Critiques

TOKYO VICE (Critique Mini-Série) Un met fiévreux et délicat…

SYNOPSIS: À Tokyo, le reporter américain Jake Adelstein, âgé de 24 ans, intègre le service police et justice du « Yomiuri Shimbun », le plus grand quotidien japonais. Alors qu’il collabore avec la police locale, il est contacté par la mafia. Il devient un interlocuteur des yakusas tout en continuant d’être un informateur de la police. Mais cette position ambivalente n’est pas sans danger.

Tokyo Vice, créée par J.T. Rogers, est de fait un événement, car la série signe le grand retour d’un certain… Michael Mann. On ne lui doit rien de moins que le chef-d’œuvre Heat (1995), le spectaculaire et très fort Collateral (2004), ou l’adaptation sur grand écran de Miami Vice (2006). Pour Tokyo Vice, Michael Mann est le producteur délégué et a réalisé le pilote. La série est librement adaptée de l’autobiographie éponyme de Jake Adelstein (2009), dont le personnage garde donc le nom dans la série. Jake, qui traîne sa carcasse et tignasse d’occidental, qui le singularise encore plus. Son travail au sein du grand journal est en somme d’accroître la connaissance du monde chaque jour. Il comprendra au fil de l’eau que les réalités se construisent au gré de sa compréhension culturelle, de son implication. C’est aussi toute son évolution et la construction de son identité professionnelle que l’on voit grandir sous nos yeux. Beaucoup d’entrave et de frustrations au début, et une forme d’accomplissement progressif in fine. Au-delà du thriller, qui demeure l’enjeu principal, c’est aussi un véritable parcours initiatique, et l’apprentissage de l’altérité pour qui va côtoyer Jake. Qui sera quand même confronté en tant que Gaijin, qui plus est juif, à une forme de racisme du quotidien, subi par l’archétype occidental qu’il incarne pleinement. La mise en scène est d’une beauté électrique, c’est un bijou d’un point de vue formel, avec une atmosphère pesante, planante qui donne une force assez captivante au récit, et vient même compenser ce dernier, quand il devient plus disparate ou trop classique. C’est toute la question de l’éthique de Jake qui va se poser, sa quête de la vérité, et ce qu’il mettra en œuvre pour y parvenir. « Un chemin s’ouvre à ceux qui sont honnêtes« , comme il lui sera dit au cours de son investigation. Il veut comprendre ce qui se passe sous les apparences, les liens entre les clans des Yakuzas, la façon de travailler de la police, et les différents intermédiaires dans un savant bazar qui se perd un peu parfois, à l’image de l’intelligence et la curiosité de Jake. Sa force, mais potentiellement aussi sa perte.


On va apprendre en quelque sorte avec lui à lire l’atmosphère, on va décrypter ensemble les codes de la culture japonaise, tokyoïte, nocturne, mafieuse et policière, rien que ça. Donc forcément, parfois on s’égare dans les sous-intrigues, mais souvent grâce à Jake, on finit par tout rassembler. Tokyo Vice, sur la forme est d’une folle élégance, dans le plus pur style et la patte indémodable autant que reconnaissable de Michael Mann. L’histoire dans les premiers épisodes, au regard de la multiplicité de ce que l’on doit découvrir, mérite que l’on s’accroche un peu, mais décolle à mi-chemin d’un ton un peu convenu, jusqu’à devenir assez fascinante. Sans parler de l’attachement certain au héros et la forte empathie qui émane de son entière singularité. Jake se déniaise doucettement, en sortant de son statut d’ingénu permanent. Pour autant, il est plus ou moins protégé une bonne partie du temps par son statut de journaliste, peut-être aussi d’occidental, c’est du moins suggéré. Il joue ainsi d’une fausse légèreté et feinte parfois l’insouciance. Il prend ses informations chez les flics, tout en rendant service aux Yakuzas, jouant évidemment avec le feu.



La boite de nuit vue dans l’épisode 4 est démente et au top d’une forme de coolitude extrême. C’est un peu là où il faut être. C’est aussi une immense immersion dans les sales affaires, dans les vices et vicissitudes de la nuit à Tokyo. Un Tokyo fiévreux, toujours coloré, qui nous est montré sur un versant névrotique et hypnotique. Mais à nouveau un dicton, on n’est pas au pays du soleil levant pour rien : «  Un homme sans ennemi n’est pas un homme  ». Pourtant, Jake se comporte parfois comme un enfant, qui donne le sentiment de jouer, de s’amuser, sauf qu’en face, ça ne rigole pas vraiment. Les postures, notamment des Yakuzas, leurs fringues toujours impeccablement mis, les décors, les couleurs, le rythme, c’est visuellement un petit miracle. « Ne pas savoir est sérénité  » selon le Buddha. Pour le coup, Jake fait tout l’inverse. Tokyo Vice est en effet ponctué de citations et de profondes réflexions. Le milieu mafieux se vaut toujours humble et réfléchi. On assassine, on pourrit tout, mais avec une sorte de code d’honneur un peu auto-proclamé quand même.



Ansel Elgort crève l’écran dans le rôle de Jake. Il dégage une empathie divine et on le suivrait au bout du monde. Il est assez magnifique à voir évoluer, et il porte tout avec un talent éclectique et électrique. C’est une très grande prestation. Rachel Keller est bluffante également. La palette qu’elle développe ici est aussi large qu’authentique. Hideaki Ito, qui devient très vite son amant, dans le rôle de l’impétrant Yakusa, empêtré dans ses contradictions impose aussi là une présence très puissante face caméra. L’ambiance générale de Tokyo Vice nous envoute et nous enivre. La série n’est pas forcément addictive, mais se laisse apprécier comme un mets délicat, très élégant et avec une très belle progressivité. Un charme très fort et engageant.

Crédits : Canal+

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