À sa sortie d’hôpital psychiatrique, Basile se réfugie chez sa sœur Sarah. Elle est sa seule famille et sa plus grande alliée pour se reconstruire. Aussi flamboyant qu’instable, Basile parvient à trouver du travail et rencontre Élodie, une jeune mère célibataire : il se prend à rêver d’une vie « normale »…
« Ce fut un vrai coup de foudre artistique. Cette histoire d’une fratrie qui fait face à la schizophrénie m’était très intime et je craignais qu’elle le soit trop pour en faire un premier film« , résume parfaitement Brieuc Carnaille, le réalisateur. Il ajoutera : « Je crois fermement que les malades schizophrènes éclairent le monde« . Une générosité dans le message qu’il va nous transmettre à l’écran. Le soleil de de trop près, c’est un poème, mais c’est aussi la guerre. Basile (Clément Roussier), dans sa tragédie de la vérité, c’est à lui seul la métaphore de la vie, c’est violemment brûlant et sublimement passionné. Le soleil de trop près, c’est étrangement nous. Ce sont toujours ceux qui ont l’air le plus inoffensifs, qui sont en fait les pires. Basile, on dirait Dupontel sur la forme, dans le rythme des mots et la folie du discours, mais qui cite du Brel à sa façon en draguant deux nanas : Mais moi, je vous couvrirai d’or. Démarre alors le générique, on se sent déjà très bien, ça va vite et fort, c’est sûr on ne va pas s’ennuyer. Sarah tout en douceur, Basile tout en tension. Lien fraternel autant complémentaire que poignant, très vivant à l’écran, par la magie de la mise en scène et la puissance de feu du jeu de Marine Vacth (dans le rôle de Sarah) et Clément Roussier. Basile, il est le plus souvent sans filtre, c’est le mec qui pourrait bien nous faire flipper dans le bus. Petit trésor vulgaire en passant : Y’a pas de problème à manger de la merde si on l’a choisi. Voilà Basile lâché dans la nature, sans son traitement, qu’il pense pouvoir réguler. Avec son jogging Lacoste rouge flamboyant et sa chaîne en or qui brille, Basile ne marche pas, il vole. Un volatile qui bat des ailes plus haut que tous les autres et qui touche le soleil de trop près. Dans le bar, Basile n’est tellement pas seul que résonne You never Walk Alone. Basile, il n’est jamais seul, même quand il n’est pas avec du monde. Le soleil de trop près, c’est la puissance du lien filial, filmé dans toute son ampleur, sa densité, sa folie. On aimerait tous être aimé comme aime Sarah. Elle donne tout avec son énergie, ses espoirs, la beauté profonde de ce qu’elle est. C’est fort et totalement bouleversant, c’est le lien dans tous ses états, c’est organique. Quand on regarde Sarah et Basile, on touche les étoiles.
Si Basile nous a sans doute un peu fait rire, maintenant, il nous fait peur. Sa cicatrice en mode Albator n’est qu’un stigmate très visible de ce qui se joue à l’intérieur. Des fêlures invisibles autant que béantes. C’est un incroyable film sur les symptômes destructeurs de la folie, de la maladie mentale. Cette schizophrénie qui non stabilisée, entrave trop la vie sociale. Mais comme pour tout handicap, l’environnement avec ses violentes et innombrables barrières vient comme sur-handicaper la situation. Pas de place pour la faiblesse ici et maintenant. Sale époque pour les rêveurs et les poètes. La mise en scène se fait au rythme de l’augmentation du traitement de Basile. Le shoot médicamenteux semble être la seule option pour le contenir dans la jungle urbaine contemporaine. T’es pas comme tout le monde, mais c’est un compliment, lui dit Élodie (Diane Rouxel). Ça c’est quand tout va bien. Combien de temps ça va durer, on a tellement peur du drame. Il est là, tapi dans un recoin du cerveau tourmenté de Basile. Une bande son puissamment pop et originale, des plans forts sur notamment une ville triste, sombre, presque glauque parfois, une urbanité mal éclairée, avec ses briques rouges, son ciel qui s’assombrit, se noircit, métaphore de l’esprit de Basile, et qui vient comme alimenter un désespoir latent.
Les gens ordinaires, sans histoire, sont dans Le soleil de trop près filmés avec grâce, virtuosité et une infinie tendresse. Le cinéaste se crée ici un univers, une façon de filmer en propre, une spécificité formelle et une évidente tendresse narrative. La folie douce de Basile ne saurait sans doute être contenue dans la quotidienneté d’une vie ordinaire et les intarissables banalités qui vont avec. Et pourtant, Basile a cette incroyable capacité à entrer en lien avec l’autre sans fioritures, tout en pureté. Il va juste falloir accepter que tout aille bien, ne pas se lasser du bonheur, se dire qu’on y a le droit, sans être obligé de tout détruire. C’est peut-être là le plus dur. Le pire n’est jamais très loin, une vérité très universelle, tant pour Basile, le moindre boulon mal serré dans la machinerie cérébrale peut avoir des conséquences dramatiques. Le soleil de trop près déplie aussi à quel point il est facile de déconstruire et d’exploser aussi vite que ce qui aura été si long à bâtir. La violence de nos vies, car parfois oui, on touche le soleil de trop près.
Clément Roussier dans le rôle de Basile, est juste énorme. Quelle puissance, un talent fou qui semble presque sans limites. Il est beau, il est grand, il est inoubliable. Son jeu schizophrénique est d’une justesse à fendre le cœur. Son cinéaste dit qu’il existe chez lui autant de fantaisie que de profondeur, et une vraie singularité. Clément fait aussi penser à Belmondo, il a un corps, quelque chose de très physique. Marine Vacth est bouleversante également de son côté. Elle est physiquement engagée. Elle touche la grâce par cet amour fraternel, teinté d’une fonction parentale auprès de Basile. Elle est ici si haute, si forte, si présente. Diane Rouxel, dans ses fêlures en ellipse est si belle de convictions, dans cette envie de résilience, sa force de croire en Basile, et dans la furieuse splendeur de son aveuglement amoureux. Le soleil de trop près, solaire tout autant que lunaire, si c’est une chronique d’un drame annoncé, c’est aussi l’espoir, toujours. Et pour savoir pourquoi, pour s’en convaincre, une seule solution, courir en salles, voir cette œuvre hautement prenante et diablement humaniste.
Titre Original: LE SOLEIL DE TROP PRES
Réalisé par: Brieuc Carnaille
Casting: Clément Roussier, Marine Vacth, Diane Rouxel…
Genre: Drame, Romance
Sortie le: 28 septembre 2002
Distribué par : Jour2fête
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Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020