SYNOPSIS: À l’aube d’une nouvelle décennie, la famille royale est confrontée à une période difficile : son rôle est remis en question dans la Grande-Bretagne des années 90. Alors que Diana et Charles se livrent une guerre médiatique, des failles commencent à émailler l’institution monarchique.
Il s’en est passé des choses dans la monarchie britannique ces dernières années, non ? Entre l’implication du prince Andrew dans l’affaire Epstein, le départ de Harry et Meghan de la famille royale, et bien entendu, le décès à un an et demi d’intervalle du couple Philip et Elizabeth II… Si Charles est désormais le roi d’Angleterre, c’est dans un contexte tendu qu’il sera couronné. Car, outre les changements de gouvernement aussi nombreux que des recasts d’acteurs, c’est surtout la saison 5 de The Crown qui est dans tous les esprits. Pour preuve, plusieurs personnalités dont Tony Blair et Judi Dench ont demandé à Netflix d’ajouter un disclaimer rappelant l’immense part de fiction de la série, ce à quoi le diffuseur a dû consentir après des pressions plus importantes que d’habitude. Il faut dire aussi, que la série aborde pour de bon les années les plus sombres de son histoire, avec le déchirement du couple Charles/Diana, déjà longuement abordé dans sa superbe saison 4 qui révélait Emma Corrin et Josh O’Connor comme d’immenses talents à suivre. Pour prendre leur relais, on retrouve Dominic West et Elizabeth Debicki. Autour d’eux gravitent, pour le dernier changement de casting de la série, un trio formé par Imelda Staunton et Jonathan Pryce pour le couple royal, et Lesley Manville pour jouer l’inénarrable Margaret.
On retrouve donc la famille royale déchirée de partout, entre les enfants d’Elisabeth II chacun engoncés dans des mariages ou des divorces douloureux; les lieux emblématiques de la famille prennent l’eau comme leur paquebot Britannia, ou prennent feu comme Buckingham Palace. Surtout, la vieillesse d’Elizabeth II et sa succession sont au cœur des enjeux politiques. La reine ne va pas en rajeunissant, une perspective sombre qui prend d’autant plus de sens avec le décès de la vraie reine à l’automne dernier. On parlait déjà il y a trois ans de la saison 3 de The Crown comme du début du crépuscule de la famille royale dans la série : finies les couleurs dorées et pleine de vie, place à des gris, des noirs et des marrons plus profonds. Ici, au-delà des couleurs toujours plus sombres, c’est aussi l’absence de mouvement dans la mise en scène qui interpelle, comme figée, elle aussi, et incapable de bouger.
Une idée excellente mais qui fait de la première partie de saison un objet fort frustrant. En se concentrant sur le clash Charles/Diana, le reste des personnages est réduit à des rôles secondaires… Elizabeth en tête. On comprend la nécessité de devoir inclure plus de personnages, mais elle se fait au détriment notamment de Margaret, qui doit attendre 4 épisodes pour que l’une de ses plus importantes histoires prenne fin d’une manière incroyablement émouvante, comme si 35 ans après sa propre peine, ses neveux devaient également subir la même chose. Plus globalement, la saison marche sur un fil d’équilibriste. Consacrant de pleins épisodes au divorce royal et notamment à l’interview de Diana qui a embrasé le pays, tandis que les autres personnages récupèrent quelques épisodes déconnectés du reste, comme celui autour de Philip, notamment, et de ses liens avec la Russie au moment où le pays s’embrasait à nouveau. Ça ne signifie pas que ces épisodes sont inutiles bien sûr, ce sont même dans ces interstices que la série montre la part d’humanité du couple royal, mais c’est tellement anecdotique que l’on regrette presque le temps de leurs propres discordes.
Le casting est comme d’habitude impeccable : le couple Staunton/Pryce fait des merveilles, elle en reine revêche, à l’empathie de moins en moins présente, lui en papy qui s’adoucit presque avec l’âge : des trajectoires opposées qui conduisent logiquement à un mariage moins passionné, moins loyal. Surtout, un an après Kristen Stewart, Elizabeth Debicki enfonce le clou en Diana acculée mais pleine de rancune face à un Dominic West moins romantique que Josh O’Connor, sorte de figure patriarche déjà démodée avant même d’être le roi. Tout le casting livre des performances qu’on pourrait qualifier de définitives en ce qui concerne les personnes qu’ils jouent ici.
Alors si cette saison 5 ne manquera pas de passionner les amateurs du drama de Netflix, ou même de la famille royale, on constate un peu déçu qu’à force d’être déséquilibrée, The Crown perd en finesse ce qu’elle gagne en rebondissements, plus que jamais dignes des meilleurs soaps-opera (pas un hasard si Dallas ou Côte Ouest sont d’ailleurs cités dans une scène hilarante !). On reste bien sûr pour son ton crépusculaire, son casting impeccable et sa mise en scène funèbre, mais à l’inverse des saisons précédentes, on ne repart définitivement pas satisfait par son écriture.
Crédits: Netflix