SYNOPSIS: Dijon 1954. Une famille bourgeoise. Laurent, 15 ans, vit avec son père, ses deux frères et sa mère, Clara. Sa vie se déroule en une suite de faits plus ou moins notables jusqu’au jour où il est atteint d’un souffle au cœur. Il part en compagnie de sa mère faire une cure dans le Morvan. Un tendre marivaudage s’instaure alors entre eux.
Malavida Films ressort le 9 Novembre 2022 six films de Louis Malle regroupés sous la bannière Louis Malle Gentleman Provocateur Partie 1: Ascenseur pour l’échafaud, Les Amants, Le Feu Follet, Viva Maria !, Le Voleur, Le Souffle au cœur. A partir de restaurations réalisées par Gaumont.
Le souffle au cœur, vient s’inscrire dans cette façon unique que Louis Malle a de filmer les enfants, que l’on retrouve bien sûr dans Au revoir les enfants (1987) ou dans Lacombe Lucien (1974). A hauteur d’enfants certes, mais aussi comme des hommes, car mis en situation par des circonstances liées à l’inconséquence des adultes. C’est un parti pris humaniste et passionnant du cinéaste. Louis Malle disait « J’ai envie de filmer ces enfants qui regardent le monde d’adultes sans le comprendre. » Louis Malle a réellement connu dans son enfance un souffle au cœur, nécessitant un important repos, et générant cette forte promiscuité avec sa propre mère. Il disait souvent que ses films sont traversés par l’incertitude, ce qui sera le troublant final du souffle au cœur, mais aussi par exemple le destin de Lucien Lacombe, qui se retrouve au cœur de la police Allemande, alors que son projet initial était le maquis. C’est le regretté Jean-Claude Carrière qui aura convaincu Louis Malle de faire le film. Le souffle au cœur, c’est finalement un souffle de vie, tant grâce à lui, Laurent va s’ouvrir différemment au monde, y compris charnellement. Le film va en fait prendre le temps d’installer dans des détails chirurgicaux une ambiance, une atmosphère, qui va comme venir expliquer, sans jamais excuser l’acte d’amour final. Une famille bourgeoise avec tous ses codes caricaturaux, que comme à son habitude, Louis Malle bombarde avec férocité. Des codes, mais aussi à propos du sexe, beaucoup de non-dits, ou pire d’un sentiment de domination sur la classe prolétarienne, comme avec la femme de ménage ou les prostituées, que les frères de Laurent encouragent à ne pas respecter. Il y a aussi des équivoques entre les frères, avec les copains. Sexe, catholicisme et haute bourgeoisie, Louis Malle, toujours à pas de velours, sort le lance-flammes. D’autant que le souffle est aussi celui de la liberté, en recontextualisant, on sort de mai 68, les envies d’émancipation du poids des institutions sont criantes.
La mère trompe son mari, de façon peu discrète, le prêtre se sert de la confession à des fins peu ambigües, tout y passe. Et puis, Laurent est un adolescent en pleine fleur de l’âge, qui a besoin de se découvrir, sa mère une femme italienne au sang chaud, il faut bien que les corps exultent, seul petit problème, c’est une mère et son fils, c’est appliquer le complexe d’Œdipe, qui ne se vit logiquement que symboliquement. Ce qui est troublant dans Le souffle au cœur et qui vaudra une sacrée polémique pour son autorisation à sortir mais pas dans les réactions du public, est qu’avec cette volonté didactique de toujours expliquer, le désir réciproque est montré comme naturel, animal, tellement instinctif. C’est un souffle sensuel. Le spectateur est témoin non pas d’une abomination mais d’un passage à l’acte, qui évidemment n’est jamais justifié ou banalisé, mais simplement montré. C’est sans doute en cet endroit qu’une gêne peut s’installer au mieux, un profond malaise sinon. C’est aussi un but ultime du cinéma, aller nous chercher sur le champ des émotions. Même si la scène en question existe en fait à la toute fin sur 7 minutes d’un film en comptant quasi 120.
» L’interdiction de l’inceste est la coupure par laquelle l’homme institue une culture qui le sépare de la nature » selon Lévi-Strauss. Napoléon Murat, ami de Louis Malle, face aux remous provoqués par Le souffle au cœur lui fit parvenir ce message de soutien plein de malice et qui reprend ainsi la filmographie de son camarade : « La vie privée de ses amants est une histoire extraordinaire. Le voleur qu’il s’appelle Zazie, qu’il vienne de Calcutta, ou d’ailleurs, pourra toujours crier Viva Maria. Il ne sera jamais qu’un feu follet, promis à l’ascenseur pour l’échafaud, car leur souffle au cœur ne fait que commencer« . Léa Massari joue une maman troublante de beauté, ce qui devait très certainement figurer sur sa fiche de poste (!!) afin de générer au fur et à mesure l’impensable. Bien que son entente avec Benoit Ferreux, son fils dans le film n’était pas idéale la force du lien est pleinement incarnée. Ce dernier est parfait dans ce rôle de l’adolescent en quête, et dans ce moment de doute entre sortie de l’enfance et entrée dans le monde des adultes qui l’attire autant qu’il le révulse. Daniel Gélin, dans une bonhommie toute bourgeoise joue à fond la carte de la caricature, avec la pleine justesse qui est la sienne. Il en est de même pour Michal Lonsdale, en père Henri libidineux dès qu’un gamin approche. L’acteur est brillamment écœurant.
Le souffle au cœur ne donne pas la nausée, mais crée le malaise, ce qui était à n’en point douter la volonté d’un cinéaste qui dézingue à tout va, en toute discrétion. C’est le souffle d’une autre époque, qui se regarde avec curiosité comme un très bon film de cinéma, avec une place forcément unique dans la carrière de son auteur.
Titre original: LE SOUFFLE AU CŒUR
Réalisé par: Louis Malle
Casting: Léa Massari, Benoit Ferreux, Daniel Gélin…
Genre: Drame
Date de sortie: 28 Avril 1971
Ressortie le : 09 Novembre 2022
Distribué par: Malavida Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 70