Actus

CHRONIQUE NUIT NANARLAND 6 (Actus) Foutrement drôle, foutrement surprenante, foutrement plaisante…

Dans la nuit de samedi à dimanche dernier se tenait, comme chaque année, un monument pour les gens qui souhaitent se fendre la poire au sein d’une communauté chaleureuse, respectueuse mais atteinte : Nanarland, sixième du nom. Pour nous, c’était la troisième fois et on ne s’en lassera jamais. Pour ceux qui ne connaitraient pas le concept, faisons un petit recadrage. Jadis appelée Les Nuits Excentriques, la célébration où les gens de bons goûts (douteux) adoubent de magnifiques pépites en y voyant tout leur potentiel malgré le vernis catastrophique qu’elles arborent se tenait à la cinémathèque française. Depuis son petit nom c’est Philippe, euh, La Nuit Nanarland et le mausolée de la cinémathèque a laissé sa place à une grande messe qui remplit dorénavant chaque année le Grand Rex.



Le titre n’est pas que marketing : pour la modique somme d’une vingtaine d’euros, vous resterez à admirer des génies incompris de 19h00 jusqu’à 7h30/8h00 le lendemain matin. A ce titre la soirée est organisée en quatre temps, eux-mêmes organisés autour de films (un film par temps donc quatre films, on vérifiait juste si on savait encore compter après tout ça). Entre chaque film il y a un entracte pour que vous puissiez manger, fumer (et pourtant fumer fait tousser comme le dit très bien Quentin Dupieux donc il suffit) ou vous dégourdir les gambettes endolories. Bandes-annonces, extraits, jeux organisés par l’équipe de Nanarland…tout est réuni pour vous faire passer un moment aussi drôle qu’inoubliable. Cette année nous avons été particulièrement gâtés. Attention, nous sommes chaque année couverts de cadeaux, tels de vrais sales gosses qui ne méritent même pas autant de bonté et de rigolade. C’est pourri, c’est merveilleux, c’est drôle, c’est malaisant, c’est joyeux, on ne sait même plus où donner de la tête. Comment faire fi du créatif et extrêmement gênant Twisted Pair ou de l’hilarant Les aventuriers du système solaire de la Nuit Nanarland 4 ? Comment oublier l’improbable Suède, enfer et paradis (du vrai journalisme d’investigation) et l’épileptique (il faut le vivre pour le croire) En büyük yumruk de l’année dernière (donc Nanarland 5, on continue de vérifier sur nos doigts) ? La particularité de cette année est qu’elle était sans doute mieux équilibrée. Les années précédentes il y avait toujours un film qui traînait la patte en contrepartie d’un long métrage sympa et de deux pépites qui mettaient, à l’instar de Chuck Norris, leurs pieds dans nos gueules. Cette année nous avons eu quatre propositions intéressantes, toutes dans leur propre style, toutes avec en leur sein un véritable plaisir coupable. Mais peut-être moins de pépites marquantes. Qu’à cela ne tienne, faisons un tour d’horizon du pique-nique dégusté.



Le Faucon

Premier film, et pas des moindres, Le Faucon, avec Francis Huster.




Depuis ses aventures épiques auprès du Christ  nous comprenons beaucoup mieux d’où Francis tient ses valeureux propos guerriers : il a subi un entraînement aux petits oignons. Proposition (c’est le cas de le dire) de 1983 tirée de l’esprit malade de Paul Boujenah, Le Faucon nous balance dans la vie merdique de Frank Zodiak qui se retrouve dans une merde noire. Heureusement, à défaut de savoir courir, Frank a de l’endurance. Et de l’endurance il va lui en falloir car Frank va passer le film à courir (entre deux dégustations étranges de hamburgers), têtu et infatigable qu’il est, après un terrible malfrat qui ne répand que la mort sur son passage (en plus de ressembler à Severus Rogue ce qui était très perturbant). Si le postulat du film tient en peu de mots (la femme de Frank est morte, sa fille est dans le coma, il aime les fast-food et acheter des peluches, mais surtout il court après un salaud), tout le génie réside dans l’exécution de la traque. Film à cent à l’heure qui s’autorise quelques pauses presque oniriques, Francis Huster (oui Francis est le film) prouve qu’il n’a rien à envier à Rambo. Il est l’homme de la situation, en tout cas à Nanarland. On en redemande. A mater avec ses amis, quelques packs de bières et de bons hamburgers. La séquence d’ouverture donne le ton, vous serez vite happés.




Savulun Battal Gazi Geliyor

Deuxième tir qui fait mouche, Savulun Battal Gazi Geliyor est diffusé cette année pour rendre hommage au génial et prolifique Cüneyt Arkın qui est allé rejoindre les cieux en juin dernier. Pour ceux qui ne l’attendaient pas déjà de l’autre côté de la barrière, et ceux qui n’ont pas fini en état végétatif suite à la projection de En büyük yumruk de l’année dernière, c’est du pain béni car nous avons l’impression de retrouver un vieux camarade de guerre auprès duquel nous avons traversé une crise fulgurante et sans pitié (pour ceux qui ne l’auraient pas compris, puisqu’on n’est sûrement pas clairs, Cüneyt Arkın était déjà dans En büyük yumruk). Le décès de cette icône est donc la raison pour laquelle nous avons encore un film turc au programme. L’expérience est extrêmement intéressante dans la mesure où au-delà de mettre en scène une sorte de recrutement de méchants Avengers kitschissimes, le scénario tient plutôt bien la route. Jusqu’à un moment où tout part absolument en sucette et où l’on se dit « Ah mais ça se passait trop bien, c’était sûr que ça allait merder, qu’est-ce qui s’est passé bordel ? « . Troisième film (sur quatre, oui c’est une franchise, incroyable) des aventures de Battal Gazi (Cüneyt Arkın, qui joue aussi le père du personnage, deux fois plus de plaisir), l’aventure riche en couleurs (au sens propre vu les teintes des costumes et du sang) nous emmène là encore dans une traque. Celle menée par Battal Gazi (forcément) pour libérer son père emprisonné, tout en se vengeant sur le chemin des raclures qui ont violé et poussé sa sœur au suicide. Méthode : leur trancher ou leur écraser les testicules. Punis de leurs péchés par l’endroit où ils ont pêché. Classique, efficace, appréciable. Malgré une sortie de route en cours de récit (du moins on se comprend) et un abus évident de l’usage du trampoline, le film sait où placer le curseur : à la fois partout et nulle part. Il a su comment nous parler, nous n’en sommes que plus réceptifs. Plus dense et élaboré qu’il en a l’air, le scénario étouffé par un manque de moyens évident, arrive à se tirer des balles dans le pied au même titre qu’il décoche des flèches dans les couilles des adversaires de Battal Gazi : en faisant à chaque fois mouche.




New York Ninja

Arrivés à la moitié du chemin (on parle bien sûr de la nuit, pas de nos vies), un véritable phénix se présente à nos yeux : New York Ninja. Film de 1984 sorti en 2021 (oui, un ninja sait se faire discret) l’histoire derrière l’objet (Nanarland est une source de savoir inépuisable car chaque film vient avec un sacré bagage au cul) attise d’emblée l’excitation. Long métrage maudit « tourné  » il y a mathusalem, dont les rushes non sonorisés et non montés étaient restés à pourrir dans des cartons suite à des péripéties de production dont nous vous passerons les détails, New York Ninja voit finalement le jour…en 2021. Pari fou, pari gagnant. Non sonorisés est à prendre au premier degré : tourné en 1984 et presque inutilisable, de nouveaux acteurs pas du tout affiliés au projet initial, ont doublé les anciens pour la sortie du film. De même pour la musique qui a été spécialement composée pour l’occasion de cette résurrection (enfin, peut-on ressusciter quelque chose qui n’a jamais existé ? Nous ne pensons pas. Appelons ça une demi ou une semi-naissance ou une naissance qui s’est faite en deux poussées très longues). Porté par John Liu, acteur de composition qui nous a ébranlé et ému via ce que nous appelons entre nous ses  » why séquences « , le film nous immerge dans une ville extrêmement ravagée par la criminalité où un certain Plutonium Killer orchestre des choses pas très nettes. Une chose est sûre : le film n’aurait jamais été aussi savoureux et abouti en 1984. Digne d’une véritable mise en abyme (le casting vocal, habitué du genre, a bien entendu été choisi minutieusement), le film arrive à en faire trop, sans en faire trop. Et c’est là qu’il a tout compris.




BIM Stars (The Apple)

Il doit être aux alentours de 6h00 du matin (pas maintenant) à l’heure où débute la projection de BIM Stars. Usés, mais toujours à l’affût d’une nouvelle proposition. D’autant plus qu’il ne s’agissait pas de n’importe laquelle : une comédie musicale avec les chansons sous-titrées en mode karaoké. Il n’en fallait pas plus pour que nous scellions le pacte de cette prodigieuse rencontre à venir. Nous ne fûmes pas déçus. D’ailleurs soyons honnêtes : les chansons valent le détour tout comme les danses qui ornent l’écueil. BIM Stars est savoureux, douloureux pour le casting, malade, donne la patate et propose une fin éclatée au sol qui laisserait pantois n’importe qui mais pas nous. On a l’habitude de pratiquer ce sport et d’encaisser les coups pour mieux les appréhender et les aborder comme des cadeaux du ciel. De toute façon lorsqu’on a des protagonistes qui s’appellent Bibi et Alphie, il vaut mieux serrer les fesses et se préparer à tout. Mention spéciale à Vladek Sheybal qui régale du début à la fin. Oui on va chercher les chansons sur internet et oui on va les réécouter. Cela ne fait que commencer.


Nanarland 6 était donc comme chaque année : une odieuse orgie. Odieuse car les organisateurs nous connaissent mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes, à croire qu’ils sont dans nos têtes et qu’un jour nous regarderons un film sur ce sujet pour se sentir encore plus cons. Foutrement drôle, foutrement surprenante, foutrement plaisante, l’édition 2022 était exemplaire. Bref c’était Nanarland et on a déjà hâte d’être à l’année prochaine. Merci à tous les organisateurs (prévoyez davantage de tee-shirts l’année prochaine merde, enfin, s’il-vous-plaît) et à tous les artistes qui nous ont offert de quoi nous redonner un peu de peps (du moins suffisamment pour contrebalancer le manque de sommeil et ne pas entamer le lundi en courant les bras ballants comme Francis Huster).

Laisser un commentaire