Oliver Stone, il se fait plus qu’un nom, sa grande histoire décollera à partir du rôle de Larry Flint. Courtney Love fait elle aussi un immense numéro, complétement déjantée et enragée, elle est parfaite et comme habitée dans cette excentricité jamais complètement assouvie. Edward Norton, dans le rôle de l’avocat est toujours aussi impeccable, classe, avec cette palette incroyable, qu’on ne se lasse jamais d’admirer. Larry Flint himself tiendra un petit rôle, forcément cyniquement, attendu qu’il jouera le juge Morrissey, qui va l’envoyer en prison… Au final, Larry Flint en fait beaucoup, parfois trop très certainement, mais le caractère outrancier du sujet ne pouvait pas se faire dans un traitement cinématographique linéaire. On se divertit beaucoup, à l’américaine, et clairement, on passe un très bon moment de cinéma, même des années après.

Détail des suppléments:

– Commentaire audio des scénaristes Scott Alexander & Larry Karaszweski [Bluray]
Commentaire audio des acteurs W. Harrelson, C. Love et E. Norton [Bluray]

Liberté d’expression ou pornographie ? (30’) : makingof

Larry Flynt en question (30’) : la vie du véritable Larry Flynt, racontée par Dennis Hopper [Bluray]

Un dissident américain (19’) : entretien avec Miloš Forman [Bluray]

À la lumière de l’évidence (31’) : entretien avec le directeur photo Philippe Rousselot [Bluray]

2 scènes coupées : Running for president (1’) / Kentucky House (1’25)

With the real Jimmy Flynt

+ Sexe, Love & Premier Amendement, livret de 50 pages écrit spécialement par François Cau

Titre original: THE PEOPLE VS. LARRY FLINT

Réalisé par: Miloš Forman

Casting: Woody Harrelson, Courtney Love, Edward Norton …

Genre: Comédie dramatique, Biopic

Sortie le:  19 Février 1997

Sortie en Blu-ray+DVD+Livret le: 27 Octobre 2022

Distribué par : Wild Side Video

EXCELLENT

 

 

 

 

 

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