SYNOPSIS: L’histoire réelle de Maixabel Lasa, la veuve de Juan Maria Jauregui, un homme politique assassiné par l’organisation terroriste ETA en 2000. Onze ans plus tard, l’un des auteurs du crime qui purge sa peine en prison demande à la rencontrer, après avoir rompu ses liens avec le groupe terroriste.
L’idée de la cinéaste Icíar Bollaín de réaliser Les Repentis, s’est aussi fait en lien avec cet incroyable courage de son personnage principal Maixabel Lasa (la formidable Blanca Portillo dans le film) : « On a alors décidé de raconter l’histoire vraie de Maixabel Lasa qui était l’une des onze personnes qui avaient accepté de parler avec les ex-membres de l’ETA, car son histoire était encore plus remarquable. La plupart de ces onze personnes ont rencontré des ex de l’ETA qui n’étaient pas liés directement aux attaques dont elles furent victimes alors que Maixabel a été confrontée à l’homme qui avait assassiné son mari. » Le climat de l’époque installé par l’ETA est tel que rien que quand le téléphone sonne à deux reprises de façon particulièrement insistante, c’est comme si Maixabel avait deviné que le pire est arrivé, tant elle se fige. La caméra a comme une ardente habileté de ne jamais comparer les traumas, car les victimes demeurent bien sûr les familles des innocents morts pour leurs idées. Mais dans Les repentis, il existe comme une suspension du jugement, un non manichéisme, le contournement de la binarité, qui président à la réalisation. Le film fait le choix de l’humanité, c’est sa force et c’est puissant. Le choix des repentis, ou même plus modestement de la reconnaissance de leurs fautes les rend toujours redevables de la loi, car encore légitimement incarcérés, mais finalement tout aussi toxiques et pestiférés à l’extérieur car des salauds d’assassins pour bon nombre ou des traîtres à la cause pour les tenants de la folle idéologie assassine. Bref, ils ne sont à leur place nulle part, alors qu’ils semblent avoir choisi le chemin honnête et difficile de la rédemption car ils se regardent.
Les destins qui n’auraient pas dû se croiser se parlent, bourreaux et victimes, et forcément, c’est passionnant d’un point de vue autant philosophique qu’émotionnel. Dans les meurtres politiques, pour reprendre Charlie, on est souvent tués que par des cons fanatiques. Terme que reconnaissent eux -mêmes dans le chemin de l’instruction et de la rédemption, les meurtriers qui entre temps se sont pleinement déradicalisés. La réalisatrice sait que ce procédé, utilisé dans nombre de pays ne fait pas l’unanimité. Le choix de l’intelligence est toujours sujet à controverse. Alors forcément, les rencontres entre Maixabel et Luis, puis entre Maixabel et Ibon sont bouleversantes, surtout quand elle leur fait comprendre à quel point avant eux, elle avait une vie. « On passe 21 heures à l’isolement, on ne peut pas se dérober à soi-même » dira l’un d’entre-eux. Les fantômes des victimes hantent les meurtriers, quand ceux-ci se sont rendus compte du chaos qu’ils ont semé. La sincérité des repentis saura-t-elle apaiser Maixabel, c’est tout l’enjeu qui est à découvrir dans ce film très prenant, une sorte de thriller du pardon.
Maixabel oscillera dans son regard, face aux assassins de son mari, entre compassion et dégoût, entre l’envie de pardonner mais le besoin de leur en vouloir. La rencontre de fin entre elle et Luis vient comme parachever toute forme de manichéisme, de facile binarité, et se révèle d’une formidable générosité. Il existe une simplicité de la mise en scène, avec cependant une couleur sobre mais très travaillée qui épouse cette atmosphère si humaine du film. Icíar Bollaín et son chef opérateur Javier Aguirre ont voulu s’inspirer de la même chromatique que l’on retrouve dans Dark Waters (2019) de Todd Haynes. Point de comparaison donc en effet entre les souffrances des victimes et les regrets des bourreaux, mais juste une mise en exergue de la complexité. Pour l’ETA, avant la fin de la lutte armée, en 58 ans d’activité, ça sera 829 morts et tant de blessés, tant de destins brisés.
Blanca Portillo parvient à trouver une interprétation d’une immense justesse pour jouer sur la gamme des émotions si contradictoires, si humaines. Elle nous amène avec elle sur des terrains presque antagonistes dans la même seconde. Une grande prestation. Il en va exactement de même pour Luis Tosar, qui dans une grande sensibilité, change de peau sur la durée de sa rédemption. Un jeu qui marque, qui reste. A noter également la force du regard de Urko Olazabal, l’autre repenti, que vous gardez en mémoire longtemps. Au final, Les Repentis explore avec sobriété mais profondeur l’âme humaine dans le plus vil et le plus grand. A cet égard, la scène finale est d’une sublime générosité, d’une splendeur à ne pas rater.
Titre original: MAIXABEL
Réalisé par: Icíar Bollaín
Casting: Blanca Portillo, Luis Tosar, Urko Olazabal …
Genre: Drame, Biopic
Sortie le: 09 Novembre 2022
Distribué par : Épicentre Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020