SYNOPSIS : Jeanne Tournier mariée à un magnat de la presse et mère d’une petite fille, s’ennuie dans son château près de Dijon. Elle se rend souvent à Paris pour visiter son amie Maggy et son amant Raoul. Une panne de voiture lui fait faire la connaissance de Bernard dont elle tombe amoureuse.
Malavida Films ressort le 9 Novembre 2022 six films de Louis Malle regroupés sous la bannière Louis Malle Gentleman Provocateur Partie 1: Ascenseur pour l’échafaud, Les Amants, Le Feu Follet, Viva Maria !, Le Voleur, Le Souffle au cœur. A partir de restaurations réalisées par Gaumont.
Louis Malle, avec Les amants, son deuxième long métrage après Ascenseur pour l’échafaud (1958) a écrit ce film pour son interprète principale Jeanne Moreau. Elle est d’ailleurs dès le générique mise en avant et la narration à suivre ne dira pas autre chose. Si dans Les amants, Louis Malle ne révolutionne pas l’art du questionnement amoureux, il filme toujours avec le même romanesque d’auteur, qui ne crée jamais d’ennui. Et derrière l’apparent classicisme du traitement de son sujet, qui à l’époque ne l’était pas si on recontextualise, le cinéaste vient ici nous parler de l’émancipation d’une femme, de la sortie d’une assignation des codes de la bourgeoisie, pour choisir la passion sûrement, l’amour peut-être. D’ailleurs, les mêmes grincheux, tristement prudes, préférant l’ennui au plaisir, et n’aimant pas trop la liberté, surtout féminine, trouveront évidemment moyen de de crier au scandale, ce qui est finalement une formidable preuve du talent du cinéaste en général et de ce film en particulier.
Le bonheur de la première nuit qui ne dure en général pas toute la vie. Jeanne prendra en tout cas le risque de l’incertitude, et de cette confusion qui arrive parfois entre amour et passion. Elle veut aller partout, peut se rendre n’importe où, tant qu’elle est avec celui qu’elle aime. C’est aussi fuir une version de soi que l’on ne supportait plus. Dans cette vie, même son amant Raoul semblait en trompe l’œil, tromper l’ennui, mais ne pas vivre vraiment. C’est une des leçons intéressantes des Amants. Car Raoul est d’autant plus beau qu’il n’est pas là. C’est parfois plus facile d’être amoureuse d’une image que d’un quotidien. Car finalement, comme l’amour peut naître d’un regard, Jeanne laissera peut-être tomber mari et amant, lassé du premier dans le fauteuil et du second dans le placard, pour un vaudeville trop codifié aux yeux de celle qui ne résiste pas à l’immédiateté du bonheur et comme en quête permanente de la complexité. « Quand je pense à nous deux, je suis toujours inquiète, c’est peut-être ça l’amour » dit Jeanne à Raoul, l’amant officiel. Comme si un tel bonheur ne pouvait durer et ne viendrait qu’en attente de drames plus grands. Comme si depuis Shakespeare, l’amour ne pouvait être que tragédie.Les amants, c’est aussi une forme de féminisme d’avant-garde, d’évident progressisme, car dès 1958, Louis Malle entreprend de parler du tiraillement de l’amour, qui n’est pas l’apanage de l’homme brillant et viril partagé entre deux femmes. Non, avec Louis Malle, le centre de l’intrigue amoureuse, c’est Jeanne et ses émotions sentimentales, qui guident le film avec des hommes que l’on voit uniquement car elle, est là. Ils n’existent qu’à travers Jeanne.
Dès les premiers plans, dans l’œil de la caméra de Louis Malle, et dans un très beau et puissant scope noir et blanc, Jeanne Moreau est enivrante, envoutante. Avec déjà comme une retenue, une souffrance ancrée, celle de l’insatisfaction, des rêves d’amour inachevés. Mais quand au début, elle est avec Raoul, comme lui dit Maggy « L’amour lui réussit » car en plus de sa beauté naturelle et instinctive, elle s’illumine et alors rayonne sur tout le film, jusqu’à ce grand fou-rire révélateur avec Bernard, où elle s’autorise enfin à briser toutes les chaînes.
Les hommes ne seraient presque que des faire-valoir du talent de Jeanne Moreau. Mais comme il s’agit de très grands interprètes, nommons Alain Cuny, dans le rôle du mari, qui incarne parfaitement l’homme qui passe à côté de sa femme ; Jose Luis De Villalonga en amant officiel impeccablement beau plastiquement, mais avec tellement rien qui dépasse, qu’il va s’avérer être un mirage pour celle qui aime l’amour. Et Jean-Marc Bory, l’aventureux archéologue à la déjà vielle 2 CV, qui interprétera avec un charme sauvage celui qui pourrait bien emporter le cœur de la belle, tant son effacement initial va devenir comme une évidence et indispensable présence. Les amants dit bien plus qu’il en a l’air et au vu de l’universalité de son propos sur le sentiment amoureux, avec toutes les questions que l’on sait si bien poser et toutes les réponses que l’on n’aura sans doute jamais, il se regarde avec un évident plaisir.
Titre original: LES AMANTS
Réalisé par: Louis Malle
Casting: Jeanne Moreau, Alain Cuny, Jose Luis de Villalonga …
Genre: Drame
Sortie le: 05 Novembre 1958
Ressortie le 09 Novembre 2022
Distribué par : Malavida Films
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 50